Le divan, premier élément d’une relation réussie

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Les directeurs artistiques de Documenta 9, Jan Hoet (décédé en février 2014) et Denys Zacharopoulos, installés sur un divan de l’installation de Franz West à Kassel en 1992. Photo Jacques Magnol.

A l’ombre du Mamco, dans l’espace en forme de chapelle attenant à la galerie de Pierre Huber, un divan de Franz West, de 1996, trône en pleine lumière mais sa fonction participative a disparu. Lors de Documenta 9, en 1992, c’étaient 72 divans qui étaient installés sur une place à laquelle ils conféraient l’allure d’un cinéma en plein air. En hommage à Sigmund Freud, un autre Viennois, Franz West (1947-2012) y proposait comme assises aux visiteurs ces divans en fer, entre sculpture et mobilier, très inconfortables, recouverts de tapis usés. Le public s’y est installé et d’aucuns n’y ont peut-être vu que l’occasion d’une halte salutaire pour se reposer durant l’exténuante grand-messe de l’art contemporain. Bien que le sens paraisse insaisissable, il laisse son empreinte; après tout, ce travail est en relation avec la construction du corps social, ce qui est construit n’est qu’une esquisse, si le public s’assied face à un écran sur lequel il ne se passe rien, le happening est dans la rue. Ainsi Franz West a préparé le terrain pour le développement de l’Esthétique relationnelle, car ces divans sont, d’une part, une oeuvre d’art, de l’autre, chacun peut l’expérimenter corporellement.

Comme le note Nicolas Bourriaud, les sièges de Franz West mettent le spectateur en déroute puisque « frustré d’un objet à admirer », il est « amené à s’asseoir sur ce qu’il désirait regarder ». En somme, l’œuvre qu’il était venu voir disparaît au profit de son usage, l’intérêt visuel est évincé par la découverte tactile de l’objet. West réintroduit les objets d’art dans le circuit du quotidien. Ses objets sont, selon sa propre expression, des « adaptateurs entre l’art et la vie ».

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Pierre Huber sur un divan de Harald Szeemann. 20 mars 2014. @Jacques Magnol.

C’est à partir de la fin des années 1980,que Franz West a commencé d’interroger le comportement du corps dans les espaces quotidiens à travers des sculptures qui prennent la forme d’éléments de mobilier, faits de tubes d’acier grossièrement soudés. Avant Documenta, il avait exposé ses divans de métal lors de l’exposition au PS1 Museum de New York (1989), puis lors de son exposition au Dia Center for the arts de New York en 1994 où canapés et tables étaient installés sur le toit du bâtiment. Lors de la rétrospective organisée au musée Ludwig à Cologne (2010), il a présenté des cabines et des paravents à l’abri desquels le visiteur pouvait se déshabiller ou faire des mouvements avec des Paßstücke.

 

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Franz West. Installation de 72 canapés lors de Documenta 9, 1992. Kassel. Photo Jacques Magnol.

 

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Franz West, recherche dans l’atelier, extrait du catalogue de Documenta 9.

Franz West, né en 1947 à Vienne (Autriche), se dit influencé par les actionnistes viennois et leur relation au corps humain, Josef Beuys et Marcel Duchamp. Dans les années 1970, il réalise des Pass-stücke ou adaptatives, des objets blancs en papier mâché ou en plâtre montés sur une armature en métal. Ces « adaptateurs entre l’art et la vie », selon les propos de l’artiste, sont de forme arrondie et peuvent être portés par le corps humain à la manière d’excroissances, de prothèses, ou bien utilisés par le spectateur comme des instruments de musique. Ces œuvres aux formes hybrides et organiques n’ont d’existence que dans la mesure où elles sont utilisées par un tiers.

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Chaises, tables et divans sont devenus des éléments centraux des installations de Franz West. Photo Illmari Kalkkinen.

 

 Galerie Art & Public – Cabinet PH

7 rue des Bains. 1207 Genève.

Dès le mardi 20 mars 2014.

 

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Publié dans arts, expositions