teamLab, Dissipative Figures – 2 Humans, 2022, Digital Work, 8 channels, Continuous Loop, © teamLab. Photo Jacques Magnol.
Le collectif d’artistes ultra-technologues teamLab est à l’œuvre simultanément à la galerie Pace et au Grand-Théâtre, C’est une première car, malgré une renommée mondiale, leur travail n’a jamais été montré à Genève.
Sous le titre Existence in an Infinite Continuity, Pace présente les Dissipatives Figures, cinq œuvres numériques qui font référence au rapport des êtres vivants à leur environnement. L’exposition explore les relations entre le monde et le self, encourageant de nouveaux modes de perception à travers des installations à la pointe des avancées technologiques. Au GTG, teamLab signe la scénographie de Turandot, l’opéra de Puccini.
teamLab, Existence in an Infinite Continuity, vue partielle de l’exposition, photo Jacques Magnol.
teamLab est un collectif artistique interdisciplinaire créé en 2001 par Toshiyuki Inoko étudiant en ingénierie à l’université de Tokyo. Aujourd’hui, le groupe est fort de plus sept cents artistes, ingénieurs, informaticiens, mathématiciens, roboticiens, architectes, designers, ou, pour simplifier, des ultra-technologues ainsi qu’ils se définissent eux-mêmes. Au cœur de leur pratique se trouve la conviction que tout existe dans une longue, fragile mais miraculeuse continuité, dans un univers libre de frontières.
Si le numérique peut nous servir à mettre en avant et renforcer les atouts de notre culture pour créer de nouvelles émotions ou un nouveau mode d’expression, je crois que ce sera quelque chose de fabuleux. Toshiyuki Inoko (Interview OMPI/Japon).
La renommée du collectif tient principalement à ses installations de paysages interactifs qui se déploient dans des salles truffées de capteurs pour inciter les spectateurs d’aller au-delà de la simple observation passive. Le visiteur est totalement immergé dans des installations en perpétuel changement. Leur musée « teamLab Borderless », à Tokyo, est le plus visité au monde selon le Guiness World Record, tandis que de nouveaux projets futuristes sont en développement, tel celui d’Abu-Dhabi, récemment annoncé par le gouvernement des Émirats-Arabes-Unis. Durant la foire Art Basel 2022, on a pu voir sur l’espace de la galerie Pace, The World of Irreversible Change (2022), une oeuvre numérique qui se transforme au fil des interactions des spectateurs. La continuité des interactions provoque des conflits dans le système de l’oeuvre et conduit finalement à sa destruction. Il ne sera plus possible de revoir le monde créé alors, le suivant sera le fruit de nouvelles interactions gérées par les algorithmes impliqués dans l’œuvre.
Les exposées à Genève diffèrent des installations interactives types de teamLab. En intitulant ses oeuvres Dissipative Figures, teamLab évoque la transmission d’energie qui se produit entre le corps et son environnement, en particulier lorsqu’il est en mouvement. Le terme a été créé par lya Prigogine, physicien, chimiste, philosophe belge et prix Nobel de chimie en 1977, qui a en particulier montré que quand la matière s’éloigne de son état d’équilibre, celle-ci peut s’organiser d’elle-même. De tels phénomènes se manifestent aussi bien en en physique qu’en biologie ou dans les fluctuations climatiques. Apparaissent alors des configurations nouvelles qui semblent contredire l’accroissement perpétuel d’entropie que prédit la thermodynamique. Il a pu être montré que cet « ordre né du chaos » se paie par une dépense d’énergie fournie par le monde extérieur, mais ces systèmes ouverts, à toutes les échelles, jouent un rôle important dans la structuration des formes de la nature.
teamLab, Existence in an Infinite Continuity, vue partielle de l’exposition, photo Julien Gremaud.
Les oeuvres sont constituées d’innombrables lignes minuscules qui jaillissent de manière dynamique dans des compositions expressives et denses. Les lignes ne représentant pas les silhouettes humaines ou les oiseaux eux-mêmes, mais illustrent plutôt leur mouvement en exprimant leur influence sur le flux d’air environnant.
Dans Dissipative Figures – Birds (2022), des oiseaux invisibles s’envolent, volent et se heurtent dans un élan d’énergie délimité uniquement par les traces de leur mouvement dans l‘espace.
De même, dans Dissipative Figures – Human (2022), l’empreinte diaphane d’une silhouette anonyme se déplace sur toute la longueur des huit écrans. Présentées ensemble, ces oeuvres inédites nous rappellent un principe central de la philosophie artistique de teamLab : être vivant, c’est être en continuité avec le monde, nourri par des flux d’énergie perpétuels, provenant aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur.
Être vivant signifie être inséparable du monde. Le concept de teamLab.
« L’Être est constitué de la conscience, du corps et de l’environnement dans une relation fusionnelle. Les objets comme les pierres et les créations artificielles ont jusqu’à présent maintenu une structure stable. Mais la vie est différente. Alors qu’une pierre peut continuer à exister dans une boîte fermée, hermétiquement isolée du monde extérieur, tandis que la vie, au contraire, cesserait d’être.
La vie est comme un vortex dans l’océan. Un vortex se forme et existe dans un flux de matière, et les limites de son existence sont ambiguës.
Bien qu’un vortex soit stable, il se meut constamment et gonfle comme une puissante forme de vie. Ce vortex ne peut maintenir une structure stable par lui-même ; il doit être alimenté par un flux continu d’eau qui coule vers l’intérieur et vers l’extérieur.
Il en est de même de la vie. Elle consomme de la matière et de l’énergie externe comme nourriture, maintenant sa structure ordonnée au fur et à mesure que l’énergie se dissipe. En d’autres termes, la vie n’existe pas par elle-même. C’est l’environnement qui lui est continu qui permet de maintenir la structure de la vie.
La vie est un phénomène miraculeux qui émerge d’un flux dans un monde ouvert. Comme un vortex océanique, c’est une existence aux frontières ambiguës dans une continuité infinie. Être vivant signifie être inséparable du monde, tout en dissipant constamment de l’énergie. » teamLab. Texte original en anglais, traduction Jacques Magnol.
25 juin 2022
Jacques Magnol
teamLab
Existence in an Infinite Continuity
Pace Gallery
Quai des bergues 15-17
Genève
9 juin au 2 juillet 2022
