Danse avec les morts à vif

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Top of my head-®Thomas Florestan

Pièce conçue par Andonis Foniadakis pour le Ballet Junior, Do us apart agite, au cœur de mouvements énergétiques et d’expressions grotesques, une « humanimalité » semblant surgie de l’au-delà. Jusque dans sa dimension de cabaret érotique kitsch, l’opus annonce le Sacre néo-aztèque armé du tellurisme stravinskien, et convoquant l’âme d’amazones et de guerriers, créé par le chorégraphe hellène en 2013 pour le Ballet du Grand Théâtre.

 

Proche du théâtre, des arts plastiques, de la danse butô enténébrée et ici par instants survitaminée, Andonis Foniadakis met en scène des êtres harponnés par l’invincible tourbillon de la mort. Dans un environnement qui tend à les clouer au sol, les interprètes réagissent, s’adaptent, inventant leur canevas de circulation comme au sein d’un mouvement continu jaillissant en tourbillons sur soi et marqué d’incessants changements de directions. On retrouve en ces corps rapatriant au fil d’une graphie proche du mort-vivant la maladresse babolante du nouveau né et de l’enfant, l’intuition de Marcel Proust dans Le Temps retrouvé : « Quand nous avons dépassé un certain âge, l’âme de l’enfant que nous fûmes et l’âme des morts dont nous sommes sortis viennent jeter à poignée leurs richesses et leurs mauvais sorts, demandant à coopérer aux nouveaux sentiments que nous éprouvons et dans lesquels, effaçant leur ancienne effigie, nous les refondons en création originale. » Et l’animalité des mouvements de s’enrichir par instants de saillies néoclassiques, les chevelures des danseuses de se faire étendard furieux fouettant l’espace jusqu’à l’épuisement.

 

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Do us apart-®Thomas Florestan

 

Bienvenue à Zombieland

Do us apart (2010) imagine une tribu de morts-vivants, où l’humanité expirante ou post-mortem le dispute à l’animalité du cri. Sa picturalité aussi, rappelant le cri silencieux de la toile expressionniste d’Edvard Munch avant d’échouer dans le râle et une folie enfiévrée erratique de Sabbat se figeant en image arrêtée, sexuée ou géométrique abstraite. On glisse ensuite de roues corporelles vitales, en séjour des damnés tout en cheminant par des parcours à quatre pattes en reptations sinueuses et affrontements gutturaux façon Guerre du feu. Les hululements et ricanements de Diamanda Galas fuselés sur un piano en réverbérations et échos accompagnent une série de duos menés comme des combats somatiques, voire des figures de capoeira, cet art martial afro-brésilien. Le chorégraphe a l’art de ralentir ses tableaux scéniques tramés de corps ondulant ou se tordant avant de suggérer la résistance au détour de poings tendus à l’horizontale hérissant la communauté. Les interprètes maintiennent pied à pied la flamme fragile, éphémère de l’existence : tenir, survivre sur des psalmodies rhapsodes tout en s’enfonçant une lame imaginaire dans les entrailles.

Faire danser des « corps zombies » fut le cas d’Anjelin Preljocaj pour N, œuvre influencée par les dérivés en jeux vidéographiés de corporalités épuisées poursuivant leurs soubresauts de pantins de l’au-delà. Dans le sillage notamment de la série Walking Dead, de la franchise REC ainsi que de l’œuvre de Georges Andrew Romero (La Nuit des Morts-vivants, Le Territoire des Morts), les voix exhalent des cris dépressurisant, se fendent en leur mitan et sont pris de convulsions. Mais plutôt que d’apparaître comme refuge possible au cinéma de zombies un peu éteint, la chorégraphie transfuge vers la fable et le conte désenchanté, loin de l’horreur viscérale des origines. La danse milite pour une forme de rituel archaïque contemporain, sacrificiel où nombre de cultures se mêlent pour composer un étonnant maelström revendiquant une certaine idée de l’entertainment, du divertissement.

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