Raphaël Dallaporta expose les inhumanités quotidiennes dans les rues de Genève

imaginaid photo

L’exposition a lieu dans les rues de Genève du 6 au 29 septembre 2010, sur les façades d’immeubles, les bennes à  ordures, les devantures de commerces, dans les cafés, les centres culturels et autres lieux publics de la cité. Le travail du photographe Raphaà«l Dallaporta, présenté par Imaginaid, évite les images trash et voyeuristes du malheur.

Entretien avec Raphaà«l Dallaporta, par Bertrand Tappolet

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Raphaël Dallaporta a choisi de montrer des façades d’immeubles anonymes derrière lesquelles l’esclavage moderne est pratiqué au quotidien, généralement dans les “bonnes familles” aisées, à  Paris comme à  Genève et ailleurs, le plus souvent en toute impunité. Le commerce des êtres humains est en expansion et les agences qui le pratiquent ont pignon sur rue. Les victimes sont pour la plupart des femmes, souvent jeunes, qui ont fait confiance à  un « ami » de la famille ou une personne qui présentait de bonnes granties et ont quitté leur pays sur la promesse d’un avenir plus clément, d’une formation ou d’un travail.

Une actualité tristement récurrente, à  Genève aussi

Un membre de la famille Khadafi serait-il le meilleur ambassadeur contre la violence domestique? La description des conditions de travail du “personnel de maison” du fils chef d’état, lors de son passage dans un hôtel genevois a fait le tour du monde. Depuis, hors quelques tentatives de récupération politique, l’émotion passagère a été vite évacuée, mais à  Genève comme à  Paris les victimes sont légion. La traite des êtres humains reste, de nos jours, une réalité largement répandue. Près de chez nous, dans les grands centres urbains, les banlieues ou les campagnes, des personnes sont battues, humiliées, maintenues parfois pendant des années dans un état de servitude et de dénuement complet. Genève offre malheureusement un bien triste spectacle avec de nombreux cas, même si peu éclatent au grand jour.
Si les photographies ont été prises à  Paris et en Ile-de-France, les histoires, elles s’apparentent à  ce qui peut advenir chez notre voisin de palier, d’un quartier populaire ou bourgeois de Genève, de Lausanne ou de Zurich.

photo Raphaà«l Dallaporta

L’histoire d’Henriette

“En 1998, Henriette arrive au Comité Contre l’Esclavage Moderne, conduite pas une voisine. Le “patron” de cette jeune fille togolaise appartient à la bourgeoisie intellectuelle parisienne. Vincent Bardet, éditeur au Seuil, est le fils de l’un des deux fondateurs de cette maison d’édition réputée pour son humanisme. Les faits : arrivée à lâge de 15 ans en France, amenée par une compatriote qui promettait à sa famille une scolarisation contre un travail domestique pour rembourser son billet d’avion, elle s’était retrouvée “prêtée” à Aminata Bardet, un “prêt” devenu définitif. Elle restera chez le couple au total trois ans, s’occupant du ménage et des enfants, sept jours sur sept, 15 heures par jour, sans toucher le moindre salaire, sans autre liberté que de se rendre parfois à l’église le dimanche matin. Condamnés en première instance en juin 1999, les époux Bardet sont relaxés en appel et condamnés à une simple amende pour emploi d’étranger en situation irrégulière. L’arrêt de la Cour ne reconnaît pas aÌ€ Henriette, pourtant mineure, isolée, en situation irrégulière et sans argent quand elle “travaillait” chez les Bardet, la qualification de “personne vulnérable”, malgré les réquisitions de l’avocat général. Invraisemblable ! Plus incroyable encore, le Parquet refuse de se pourvoir en Cassation, ce que fait le CCEM au nom d’Henriette pour les intérêts civils, avec l’aide de Me Louis Boré.”
Comité Contre l’Esclavage Moderne.  Le 26 octobre 2005, la France a été définitivement condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour n’avoir pas permis à Henriette Siliadin de voir ses patrons sanctionnés pénalement. (photo © Raphaël Dallaporta, 2010)

Tina se confie dans un livre

“En 2001, Tina a 12 ans lorsqu’elle perd sa mère, décédée en couches. Son père, Simon, veut lui offrir un “avenir meilleur”. Le 11 février, sa fille part en France rejoindre la famille d’un homme en qui il a toute confiance, Godwin Okpara, joueur professionnel nigérian du Paris-Saint-Germain. Tina ne sait pas encore les drames qui l’attendent…
Car la famille du footballeur fera de leur fille “adoptive” son esclave dans la maison familiale où elle sera torturée et violée.” Lire.

Au vu du passé esclavagiste de la Suisse, on peut dire que les gens à  l’époque n’étaient pas vraiment informés de la traite et de l’esclavage. La situation est différente aujourd’hui où pratiquement chacun, à  Genève, peut citer un exemple d’emploi d’une femme sud-américaine, africaine ou asiatique, dont les conditions de travail sont celles de l’esclavage domestique, en toute banalité.

Jacques Magnol

 

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Lieu et dates

L’exposition a lieu dans les rues de Genève du 6 au 29 septembre 2010, sur les façades d’immeubles, les bennes à  ordures, les devantures de commerces, dans les cafés, les centres culturels et autres lieux publics de la cité. Plus de 600 affiches sont visibles, avec les textes en français et anglais.
Les 12 visuels et témoignages sont également visibles à  la Galerie Imaginaid, au 28 rue des Grottes à  Genève. Affichages externes dans les rues et lieux publics de Genève. Tous les visuels sont également visibles à  Imaginaid Galerie, 28 rue des Grottes, Genève, .

L’Association Imaginaid invite le public à  réagir sur le sujet, sur son site internet et à  l’aider à  diffuser largement ces affiches afin de sensibiliser le plus de personnes sur l’actualité de l’esclavage domestique. Disponibles en format A3 à  Imaginaid Galerie.La Ville de Genève soutient cette exposition.

Raphaël Dallaporta vit à  Paris. Son travail de sensibilisation sur l’esclavage domestique a été présenté pour la première fois lors de la 35ème édition des Rencontres photographiques d’Arles et a été montré dans de nombreuses villes  dans le monde. Ondine Millot est journaliste au service société du quotidien Libération, et vit à  Paris.  Ses images viennent en contrepoint des textes écrits par la journaliste Ondine Millot pour figurer ces souffrances muettes et invisibles. Les textes décrivent les faits qui se sont produits à  l’adresse exacte des habitations photographiées. Ils confrontent les lecteurs à  la cruauté de ces situations de servitude et nous incitent à  appréhender les réalités dérangeantes que peut cacher l’ordinaire des façades. Seuls les prénoms des victimes restent fictifs.

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Publié dans expositions, société