Christo, “Over The River”, projet pour la rivière Arkansas, Etat du Colorado, dessin en deux parties, 2007 © Christo, 2007. Détails en bas de page.
Christo et Jeanne-Claude ont présenté le projet “Over The River, A Work In Progress” à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne lors de leur tournée de recherche de fonds. Le couple d’artistes qui finance lui-même tous ses projets prévoit de couvrir partiellement une rivière de l’Etat du Colorado (Etats-Unis). Entretien.
Christo et Jeanne-Claude à la Fondation de l’Hermitage, Lausanne, février 2009.
Entretien avec Christo et Jeanne-Claude,
11 février 2009. Jacques Magnol et Yi-hua Wu.
De la Kunsthalle de Berne à une rivière du Colorado
Over The River consistera en un déploiement horizontal de 9,4 km de panneaux constitués d’une toile spéciale sur une section discontinue de 64 km, au-dessus de la rivière Arkansas, dans l’Etat du Colorado (Etats-Unis). L’oeuvre est datée de 1992 car le commencement du projet s’inscrit au moment du début des négociations d’utilisation du terrain.
Christo et Jeanne-Claude ont acquis une notoriété mondiale en enveloppant des bâtiments et des monuments tels le Pont Neuf à Paris (1975-85) ou le Reichstag à Berlin (1971-1995). Leur première sur un bâtiment eut lieu en Suisse avec l’empaquetage de la Kunsthalle de Berne en 1967-68, à l’invitation d’Harald Szeemann. Par la suite, d’autres projets concernèrent Genève mais ne purent voir le jour (Mur des Réformateurs, Jet d’eau, statue du Général Dufour). Leur dernière création sur le sol helvétique, Wrapped Trees (1997-98), prit pour cible des arbres à Riehen.
Christo, Over The River, projet pour l’ouest des Etats-Unis, Etat du Colorado, rivière Arkansas. dessin en deux parties, 1999, mine de plomb, fusain, crayon gras, peinture d’émail, photographie de Wolfgang Volz, carte topographique et ruban adhésif sur papier 38,1 x 165,1 et 106,7 x 165,1 cm. © Christo, 1999.
Des projets entièrement financés par les artistes eux-mêmes
Christo et Jeanne-Claude Javachev sont assurés de leur place dans histoire de l’art grâce à leurs projets héroïques durant les années 70 et 80. A cette époque, la tendance artistique était à la jouissance de l’appropriation du terrain urbain ou rural comme dans les expressions du Public Art ou du Land Art. Christo et Jeanne-Claude refusent de se voir classés dans le Land Art, chez eux pas de construction destinée à marquer le paysage, leur audace consiste à louer un terrain pour une période déterminée et y déployer un projet à grande échelle.
Tous les projets du couple d’artistes Christo et Jeanne-Claude sont placés sous le signe de l’indépendance : financière d’abord, puisqu’ils financent eux-mêmes la totalité de leurs projets par la vente des études préparatoires, liberté de construction, ” faire ce qu’ils veulent, où ils veulent et quand ils veulent” : ils louent l’espace, le lieu ou l’objet pour se l’approprier selon deux méthodes: “l’ empaquetage”, des années 60 (premiers Wrapped Objects) à 1995 avec le Reichstag (1971-1995) qui fut le dernier monument empaqueté, et les « oeuvres de saison » qui prennent place dans une nature construite par l’homme, pour l’homme ” Surrounded Islands (1980-83), The Umbrellas (1984-91), Central Park (2005) et bientôt Over The River.
Christo, Over The River, projet pour la rivière Arkansas, Etat du Colorado, dessin, 1996, mine de plomb, pastel, fusain et crayon gras sur papier, 55,9 x 71,2 cm © Christo, 1996.
L’oeuvre “est” le processus complet de création
Le processus met en perspective la durée éphémère d’une pièce qui ne sera visible que deux semaines durant et en fait le point culminant de l’oeuvre qui pourra être contemplée pendant deux semaines, depuis différents points de vue. Les automobilistes l’apprécieront sur un trajet d’une heure, depuis la “Route 50”, quant aux rafters, ils feront, durant une descente d’environ cinq heures. l’expérience esthétique d’une nature transformée.
Christo nous donne les clés de cette lecture: « Il faut expérimenter physiquement nos projets. Ce n’est pas comme avec la peinture ou la sculpture, il faut avoir le désir de marcher 100 mètres, 200 mètres, être dans le froid, dans vent, au sec, c’est une chose physique. Tous nos projets sont ainsi, des éléments esthétiques s’y adressent, pas seulement ceux convenus dans la peinture ou la sculpture, mais aussi des éléments esthétiques convenant à l’architecture, à l’urbanisme. Il faut voir un projet dans sa totalité.
Quand vous marchez dans la rue, sur le trottoir, conduisez une voiture, tout est dessiné et a des significations, logistiques, en fonction de lois, etc., sans le savoir nous sommes contrôlés dans cet espace là . Jeanne-Claude et moi, nous empruntons cet espace pour quelques jours et créons un gentil dérangement. »
Une exposition de dessins ou de photos ne peut rendre compte de l’oeuvre puisque celle-ci « est » le processus tout entier. Un processus qui commence par l’identification du propriétaire ou de l’ayant-droit sur le terrain, puis continue par la négociation des droits d’utilisation. La suite passe par la fabrication de la toile, l’enfouissement de milliers d’ancrages dans les 65 km de berges, l’ensemble des opérations étant consigné dans deux ouvrages totalisant plus de 2000 pages.
Jacques Magnol et Yi-hua Wu
Plus d’informations sur le site de Christo et Jeanne-Claude : http://www.christojeanneclaude.net
Détails de l’illustration en haut de page : Christo, “Over The River”, projet pour la rivière Arkansas, Etat du Colorado, dessin en deux parties, 2007, mine de plomb, pastel, fusain, crayon gras, peinture d’émail, données techniques et carte topographique dessinées à la main, échantillon de tissu et ruban adhésif sur papier, 38,1 x 243,9 et 106,8 x 243,9 cm © Christo, 2007
