Dans l’effervescence actuelle, le milieu de l’art contemporain redoute plus un revers idéologique que conjoncturel. La concentration du marché international entre une poignée de marchands et une centaine d’artistes provoque la frustration d’un nombre grandissant d’acteurs du marché, et non des moindres.
Dernier en date, le galeriste Jean-Claude Freymont-Guth ferme son espace bâlois. Dans sa lettre publiée par artnet, l’homme de l’art, qui reconnaît avoir peut-être fait des choix plus idéalistiques que commerciaux, fait part du sentiment d’aliénation qu’il éprouve « dans un climat où l’espace et le temps pour la réflexion, la discussion et l’identification personnelle avec la forme et le contenu de l’art contemporain sont devenus incompatibles avec la demande toujours croissante en participation, production et concurrence constantes, mondiales. Les conséquences pour l’art dans une société de plus en plus polarisante et finalement construite sur le pouvoir, la finance et l’exclusion sont claires. »
Et de poser les questions qui hantent certainement ses confrères :
« Dans quelles conditions nous – artistes, galeristes, collectionneurs, conservateurs et écrivains – voulons-nous travailler aujourd’hui, et dans la poursuite de quels idéaux?
Quelles sont nos responsabilités et possibilités réciproques?
Et plus précisément: pourquoi soutenons-nous tous un système construit dans un marché aujourd’hui totalement différent et qui ne fonctionne désormais que pour une petite quantité d’artistes et de galeries et que le reste est basé sur l’auto-exploitation ou le privilège?
Si nous nous considérons comme faisant partie d’un monde libre et que l’art est l’une de ses grandes réussites, comment pouvons-nous accepter des structures contraires à l’idée de liberté au niveau le plus personnel?
Quelle est la différence entre la création et le divertissement?
Et pour qui dans un jeu où le pouvoir et la participation sont répartis d’une façon si inégale?
Jean-Claude Freymont-Guth garde cependant un espoir : Bien que l’on ait beaucoup trop parlé des conflits du monde de l’art contemporain, trop peu de propositions de modèles alternatifs de galeries pour soutenir les artistes à chaque étape de leur carrière ont été formulées. J’espère que cet état actuel de crise et de confusion est porteur d’un immense potentiel d’invention.» Il y a tout juste deux mois, la même revue artnet conseillait de suivre avec attention une dizaine de galeries de par le monde, dont celle de Jean-Claude Freymond.