L’art vandale entre au Bâtiment d’art contemporain par la grande porte

Faust, All That Matters, peinture. Faust perpétue la tradition des peintures basées sur du texte. Photos Jacques Magnol.

Les oeuvres de neuf artistes du Street art sont exposées au Bâtiment d’art contemporain dans une démarche qui vise à aborder le vaste champ de l’art de la rue en associant les travaux des artistes à des rencontres avec le public lors de conférences, de projections et d’ateliers pratiques. Une balade urbaine clôturera la manifestation pour favoriser la réflexion in situ, face aux oeuvres.

De g. à dr. : JOULE216, sans titre, installation. FÔRTRESS, Hoolicans, collage.

Né à la Jonction, Joule pratique le break dance, spécialiste dans l’art du graffiti, il peint des murs de plus en plus grands et colorés. L’artiste et illustrateur allemand Flying Förtress a évolué du graffiti au graphisme avant de retrouver ses racines avec ses célèbres Teddy Troops.

Aujourd’hui le Street art utilise l’espace urbain comme un lieu d’exposition en se l’appropriant et en le modifiant tout en l’enrichissant d’un supplément de valeur culturelle. En portant l’art où il n’est pas supposé se trouver, ces artistes changent le monde l’art.
Souvent qualifié de vandalisme, l’art urbain a désormais atteint une réelle reconnaissance à de multiples titres et est célébré lors de festivals courus en Europe et au-delà. Le graff est certainement le moyen d’expression le plus représentatif de la vie de la société contemporaine. Généralement percutant, il est redouté des politiques et encore tenu à distance par une institution muséale privée de pouvoir de validation hors ses murs.

PRIMART a.k.a PAMX souhaite faire du Commun “un espace immersif et expérientiel, un accès au vécu et au ressenti des artistes urbains.”
Quelques mots avec avec Sonia Miny, coordinatrice du projet (4.07 min.)

Sous le titre “Échappées Urbaines” les œuvres et les installations invitent le public à réfléchir aux notions d’appropriation de l’espace public et de la place de la jeunesse dans une métropole transfrontalière, Genève, au fort développement urbain. L’objectif étant “d’ouvrir un espace de dialogue et favoriser l’intercompréhension entre artistes muralistes ou vandales assumés et leur environnement.”

Trois ateliers participatifs ont été organisés cet été par l’association Le Sismographe dans le but de dresser une cartographie sensible des quartiers de la Jonction et de Plainpalais avec l’aide de leurs habitants.
Les participants ont pu partager leurs habitudes, usages, anecdotes et envies afin de dresser un portrait sensible de leur environnement. Toutes ces informations ont été minutieusement répertoriées pour être ensuite transposées sous forme de « transect » par l’artiste YGREK.

 

HSB, Happy Street Blues, Installation. Il s’agit d’un collectif d’artistes de graffiti illégal uni grâce à des rencontres fortuites. Leurs travaux sont visibles sur les autoroutes, dans les gares, sur les trains de marchandises, etc.

Illégal, le graffiti a traversé les arts plastiques, le design, la mode et la publicité en même temps qu’il devenait omniprésent dans le paysage urbain. Les multiples interventions des artistes déployées dans les moindres interstices comme sur des bâtiments emblématiques illustrent le fort rapport des sprayeurs à la ville et l’attention qu’ils portent à sa respiration, en retour ce sont les oeuvres d’art les plus vues par le public.

Le mouvement commencé aux Etats-Unis avec le tag au début des années 1970 où, malgré l’intense lutte anti-graffitis menée par les autorités, la pratique illégale s’est développée extrêmement rapidement avant de se propager en Suisse à la fin des années 1970. Elle atteint alors la renommée médiatique grâce au « sprayeur de Zürich » Harald Naegeli dont l’histoire personnelle illustre les contradictions liées au Street Art. Tour à tour célébré, amendé et incarcéré, professeur dans les écoles d’art en Allemagne et sprayeur régulier en Suisse, l’artiste zürichois a reçu le Prix artistique de la Ville de Zurich en juillet 2020, quelques mois seulement après avoir fait l’objet d’une plainte de la part du Kunsthaus pour avoir sprayé des graffitis sur la façade du bâtiment.

CLYSE, Classic Shit, Anamorphose (partiel). Clyse, un des artistes les plus actifs de la région, est connu pour la réflexion de son travail, tant par les thèmes choisis que par ses jeux avec les lieux, jeux de mots, anamorphoses, et ceci en quelques minutes.

A Genève, les services de la voirie suivent fidèlement et à leur manière les nouvelles « expositions » pour en effacer les traces au plus vite, sans faire de distinction. Le tag d’Harald Naegeli qui a longtemps figuré à l’entrée des Halles-de-l’Ile (dans les années 1980) a malheureusement disparu, le chat noir symbole des anarchistes a subi le karcher dans la rue des Bains, tandis qu’un chat incongru s’est longuement prélassé sur la façade du Bâtiment d’art contemporain. Il faut préciser que l’artiste, avait été adoubé par le conseiller administratif en charge de la culture Sami Kanaan. Ironie du sort, d’autres tags qui apparaissaient régulièrement sous la frise féline étaient aussi impitoyablement que rapidement effacés. Dans d’autres villes, l’art urbain des “vandales” d’hier est devenu un atout touristique.
Dans ce contexte, l’entrée des neuf artistes de l’exposition Prim’art a.k.a. PAMX dans le même bâtiment, prend une importance particulière.

Primart aka PAMX
avec la participation de
FAUST – FÖRTRESS – SMASH137 – RIZOTE – CLYSE – JOULE216 – HOMER – YGREK1 – HSB
7 – 25 octobre 2020
Le Commun – Bâtiment d’art contemporain
Rue des Bains 34. Genève.
Programme détaillé : www.pamx.ch // Le Sismographe  // Association FBI prod

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