Faire récits par des écritures-mondes

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Silhouette Wall Cuts (détail). Dan Colen.

 

Course sans fin

Dan Colen pose un ensemble hyperréaliste de sculptures en latex interrogeant les dessous de la culture mainstream et populaire. Ainsi les célèbres personnages cartoon Roger Rabbit de la galaxie Disney et Vil Coyote du dessin animé en mode burlesque catastrophe Bip Bip et Coyote ainsi que l’artiste nu comme un vers, son sexe démesuré de pornstar reposant sur la cuisse. Figure aussi une rouge marmite renversant son contenu scandé de glaçons mascotte faite pour jus d’orange en poudre, Kool-Aid Guy. Fruit d’une performance antérieure, un marathon mené sous une pluie battante, le groupe s’échoue, épuisé, lessivé, essoré, comme après une course, une orgie ou une rave improbable.

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Livin and Dyin. Dan Colen. 2013.

Plusieurs parois d’expositions adjacentes sont percées par le silhouettage du groupe entier renouant avec l’alphabet du cinéma d’animation passe-murailles américain des pionniers que sont Tex Avery et Chuck Jones. La reproduction à l’échelle du corps nu de Dan Colen peut rejoindre la longue lignée des humains de synthèse imaginés par des artistes contemporains comme d’hypothétiques réponses à un monde d’avatars ou de répliques (clones électroniques ou biologiques), qui colonisent notre quotidien. Et redéfinissent sans cesse la lisière entre copie et original, naturel et artificiel. Cette propension au fac-similé humain connait ses artistes de proue avec Ron Mueck, Duane Hanson et selon des modalités autres, Damien Hirst, Martin Kippenberger et Gilles Barbier pour qui « la question de savoir si nous sommes propriétaire ou locataire de notre corps est une question centrale dans mon travail. » La sculpture se fait ainsi d’abord empreinte, moulage, copie conforme ou moins, en vertu de cette dimension d’une virtualité qui dans le matériau utilisé, déménage le regard et les perceptions communes.

 

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Silhouette Wall Cuts (détail). Dan Colen.

La sagace médiatrice culturelle Marie Blanvillain relève : « Le sculpteur australien hyperréaliste Ron Mueck, dont le travail est de l’ordre de l’artisanat méticuleux, réalise une petite genèse en argile suivie d’un moule en résine, collant à sa sculpture les cheveux. Dan Colen, lui, fait fabriquer ses sculptures par des studios de cinéma, dont les trois personnages de cartoon sont en résine, l’artiste étant réalisé en latex. Cette œuvre est postmédia, car elle prend en compte deux types de sculptures. Celles par le plein déjà évoquées et d’autres par le vide, des silhouettes reproduites dans toutes les parois du rez-de-chaussée de La Sucrière. En outre, l’espace muséographique est tissé de règles implicites que l’on rappelle parfois aux enfants : interdiction toucher, de courir et de crier notamment. Dan Colen, lui, a réalisé l’exact opposé de ces règles, tout en allant au-delà, perçant littéralement les murs d’exposition de La Sucrière. Il a traversé les parois qui sont des cimaises censées soutenir les œuvres présentées, telles celle de personnalités phares de l’art contemporain, Fabrice Hyber et Erró. Notre quatuor arrive en quelque sorte ‘premier’ de l’exposition, puisque c’est l’œuvre découverte à l’entrée par le spectateur. C’était donc une course à la gloire. Dan Colen se représente à la même échelle que la mascotte d’un jus de fruit ayant fait fureur dans les années 80 aux Etats-Unis et de deux protagonistes cultes de l’univers cartoon. Il fait ainsi écho à nombre de personnages publics s’adonnant à cette course à la notoriété et au buzz à tout prix, souhaitant être davantage connu que reconnu pour quelque chose.»

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Invisible Astronaut. Tavares Strachan. 2013.

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