Les archétypes chorégraphiques de Marie-Caroline Hominal

scène

Photo: Dorothée Thébert

Au fil de “Yaksu Exit Number 9“, un duo féminin explore l’absurde de la vie de stars, ses interviews brassant le futile et le politique, ses poses de corps inspirées par les arts martiaux, la boxe, le hip-hop et les avant-gardes-russes de l’orée du XXe siècle. Interview.

Entretien avec Marie-Caroline Hominal


Immortalité de stars décadentes

Les deux icônes trash et un brin perverses que composent la musicienne et compositrice Heleen Treichler et la danseuse et chorégraphe Marie-Caroline Hominal viennent commenter à  mi parcours de “Yaksu Exit Number 9“, la dramaturgie chorégraphico-musicale qu’elle vienne d’interpréter sur scène. Soit souvent remise sur le métier une partition mouvementiste partagée entre gestes anguleux et comportement mi décadent mi insouciant. Et une musique interprétée sur le vif sous formes de volutes sonores répétitives à  base de guitare basse et de batterie.
Le binôme artistique s’expose en robes fourreau à  paillette métalliques colorées et sous un diadème argenté digne d’un bal des débutantes dans la haute société ou d’un improbable concours de Miss. Attachées à  leurs personnages qui soutiennent être l’histoire et vouloir chaque jour en écrire une nouvelle page, elles ont cette cette étrange faculté de pouvoir construire leur propre fiction sans pour autant s’ancrer dans un récit.
Elles sont en soi des figures de fiction, arborant signes vestimentaires et poses subjectives puisés dans des contextes familiers : la mode, le voguing, l’art pugilistique, les concerts gothiques ou de heavy metal, le corps sexué des oscillations de bassin du R&B ou du hip-hop. Les personnages de fiction comme trame narrative aux procédés chorégraphiques et performatifs de cette création se révèlent à  travers une imagerie à  la fois fantasmée et réelle. Ils se construisent dans les revers d’artefacts qu’ils éprouvent frontalement ou de manière indicible. Ceci afin de se confronter à  l’artifice, mais aussi à  l’ennui, au mécanique d’un corps pris dans des saluts militaires pour mieux faire l’expérience de l’intime.

Aliment périssable

Une lecture à  double face qui saisit à  la fois la surface des images qui nourrissent notre environnement quotidien tout en se laissant absorber par ce qui les anime de l’intérieur Les deux protagonistes inventent un langage considérablement mouvant faisant écho à  nos environnements quotidiens et à  leurs transformations constantes. Témoin cette partie d’échec jouée à  l’aide de meringues, que l’on empile avant de les faire éclater, de les concasser en fine poudre qu’une paille vient souffler en lieu et place de l’attendue aspiration. Plus qu’un avatar du “Eat Art” (courant apparu dans les années 60 sous la houlette de Daniel Spoerri et recourant à  l’aliment dans la création artistique), une manière de déstructurer un aliment devenu cendres du temps. Ou, plus organiquement, pigment pictural couleur chair sous une lumière tour à  tour blanche, mordorée et charnue. Une façon d’affirmer la condition périssable, transitoire de toute chose, de désacraliser la création artistique qui rend l’objet immuable.
Marie-Caroline Hominal réussit à  créer des zones de flottement pour en faire des terrains glissants, amorcer des saillies philosophiques sur l’ennui, l’infini et l’éternité. Un questionnaire de Proust pour un catalogue raisonné de soi où l’on se décrit sous toutes les coutures et coupures du quotidien. Avant extinction sous forme de coloniale descente de lit en peau de bêtes – poses que prennent les deux interprètes étendues au sol et revêtues de peignoir pugilistique avec des motifs zébrés ou tachetés façon léopard. Un jeu sur le surfaçage des corps, de la chevelure singulièrement comme agitant des pensées disparues, que n’aurait pas renié le photographe et plasticien français Patrick Tosani.
Marie-Caroline Hominal a évolué aux cotés de Giselle Vienne, la Ribot et Gilles Jobin, pour son “Steak House“, où elle se révèle extraordinaire de détachement dans des scènes et postures inspirées des géométries corporelles du X. En 2008, elle crée un premier solo, “Fly Girl“, déclinaison oscillant entre réel et imaginaire sur les identités boule à  facettes d’une danseuse partagée entre arts martiaux, propagande guerrière et hip hop.

Bertrand Tappolet (article paru le 28 mars 2010)

“Yaksu Exit Number 9”

Théâtre Arsenic. 6 au 8 avril 2011.

Théâtre de l’Usine, Genève. Jusqu’au 28 mars 2010.

Site de Marie-Caroline Hominal

 

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Un commentaire pour “Les archétypes chorégraphiques de Marie-Caroline Hominal
  1. mc dit :

    YEH!!!! n ai pas pu écouter l interview, ça me fais flipper, mais le texte de la balle!!!
    ….Un questionnaire de Proust pour un catalogue raisonné de soi où l’on se décrit sous toutes les coutures et coupures du quotidien.
    wouaw, Proust je tarde de m y atteler et le mixer avec d’autres.

    Merci

1 Pings/Trackbacks pour "Les archétypes chorégraphiques de Marie-Caroline Hominal"
  1. […] mais laÌ€ ce sont deux projets qui cherchent de manieÌ€re totalement différente. Avec Marie Caroline Hominal (Voice Over, janvier 2011) ce fut plus facile, car c’est une artiste que le ThéaÌ‚tre de […]