Le référendum “Sauvons la maison de la culture de Saint Gervais” a recueilli près de 5700 signatures de citoyennes et citoyens de la Ville de Genève. Malgré l’effet suspensif qu’implique l’aboutissement du référendum, le comité s’inquiète des déclarations de Patrice Mugny qui avait déclaré vouloir aller de l’avant quelque soit le résultat du référendum.
 Lancé juste après le vote du conseil municipal du 6 décembre 2008 le référendum vise à empêcher le démantèlement du Centre pour l’Image Contemporaine en soumettant à la votation populaire la disposition budgétaire adoptée par le Conseil municipal le 6 décembre 2008 qui réduit la subvention à la Fondation Saint-Gervais de Fr. 1.090’985. Une réduction qui signe la mort du CIC.
Le chef du DAC avait déclaré en janvier que le déménagement de la collection au Fonds municipal d’art contemporain (FMAC) aurait lieu quoiqu’il arrive. La balle est actuellement chez le Conseil d’Etat qui a la charge de constater l’aboutissement du référendum et donc de déclarer son effet suspensif.
Dans l’intervalle les tentatives d’en finir avec le CIC se poursuivent dans plus directions : négociations pour convaincre les quatre employés restants de partir, nomination d’un ancien employé du CIC pour refaire l’inventaire de la collection et surtout d’en estimer la valeur, préparation du déménagement de la collection au FMAC, le sort de la bibliothèque est encore incertain.
L’acharnement sur le CIC étonne nombre de spécialistes, ainsi l’historienne Erica Deuber-Ziegler “Il est rare de voir démanteler une institution en plein essor. On parle de fusion, de regroupement, mais on ne sait pas quelle est la politique. Que veulent les autorités en dehors d’un regroupement ?”
Dans un courrier de soutien adressé au comité de soutien, Raymond Bellour (chercheur, écrivain, critique et théoricien) ne pense pas autrement : « Il est de mauvaise politique culturelle de vouloir supprimer une institution qui a fait la preuve depuis longtemps de son bon fonctionnement, et cela sur tous les plans. J’ajoute que c’est manquer de la considération humaine la plus élémentaire que d’envisager froidement la liquidation du CIC, quelques mois à peine après la disparition tragique de son directeur et animateur depuis toujours, André Iten. »
L’artiste genevois Gianni Motti souligne les dangers de la retruscturation forcée en cours : « Je suis contre cette énième logique de fusion et de concentration qui veut que le gros doive absorber le petit. C’est comme si on supprimait les concerts de la région sous prétexte qu’il y a déjà le festival de Montreux.
Genève a une école des Beaux-arts avec environ 400 élèves et des dizaines et des dizaines de jeunes artistes. Où vont-ils exposer leur travail, quand le monopole de l’art à Genève sera aux mains de deux personnes ? De nombreux professeurs de la HEAD s’opposent à la destruction du CIC. »
Quant à l’historien Bernard Zumthor, il demande un vrai débat public : « Dans la situation actuelle nous pensons que l’organisation d’une concertation, avec les artistes, les curateurs et les professeurs suisses et internationaux spécialistes du domaine des arts électroniques ainsi qu’avec le public qui connaît et apprécie le CIC serait bienvenue ».
Le débat a été demandé par les 5699 résidents genevois qui ont signé le référendum, la définition de la politique culturelle ne peut se limiter à des accords secrets comme ceux indiqués par le conseiller administratif dans le Courrier le 7 janvier.
Entretien avec Alexandra Theiler, ancienne assistante d’André Iten, Paolino Casanova et Aldjia Moulai. (de gauche à droite), tous trois membres de la commission du personnel.
Paolino Casanova et Aldjia Moulai, détaillent le statut du personnel de la Fondation Saint-Gervais.
L’autre volet de Saint-Gervais : Le Théâtre.
La bataille des communiqués, des petites phrases, des intentions prêtées, fait rage entre le Département des affaires culturelles, le Conseil de fondation Saint-Gervais et le comité de soutien au CIC. Les premiers reprochent au dernier d’avoir trompé la population en liant le sort du CIC à celui du théâtre de St-Gervais sur le ton : après le CIC ce sera le tour du théâtre.
La réponse du magistrat en charge du DAC, lors d’une interpellation au Conseil municipal, le 14 octobre 2008, abordait la question du théâtre en ces termes : “pour parler de l’avenir de Saint-Gervais (…) Si on sort les gens des locaux, cela n’a pas de sens de laisser ces locaux vides, étant entendu que le théâtre n’est pas mis en cause maintenant.
Vous savez que nous avions discuté de l’avenir de ce théâtre dans le cadre du processus de la Nouvelle Comédie. Mais là , ce n’est pas avant quatre à cinq ans que nous commencerons à en débattre. Nous ne sommes donc pas dans une situation où il y a une mise en danger (…) Que M. Macasdar parte ou pas, la question relève de la fondation, mais il y est depuis bientôt quinze ans et il serait donc normal que cela tourne.”
L’ombre de la Nouvelle Comédie qui s’annonce comme un futur gouffre à millions plane donc sur l’agenda, et le milieu artistique se demande sur les cadavres de quels théâtres la nouvelle institution sera construite?
Selon des informations provenant du conseil de fondation, les quatorze membres n’étaient pas d’accord sur la conduite à tenir. Au milieu de l’année 2008, la volonté du DAC d’éjecter les deux directeurs (CIC et Théâtre) était claire, les fonctionnaires les plus expéditifs proposaient de virer les deux directeurs en même temps, les plus fins politiques désiraient privilégier la négociation et s’occuper du CIC avant de passer au théâtre. D’où les inquiétudes. Mais comment virer un directeur comme Philippe Macasdar dont la qualité du travail est unanimement reconnue et titulaire d’un contrat à durée indéterminée ? La réponse est venue sous forme d’un changement des statuts de la fondation et la limitation de la durée du mandant de direction à 12 ans, ce qui fut fait en avril 2008. Les négociations avec le directeur du théâtre sont donc en cours.
Fin du théâtre en 2009 ou trois ans plus tard? la réponse dépendra peut-être du succès de la votation populaire sur l’avenir du CIC qui devrait avoir lieu, selon le comité de soutien, au plus tôt le 27 septembre, ou le 29 novembre 2009, mais aussi du soutien du public.
J.M.
Note.
BAC + 3 restera le plus grand échec de la politique culturelle genevoise depuis plus d’une décennie et pour longtemps encore. Tout au long des près de dix ans de discussions pour préparer la cohabitation du Mamco, du Centre d’art contemporain, du Centre de la photographie, du Centre pour l’image contemporaine et du Centre d’édition contemporaine, la question du partage des surfaces a été primordiale. L’évacuation du Musée Jean Tua fut présentée comme la panacée, mais ne put suffire à satisfaire des appétits grandissants. Le manque d’espace fut aussi opposé à la venue du CIC.
C’est donc avec étonnement que l’on découvre l’annonce du FMAC qui se déclare prêt, dès le 1er mai 2009 à “mettre à disposition de toute association qui souhaite y exposer et qui présente un projet sérieux (sic)”, le FMAC exposera aussi des oeuvres du fonds “sans procéder à un réel accrochage”…
Motti est le plus clairvoyant, “quand le monopole de l’art à Genève sera aux mains de deux personnes” le business de l’art contemporain sera bien tenu, et tant pis pour les artistes.