Rencontres d’Arles, le message de Hsu Ching-Yuan de Taiwan

Hsu Ching-Yuan, Messagers du Détroit, 2020.

Aux Rencontres d’Arles 2022, la Fondation Manuel Rivera-Ortiz (MRO) présente Messagers du Détroit, de l’artiste taiwanais HSU Ching-Yuang qui révèle le dilemme de l’existence politique auquel sont confrontés les Taiwanais.

Messagers du Détroit présente trois séries d’œuvres de l’artiste taïwanais HSU Ching-Yuan: Statue de la Liberté, Océan Libre, et Le 6 Juin. Ces travaux, réalisés en 2020, font écho au thème de l’exposition Dress Code à la Fondation MRO.

HSU Ching-Yuan. Exposition dans les caves de la Fondation MRO, Arles. Photo Jacques Magnol.

L’œuvre de HSU Ching-Yuan est centrée sur une vision originale qu’il traduit avec des images théâtrales et performatives. Son inspiration naît de l’interprétation transformationnelle de son parcours de vie – depuis son île natale de Peng-Hu, l’île principale de l’archipel de 90 îles situé à 45 km au large de la côte ouest de Taiwan, dans le détroit de Taiwan – et ses voyages dans le périmètre de ce détroit.

Hsu Ching-Yuan, Messagers du Détroit, 2020.

HSU Ching-Yuan adopte habilement l’esthétique brechtienne et celle du théâtre de la cruauté dans une démarche photographique et filmique. L’artiste jongle entre le réel et la mise-en-scène parodique pour révéler les aspects les plus sombres de l’Histoire de Taiwan auxquels sont confrontés les habitants de l’Île – la politique internationale considérée comme absurde ou incohérente et le dilemme de l’existence – à travers la mise en scène de deux « messagers », soit des ouvriers-acteurs.
Ces deux ouvriers-performeurs, Zen et A-Sia, au comportement peu raffiné, souvent représentés dans des attitudes misérables et symboles de la pauvreté de leur condition matérielle, vêtus de tenues rituelles ¨chamaniques” mais non religieuses, et, le plus souvent, presque nus ou masqués, apparaissent imprégnés d’une énergie vitale dionysiaque et tragi-comique.

Hsu Ching-Yuan, Messagers du Détroit, 2020.

Les costumes des performeurs qui apparaissent dans les oeuvres affichent divers codes associés à des personnages conceptuels allégoriques et non à des codes culturels représentatifs d’une forme d’identité. Ces costumes et la nudité des personnages permettent à HSU de parodier un personnage métaphorique lors du processus de production d’une image monumentale qui se fige subitement. Cependant, il ne s’agit pas seulement d’un portrait monumental statique, mais d’un procédé général d’auto-déconstruction des images : celui de la représentation de la liberté dans la société capitaliste pour illustrer le rapport contradictoire entre individuel et collectif, apparence et réalité, qui lui est propre.

En outre, les deux protagonistes arborent un appareil de camera obscura fixé sur leur corps et dirigé vers le regard du photographe, tout en jouant des symboles allégoriques représentés à même leur corps.

Hsu Ching-Yuan, Messagers du Détroit, 2020.

Un regard attentif permet de constater que les camera obscura portées par A-zen et Axia sont “exposées” pendant une longue période tout au long du processus. Les corps et la vie des travailleurs-messagers ne sont plus seulement idéologiques, ils sont, comme les autres spectateurs, à la fois objets et chasseurs d’images. Dans cette situation il est difficile de savoir si nous sommes en présence d’une relation d’échange ou de jeu. Ce que l’artiste obtient dans cet espace de réflexion n’est bien sûr pas une représentation figée, mais un état variable, continuellement modulé dans le rapport noué avec le regardeur, un rapport qui contient également le reflet de la présence de ce dernier. Messagers du Détroit entremêle différents types d’images photographiques, de vidéo et de camera obscura, créant ainsi une situation ambigüe, entre le projeté et le perçu, source d’un étrange espace intertextuel.

Wu Yi-hua, commissaire de l’exposition.

 

HSU Ching-Yuan. Exposition dans les caves de la Fondation MRO, Arles. Photo Jacques Magnol.

HSU Ching-Yuan (1956 – 2022)
Né en 1956 à Peng-Hu, HSU Ching-Yuan vit et travaille à Kaohsiung, la grande cité portuaire au sud de Taiwan. Il est considéré comme un des artistes émergents les plus suivis de ces dernières années. Autodidacte, sans formation artistique académique, HSU s’est pleinement engagé dans l’art depuis sa retraite de l’industrie de la construction. Son œuvre doit son style singulier à la richesse de son expérience de vie. HSU Ching-Yuan a successivement remporté plusieurs prix d’art contemporain importants, telle prestigieux prix Kaohsiung 2017. HSU a en outre été sélectionné pour le prix Taipei 2020.

WU Yi-Hua, commissaire de l’exposition – professeure au Département des beaux-arts de l’Université Nationale des Arts de Taiwan, en charge du programme de Culture Visuelle Contemporaine. PhD – Esthétique, Sciences et Technologies des Arts, de l’Université Paris 8, et Post-diplôme de l’ENSAD, Paris, ses recherches portent sur les régimes d’historicité dans les tactiques entre/en marge des arts visuels et des arts vivants contemporains.

GenèveActive, voir également l’article sur les Rencontres d’Arles 2022 : Les femmes arrivent en tête aux Rencontres d’Arles 2022

Les Rencontres d’Arles. 4 juillet au 26 septembre.
Fondation Manuel Rivera-Ortiz. Arles.

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