L’artiste russe Lamé questionne la possibilité de peindre la poésie à andata.ritorno

Lamé, “Léo Ferré”, 2020. Huile sur toile, 140 x 120 cm. Photos courtoisie andata.ritorno.

Tenir parole en peinture.
Texte de Joseph Farine

Lamé, Sans titre, 2014, huile sur toile, 200 x 150 cm.

La poésie peut-elle se peindre ? Elle qui est évocation par les lettres des images, sans cesse et en leur absence. Elle ne cesse de les produire et de les transfigurer. Il faut une certaine impudeur pour rechercher les traits de ses auteurs. L’arcade d’une paupière, un détour sur les lèvres, une mèche de cheveux. Qui a lu Artaud ne peut oublier derrière le souffle des mots la magnificence de ses portraits jeunes et les constantes souffrances qui ont pavé sa vie dans ce visage livré aux ravages de la peau et des os.

Baudelaire se méfiait de l’usage photographique, cela ne l’a pas empêché de poser pour Nadar principalement, avec cette bouche fermée comme un étau sur les nerfs. Il en reste ces clichés fixant l’objectif avec insistance afin de scruter déjà ceux qui les regarderaient par-delà les siècles à venir : « Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère. »
Il y a de la déchirure dans les yeux fusillants de Maïakovski avec des étincelles de colère et d’insolence prophétique en prévoyance des lendemains qui tuent.

L’artiste Lamé s’est imprégnée également de la violence consumée du verbe de Léo Ferré retranscrite ici jusqu’à des coups de couteau frappés à même le tableau.
Ailleurs c’est le regard songeur et énigmatique de Federico Garcia Lorca qui pointe plus loin que l’aube d’une Espagne crucifiée. Un ciel paisible en conscience des orages à venir. Le goût de la fête précédent l’univers du drame.

La poésie n’est pas qu’une affaire d’images.
La poésie n’est pas une recherche d’ornements.
La poésie n’est pas une entreprise formaliste.
La poésie ne coule pas de source, elle cherche le secret du temps dans chaque trace d’espérance conquise.
La poésie s’apparente à la recherche d’exactitude d’une lame quand celle-ci nous fait entrevoir l’ouverture au réel avec plus d’intensité et que la blessure se taille la part la plus incisive de la tendresse en transcendance du « théâtre de la cruauté ».

Joseph-Charles Farine
5 octobre 2020

 

Déshabiller l’âme
Lamé
Vernissage jeudi 8 octobre 2020 dès 18h.
Exposition du 8 octobre au 7 novembre 2020.
du mercredi au samedi de 14h à 18h.
Portes ouvertes lors du week end Genève.art le samedi 31 octobre et dimanche 1er novembre de 11h à 18h.
Lecture poétique de David Valère le samedi 31 octobre à 17h.

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