Manger des légumes augmente le potentiel de séduction

Couverture du livre d’Andy Warhol, “In the Bottom of My Garden”

Manger des légumes augmente le potentiel de séduction nous apprend une étude publiée par le Journal of the Human Behavior.

Apparence et odeur transmettent des informations déjà utilisées dans le monde animal où l’apparence physique et l’odeur influencent le choix du partenaire en reflétant l’état de santé. Le même critère intervient dans l’attractivité entre les humains sans atteindre encore les effets de l’excitant suprême dans l’Égypte pharaonique, la sueur des dieux.

Si l’habit ne fait pas le moine, la couleur globale de la peau et la répartition des couleurs sont importantes pour la puissante influence que le visage humain exerce sur l’impression des autres. Voilà un bon point de départ pour étudier la santé d’un individu avant que son odeur livre des informations plus précises ainsi que le relèvent les scientifiques : « Nous sommes tous faits de la même façon et à quoi bon demeurer là à regarder, par contre l’odeur est pour chacun différente, l’odeur vous dit aussitôt sans défaut ce qu’il est nécessaire de savoir, il n’est pas d’informations plus précises que celles que le nez reçoit. »

La sensibilité de notre odorat est centrale sur les plans cognitif et émotionnel. Pour l’anthropologue et philosophe Annick Le Guérer qui célèbre plus qu’elle ne rappelle le pouvoir extrême des odeurs, il est impossible de leur échapper. «Enchanteresses ou répugnantes, elles perturbent nos sens sans que l’on puisse s’y soustraire. L’air pénètre le corps, les oreilles, la bouche, le nez, la gorge et les poumons.» Parmi les écrivains, Michel Serres classe le « sentir, champion du sentiment, de la sensation », et Italo Calvino lui reconnaît le pouvoir de nous faire succomber à une sueur agréablement odorante, source d’« une commotion de l’odorat inoubliable ».

Dans le cadre de l’étude citée, les scientifiques ont fait évaluer par des femmes des échantillons de sueur prélevés sur des hommes dans une répartition des rôles qui ne devait rien au hasard. Les donneurs étaient masculins et les juges femmes, car ces dernières accordent plus d’importance à l’odeur lors de leur l’évaluation de l’attraction des hommes et leur capacité de perception olfactive est reconnue supérieure. Les échantillons de sueur ont ensuite été sentis par les femmes qui ont évalué les attributs hédoniques, d’intensité et qualitatifs, de ces effluves. Leurs constatations ont ensuite permis de conclure que l’odeur du corps humain est plus attirante lorsque le régime alimentaire d’une personne est plus abondant en fruits et légumes – et donc plus riche en caroténoïdes.
L’analyse ultérieure de la peau par la spectrophotométrie a révélé qu’une consommation élevée de fruits et de légumes était significativement associée à la sécrétion d’une sueur odorante plus agréable (avec une augmentation des propriétés florales, fruitées, douces et médicinales), indépendamment de l’intensité de la sueur.

Des notes florales d’un grand vin à l’odeur de vieux bouc de l’Helvète

La couleur de la peau du visage est influencée par les caroténoïdes alimentaires, la teintant d’un léger hâle que les gens trouvent attrayant et sain. Ne tournons donc pas végétarien pour autant car l’assimilation des fameux caroténoïdes est favorisée par l’apport de graisse alimentaire. Les femmes participantes à l’étude ont jugé beaucoup plus agréable l’odeur du corps masculin soumis à un régime plus riche en œufs, fromage, soja, fruits et légumes, mais sans-viande. Une consommation accrue de glucides et de viande provoquant une sueur moins agréable.

Bien que l’on ne sache pas précisément ce qui se passe quand les bactéries des aisselles sont exposées aux caroténoïdes, de nombreux composés volatils odorants puissants et agréables du vin (comme la damassine damascénone, l’ionone) sont produits par l’action des bactéries dans la dégradation de ces molécules. Beaucoup d’entre eux ont des notes fruitées, douces et florales, en parallèle avec la qualité d’odeur associée, dans cette étude, à la peau hâlée.
Ces résultats confirment la prétention que la sueur axillaire masculine peut servir de signe plus honnête aux femmes, à propos de l’état de santé d’un homme.

Dans son ouvrage Les Pouvoirs de l’odeur, Annick Le Guérer rappelle que « l’odorat a été pendant des siècles tenu par les philosophes et les scientifiques. Considéré comme un sens inférieur, trop lié à l’animalité, à la sexualité, à l’émotion, ce n’est qu’à partir des années 80 qu’il a commencé à être vraiment réhabilité. Platon et Aristote estiment, par exemple, qu’il procure des plaisirs moins purs, moins nobles, que la vue et l’ouïe, Kant le juge inutile et ingrat, Hegel et Bergson l’excluent de la sphère esthétique. Inutile aussi de chercher une revalorisation du côté des psychanalystes. Pour Freud et ses héritiers, c’est un sens archaïque, lié à une sexualité dévoyée, et dont l’effacement est indispensable à la vie en société et à l’accession à la dimension esthétique. »

Au-delà de l’évaluation de l’état de santé, l’exposition “Odeurs des Alpes”, organisée à Schwyz, en 2003, a tenté de dégager l’identité olfactive de la Suisse. Grâce à des diffuseurs disposés tout au long du parcours muséal, le visiteur était invité à cerner la spécificité helvétique à travers une centaine d’exhalaisons très variées : fragrances délicates des plantes alpines, effluves des fermes d’alpage, de lait, de beurre, de fromage, de vieux bouc, odeurs des bonbons Ricola et du chocolat et même… odeurs de l’armée suisse (graisse à fusil et camphre protégeant l’arme et l’uniforme dans l’armoire de chaque citoyen-soldat). Un labyrinthe déjà parcouru par Italo Calvino, « Je me perdais dans ces va-et-vient sur l’échelle des odeurs sans ne plus savoir dans quelle direction poursuivre. »

Ces odeurs qui perturbent nos sens : Ecouter l’interview d’Annick Le Guérer, anthropologue, historienne et philosophe, par Jacques Magnol.

Publié dans gastronomie, société