« Nixe », solo, Cindy van Acker
La nouvelle saison du Théâtre de l’Usine fait la part belle à la danse, avec sept projets, puis à la performance qui avec trois spectacles se trouve à égalité avec le théâtre. Deux festivals constitueront également des moments forts. Entretien avec Myriam Kridi, programmatrice.
Propos recueillis le 24 août 2010.
Comment avez-vous effectueÌ la seÌlection parmi les projets qui vous ont eÌteÌ soumis?
J’ai reçu preÌ€s de 70 projets provenant de la reÌgion dans laquelle j’ai diffuseÌ des appels, soit GeneÌ€ve, la reÌgion vaudoise proche et la reÌgion française voisine. Tous ces projets eÌtaient treÌ€s diffeÌrents, c’est d’ailleurs l’inteÌreÌ‚t de cette forme d’appel formuleÌe de façon assez neutre ce qui permet de recevoir des propositions diffeÌrentes comme des formes que je ne programme pas habituellement, le cirque ou le mime par exemple, meÌ‚me si je les ai pas programmeÌes. Ensuite, l’ideÌe eÌtait d’essayer de choisir un nombre plus ou moins eÌquivalent de projets danse, theÌaÌ‚tre, performance, et laÌ€ c’est devenu plus difficile. Tout de suite le niveau des propositions danse se remarque, ce n’est pas que leur niveau soit toujours supeÌrieur mais les propositions sont beaucoup plus claires, c’est vraiment de la danse contemporaine en geÌneÌral et les artistes savent qu’ils s’adressent aÌ€ une sceÌ€ne qui programme de la danse. Pour les performances, ce sont souvent des gens qui sortent de la HEAD. Dans le theÌaÌ‚tre c’est plus compliqueÌ car nombre des projets de deÌbut de parcours, meÌ‚me s’ils s’inscrivent dans le contemporain, releÌ€vent plus du divertissement grand public et non des projets de recherche, ce fut un criteÌ€re de choix, par exemple pour deÌterminer ceux qui avaient un projet de recherche, d’expeÌrimentation et les autres qui avaient juste envie de mettre en sceÌ€ne quelque chose.
 Comment avez-vous deÌcideÌ d’accueillir d’autres formes comme la performance?
Ce qui est nouveau c’est qu’il y a maintenant des gens qui ne viennent pas du tout du spectacle vivant et qui se mettent aÌ€ faite du spectacle et parfois font des choses plus inteÌressantes car ils n’ont pas ce bagage traditionnel qui les bloque, par exemple GiseÌ€le Vienne qui est associeÌe aÌ€ la danse alors qu’elle a une formation de marionnettiste, elle fait des projets dans ce sens et devient une artiste phare de ce milieu.
Quelles sont les motivations des artistes que vous avez seÌlectionneÌs ?
Sur les sceÌ€nes genevoises, meÌ‚me quand les projets sont plus aboutis, certains ont cette ideÌe que l’on va voir qu’une pieÌ€ce qui doit eÌ‚tre une bonne pieÌ€ce qui divertit pendant une heure, et qu’apreÌ€s on reÌinteÌ€gre sa vie, il y a une coupure. Les artistes que je programme ont plus envie de chercher et ne sont pas dans une position treÌ€s confortable, ils se mettent en danger par laÌ€ ouÌ€ ils sont par rapport aÌ€ ce qu’ils cherchent, il y a quelque chose de plus engageÌ par rapport aÌ€ la vie de tous les jours, c’est important qu’il y ait le moins de coupure possible entre les preÌoccupations quotidiennes et le travail preÌsenteÌ.
 Vous vous lancez dans deux coproductions, c’est un pari financier et estheÌtique !
Partir avec 2 coproductions, c’est un engagement fort car on a choisi certains artistes et donc pas d’autres, c’est alors plus difficile car il faut deÌfendre ces choix aussi devant les autres artistes. J’ai choisi de coproduire deux projets de danse alors que j’aurais pu en prendre un de danse et un de theÌaÌ‚tre, mais laÌ€ ce sont deux projets qui cherchent de manieÌ€re totalement diffeÌrente.
Avec Marie Caroline Hominal (Voice Over, janvier 2011) ce fut plus facile, car c’est une artiste que le TheÌaÌ‚tre de l’Usine suit depuis le deÌbut, elle est dans une trilogie, elle a un questionnement sur la place de l’artiste. Son estheÌtique visuelle treÌ€s forte et c’est un des aspects de la creÌation danse que j’ai envie de deÌfendre. On mise sur ce projet aussi pour qu’elle puisse deÌvelopper sa penseÌe de manieÌ€re plus profonde.
Les trois autres (Ioannis Mandafounis, Fabrice Mazliah et May Zahri – Cover Up, en avril 2011) sont beaucoup plus connus et reconnus aÌ€ l’eÌtranger. loannis Mandafounis a fait un projet dans le cadre du festival Big Bang pour lequel j’ai eu un flash, c’est un travail compleÌ€tement diffeÌrent de celui Marie Caroline Hominal, ces trois sont clairement dans la recherche d’un langage choreÌgraphique du mouvement, je les ai choisis aussi car au niveau de la qualiteÌ dans la saison ce sont clairement ceux qui ont la technique la plus solide, une proposition au niveau de la recherche treÌ€s solide, ils sont dans un moment ouÌ€ ils ont besoin d’eÌ‚tre soutenus car ils vont beaucoup plus tourner.
Pourquoi les projets danse sont-ils plus remarqués?
Tout le monde pense que la question du niveau des projets est lieÌe aÌ€ la question financieÌ€re, aÌ€ un certain confort supposeÌ, que les artistes devraient eÌ‚tre plus obligeÌs de “ramer’. En fait, le probleÌ€me se situe plus au niveau de la politique genevoise dont le message est que tout le monde a le droit d’eÌ‚tre programmeÌ partout. Les politiques tiennent aÌ€ ce que l’on programme les locaux sans souci d’excellence, ce qui correspond aÌ€ une vision sociale de la culture ouÌ€ chacun trouve du travail. Dans le theÌaÌ‚tre, meÌ‚me quand aucun programmateur ne veut d’un travail, il y a toujours des lieux ou le metteur en sceÌ€ne peut se produire. Il faut pouvoir dire qu’un travail est insuffisant et la danse s’en tire mieux car aÌ€ GeneÌ€ve il n’y a que deux lieux (avec l’ADC), nous refusons donc plus de projets et du coup cela s’accompagne d’une exigence forte.
Comment pouvez faire connaître et tourner les projets que vous soutenez ?
En Suisse romande, on se reÌunit tous les trois-quatre mois avec tous les programmateurs de danse en Suisse, et une fois par anneÌe on en choisit trois autour desquels plusieurs programmateurs s’engagent, ce fut le cas par exemple avec Perrine Valli.
Et au niveau local ?
Pour le theÌaÌ‚tre il y a les « journeÌes de theÌaÌ‚tre contemporain » qui ont eu lieu cette anneÌe et auront lieu dans deux ans, cette saison avec l’ADC et le Grütli nous avons le projet avec Cindy Van Acker en deÌcembre 2010. Les trois sont inteÌresseÌs par cette artiste et c’est aussi l’occasion de preÌsenter une artiste dans des formats que d’autres ne vont pas faire. [4] Cindy Van Acker a atteint aujourd’hui une eÌtape importante de son travail et une reconnaissance certaine aÌ€ travers la programmation de quatre solos dans le cadre du Festival d’Avignon 2010. Il nous paraissait inteÌressant et pertinent de lui donner la visibiliteÌ que son travail meÌrite et de rendre plus eÌvidents les enjeux de son travail aÌ€ travers une programmation groupeÌe de ses pieÌ€ces. C’est rare de trouver une ville ou l’on peut tout programmer, ce qui donne un sens aÌ€ son travail. Le spectateur pourra ainsi avoir un meilleur acceÌ€s au travail de Cindy Van Acker en voyant tous les solos aÌ€ la suite.’
Pour sa troisieÌ€me saison aÌ€ la la programmation du TheÌaÌ‚tre de l’Usine, Myriam Kridi privileÌgie les projets non conventionnels de jeunes artistes locaux soucieux d’expeÌrimentation, elle s’engage dans la coproduction de spectacles d’une part et, de l’autre, renforçe le soutien aux artistes en deÌbut de parcours. Les risques sont reÌels tant pour la programmatrice que pour les artistes qui explorent de nouvelles voies, les politiques devraient assumer leur part en eÌvitant le saupoudrage et encourager la compeÌtition afin de creÌer les conditions neÌcessaires au rayonnement de la sceÌ€ne locale.
Jacques Magnol
La saison du TheÌaÌ‚tre de l’Usine comprend cette anneÌe : 3 spectacles de theÌaÌ‚tre dont 1 creÌation, 1 variation et 1 accueil, 7 spectacles de danse (7 creÌations), 3 performances (3 creÌations). Dans le cadre des deux festivals Particules (janvier 2011) et Big Bang (juin 2011) seront preÌsenteÌes une dizaines de pieÌ€ces suppleÌmentaires de danse, de theÌaÌ‚tre et de performance (4 creÌations et 5 ou 6 accueils).