L’artiste Richard Orlinski a collaboré avec la manufacture horlogère Hublot pour créer une « sculpture » qui donne l’heure, la « Classic Fusion Aerofusion Chronograph Orlinski ».
La mesure du temps est un sujet qui conduit à des collaborations entre horlogers et artistes dont les produits sont fréquemment installés dans l’espace public. A Genève, l’œuvre la plus connue est la Big Crunch Clock (1999) de Gianni Motti qui indique aux visiteurs du Mamco le temps qui le sépare de l’explosion du soleil dans cinq milliards d’années, d’autres sont plus conventionnelles tels Les Inséparables (2016) d’Esther Shalev-Gerz dans la rue Lissignol. Hormis Swatch qui a largement fait appel aux artistes et designers, les interventions sur les montres de poignet sont plus rares, voir le Memento mori (2012) de John Armleder pour Romain Jérôme, ou l’intervention de Kongo (2016) pour Richard Mille.
L’artiste Richard Orlinski a collaboré avec la manufacture horlogère Hublot pour créer une « sculpture » qui donne l’heure, la « Classic Fusion Aerofusion Chronograph Orlinski ». L’œuvre, dévoilée pour la première fois lors de la foire Art Basel Miami Beach, est actuellement présentée au salon EPHJ, le rendez-vous des métiers de l’horlogerie-joaillerie-microtechnologies-medtech.
Richard Orlinski a développé son univers graphique aux facettes polygonales typiques pour la manufacture parant le chronomètre d’un cadran en saphir où sont apposés index et aiguilles, pendant que les facettes rythment boîtier, lunette, couronne et poussoirs. Le défi fut de taille pour la Manufacture Hublot, qui après avoir modélisé le travail de l’artiste – un pliage tridimensionnel du boîtier – l’a taillé dans la céramique bleue et le titane. Ces deux matériaux affichent la finition poli-miroir, une des signatures emblématiques partagée par Orlinski avec Jeff Koons, autre vedette d’Art Basel Miami.
Richard Orlinski et Jeff Koons ont pour qualité commune de produire des œuvres spectaculaires, réalisées de manière parfaitement industrielle qu’ils présentent chacun avec succès sur les marchés de l’art contemporain et des produits d’agrément ou de luxe, deux réseaux auparavant distincts qui partagent aujourd’hui leurs atouts dans un mariage où l’un apporte l’aura artistique du circuit « contemporain » et l’autre un réseau d’amateurs fortunés. Mais cela ne va pas sans heurts comme nous le verrons avec le conflit qui l’oppose à Xavier Veilhan.

Richard Orlinski. Panthère. Résine, 152 x 72 x 35 cm, éd. 8 ex. + 4 AP. « Cette icône symbole de mystère, de féminité et de sensualité exprime la puissance farouche, la rapidité et la férocité. » La Panthère de Richard Orlinski possède une tête est près de quatre fois plus grosse que dans la réalité.
Des sculptures à facettes, en or ou en chocolat
Depuis 2004, Orlinski crée des sculptures à facettes polygonales qui évoquent la modélisation 3D. La technique appliquée à la sculpture lui permet de « réaliser des choses formidables. J’ai fait un tigre en dentelle, un taureau, une Vénus, un David de Michel Ange bodybuildé un peu dans l’esprit «new millenium». Je crée “ no limit ”». Orlinski s’inspire notamment de la mouvance du pop-art et vise à susciter une émotion avec des sujets vivants très réalistes et expressifs, toujours en mouvement. En 2006 il a élaboré un concept dénommé « Born Wild » qui consiste, selon ses explications, en la mise en parallèle de la violence animale et de la violence humaine. Sa première création fut un crocodile rouge en 2006, édité à 500 exemplaires et décliné depuis en de nombreuses versions avant de créer un bestiaire fantastique avec une panthère en 2009, un « Wild Kong » inspiré de King Kong, puis un loup hurlant et un loup attaquant en 2011. Il a en outre créé des oeuvres dénommées « Casque », « Elephant », « Stilettos », « Jeans », « Casque de DJ ».
Des sculptures à facettes, en or ou en chocolat
Le credo d’Orlinski est limpide : « Ce que je fais est très facile d’accès, j’aime que mes œuvres parlent à tout le monde », et rien de tel pour séduire que de reprendre des objets iconiques ayant inspiré de nombreuses générations tels King Kong, la Panthère rose ou le blue-jeans. Voilà qui explique en partie le succès de ces panthères et crocodiles travaillés dans des matières contemporaines comme la résine, mais aussi l’aluminium, le bronze, la pierre, l’or et même le verre avec le cristallier Daum, ou le travail d’orfèvre avec Christofle. Et s’il a aussi travaillé le cacao avec le maître chocolatier Jean-Paul Hévin pour créer un Wild Kong tout en chocolat d’une hauteur légèrement supérieure à 3 mètres lors du salon du chocolat, c’est sans la moindre relation avec les expériences chocolatières de Dieter Roth ou Paul McCarthy.
La présence des « choses » d’Orlinski, dont certaines se vendent plusieurs millions d’euros sont maintenant dans les collections des stars comme Sharon Stone, Paul McCartney et autres, c’est fort mis en avant par ses marchands, vaut à Orlinski, d’être surnommé « l’artiste des stars ». Que les moins fortunés se rassurent, il existe également des versions plus réduites dans des éditions plus étendues. A ce stade, il ne manquait plus à l’artiste protéiforme que le show-business et Hollywood. Les deux lacunes sont en voie d’être comblées avec sa prestation de DJ lors du sacre d’Emmanuel Macron dans la cour Napoléon du palais du Louvre en mai 2017, tandis qu’il caresse, pour le côté Hollywood, un projet de rôle au cinéma dans Les Effarés, un film avec Béatrice Dalle qui reste à tourner. On l’aura compris, l’homme est célèbre sur la scène du grand luxe, et riche grâce à son art qui fait l’objet d’un succès aussi continu auprès de la jet-set que constamment publicisé au fil de ses expositions de Genève à Gstaad, et de Miami à St. Barth.
Art contemporain vs art décoratif
Le réseau des galeries orientées vers un art d’agrément est bien plus important que celui des galeries labellisées « art contemporain » et les plus habiles en tirent des avantages conséquents. Ainsi d’Orlinski qui affirme figurer au top de la liste des artistes français les plus vendus dans le monde.
Le bonheur d’Orlinski serait parfait si ce succès s’accompagnait de la reconnaissance des institutions. Or celle-ci lui manque et il regrette cet ostracisme lors d’interviews dans la presse pipole : « N’étant pas passé par le sérail et l’establishment, je subis beaucoup de critiques de l’élite culturelle. Je suis dans des musées à l’étranger, et pas encore en France. On me reproche aussi d’être trop populaire, accessible. » La distinction entre art contemporain et art décoratif décoration est, selon lui, à l’origine de ce rejet qui l’accable : « Quand ce petit monde entend prononcer mon nom, il lève les yeux au ciel. Je n’ai pas suivi le cursus artistique requis pour intégrer ce cercle fermé, et puis surtout mon approche de l’art tournée vers un large public est considérée comme un acte de perversion non validée. Mon souci de l’esthétique et du beau matériau m’a valu, de la part de quelques détracteurs, le titre un brin méprisant de “décorateur”. (…) Je fais des ponts entre plusieurs métiers: la musique, le cinéma, le théâtre, la sculpture, la peinture, au lieu de manier des « concepts » comme la profession l’exige. »
Pour ajouter à la déception, Xavier Veilhan, un artiste du circuit officiel français de l’art contemporain, s’est estimé plagié par Richard Orlinski et l’a accusé de concurrence déloyale devant la justice française. L’assignation en justice dressait l’inventaire des faits retenus contre Orlinski : « couleur unie non naturaliste, matériau identique, même côté facetté, absence de socle ». Le 21 mars 2014, le Tribunal de grande instance de Paris (TGI) a rejeté l’ensemble des demandes formulées par l’artiste Xavier Veilhan et sa galerie (Perrotin) à l’encontre de Richard Orlinski.
Dans l’exposé de ses motifs, le TGI a relevé que « Les sculptures monochromes existent de longue date et l’utilisation de couleur « pop » est une tendance générale de l’art contemporain dans laquelle s’inscrivent les deux artistes. De plus, la démarche conceptuelle de chacun des artistes est clairement différente et la formalisation des oeuvres démontrent l’empreinte personnelle de chacun d’eux, excluant ainsi tout rapprochement allant au-delà d’une simple évocation, laquelle n’est pas fautive en soi. »
Les marchés du luxe et de l’art contemporain, étanches mais de plus en plus liés

Richard Orlinski, Crocodile. Résine, 200 x 88 x 71 cm, éd. 8 ex. + 4 AP. Le crocodile, espèce datant de l’ère secondaire, symbolise l’adaptation et la capacité de survie. Richard Orlinski le décline à l’infini dans des séries en résine finition poli miroir, en rouge, bleu, noir, etc., et des finitions précieuses : peinture à la feuille d’or, projection d’argent, incrustation de diamants…

Gueule ouverte sur des crocs effrayants, le gorille en résine s’autoproclame invincible en martelant son torse de ses poings menaçants. Réinterprétant la fantastique créature de King Kong. Richard Orlinski nous interroge sur nos peurs archaïques concernant notre animalité. Mais la bête féroce est capable de tendresse.