Bernard Rappaz, la grève de la faim soulève de nombreuses questions

Guantanamo : la cellule capitonnée sur roues pour l'alimentation de force

Guantanamo : la “cellule capitonnée sur roues” pour l’alimentation de force

Arme ultime de certains prisonniers, et principalement des dissidents politiques, la grève de la faim soulève de nombreuses questions, aussi bien cliniques, éthiques que légales. Dans un article à  paraître dans la Revue Médicale Suisse du 1er décembre, l’équipe du Dr Hans Wolff – médecin responsable de l’unité où Bernard Rappaz est pris en charge – retrace cent ans de pratiques médicales en lien avec l’alimentation forcée des grévistes de la faim à  travers le monde et le XXe siècle. La position des auteurs est sans équivoque : les unités de soins doivent être totalement indépendantes du système judiciaire, afin d’abolir la renutrition forcée, “calvaire humiliant et abominable se terminant fréquemment par la mort ou des séquelles irréparables”.

La nutrition forcée, un acte de torture
Sufragettes britanniques, dissidents de l’IRA, résistants antifascistes, prisonniers de Guantanamo… Nombreux sont ceux, innocents ou coupables, qui ont opté pour la grève de la faim et en sont morts, aussi bien de malnutrition que de renutrition forcée, effectuée dans la violence et avec des produits pouvant se révéler toxiques.
Ainsi le témoignage de cette suffragette qui en 1912 décrit la douleur du passage de la sonde nasale et la suffocation, les vomissements, les spasmes. Le gavage par sonde naso-gastrique était toujours d’actualité à  Guantanamo près de cent ans plus tard, avec les “chaises de contrainte de secours”, sources de douleur et d’humiliation. Il a fallu attendre 2007 pour que la Cour européenne de Justice des Droits humains déclare qu’«une nutrition forcée et répétée sans indication médicale, avec le but d’obliger le détenu de cesser son attitude de protestation, et appliquée d’une manière que cette dernière provoque des douleurs inutiles de même qu’une humiliation du détenu, est considérée comme acte de torture».

La position du corps médical
Renoncer à  secourir est une situation particulièrement difficile pour les professionnels de santé, qui doivent respecter les droits fondamentaux d’individus sains d’esprit prêts à  mourir. Mais le débat n’est pas qu’éthique : même dans les pays occidentaux, les médecins ne jouissent pas toujours d’une indépendance totale par rapport au système judiciaire. En Espagne par exemple, l’alimentation forcée est requise en cas de risque pour la vie du gréviste de la faim. A Guantanamo, la décision de nourrir de force les prisonniers reposait entre les mains des médecins militaires. Parmi eux, ceux qui se sont opposés à  une telle pratique se sont heurtés au ministère de la Défense.
Pour le Dr Wolff et son équipe, la renutrition forcée renvoie aux principes fondamentaux de la médecine. Ils concluent qu'”afin d’éviter des conflits d’intérêt, les unités de soins en milieu pénitentiaire doivent être impartiales et jouir d’une totale indépendance par rapport au système judiciaire et aux autorités pénitentiaires. Ce sont les prérequis qui permettent d’atteindre une qualité de soins en prison équivalente à  celle du monde libre, en respectant les droits des patients, qu’ils soient dedans comme dehors.”

 Jeûne de protestation et alimentation forcée : relevé de pratiques historiques. J-P rieder, T. Huber-Gieseke, L. Getaz et al. Rev Med suisse 2010; 6:2313-8. Editions Médecine & Hygiène.

Mise à  jour. 15/12/2010

Le Comité international de soutien à  Bernard Rappaz rappelle qu’il est urgent de soutenir l’appel « Rappaz ne doit pas mourir » lancé par Jean Ziegler, Daniel Cohn Bendit et José Bové. Pour ce faire, nous recueillons les signatures à  la pétition reprenant les conclusions de cette contribution, et qui a ce jour, recueille près de 500 signataires, parmi lesquelles nous comptons des personnalités publiques connues telles Cécile Duflot, Jean Luc Roméro, Laurent Mucchieli, Anne Coppel, Jean Pierre Galland, Christian Chapiron, Jean Pierre Bouixou, Pierre Delannoy, Robert Delanne…

Pour signer, connectez-vous sur http://supportrappaz.org

Ont d’ores et déjà  assuré de leur participation : Jean Ziegler, Jean Charles Rielle, Manuela Crettaz, Christian Brunier, et Michel Sitbon (porte-parole du Comité international de soutien à  Bernard Rappaz, lui-même aujourd’hui lundi à  son 25ème jour de « jeûne solidaire »). On attend la confirmation de la venue d’autres participants dont la liste sera publiée par un prochain communiqué. Le Comité international de soutien à  Bernard Rappaz dénonce le scandale du refus de prendre en compte la grève de la faim de Bernard Rappaz, depuis 108 jours aujourd’hui, au risque qu’il meure en prison, ce que les autorités judiciaires et politiques assument éhontément. Va-t-on rétablir la peine de mort au coeur de l’Europe ?

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