Laura Thiong-Toye et Isabelle Racine. Installation Tarot (détail), au Centre d’art contemporain Genève. Photo GenèveActive.
Dans le cadre des Bourses de la Ville de Genève 2015, Laura Thiong-Toye et Isabelle Racine se sont vues décerner la Bourse du Fonds Berthoud.
Laura Thiong-Toye et Isabelle Racine ont d’abord dessiné à quatre mains avant de peintre de cette manière. Au sein du Master Trans-médiation enseignement de la HEAD, suivies dans leur pratique artistique par Jean-Luc Manz et Vincent Kohler, elles ont développé une manière singulière de faire et d’accrocher. Motifs décoratifs ou abstraits, sujets profanes et religieux, savants et populaires composaient de petits tableaux sur bois, souvent recto verso posés sur des baquettes formant étagères. Cette présentation privilégiait la mobilité et les tableautins pouvaient être déplacés ou même retournés. Voilà qui s’accorde parfaitement avec la façon dont les peintures sont faites par l’une et par l’autre. Jeu de complémentarité et d’émulation, harmonie et dissonance, ce que l’une fait, l’autre peut l’augmenter, le contrarier, le finir, le défaire ou le recouvrir.
Tous les effets possibles de la peinture et leurs associations sont mis en oeuvre à deux dans chacun des tableaux comme dans leurs associations. Cet effet de démultiplication s’est un temps renforcé par des fonds de murs eux-mêmes peints de rayures, chevrons, faux bois ou faux marbre.
Au sein du Master Trans, Laura Thiong-Toye et Isabelle Racine ont fondé avec d’autres étudiants « Not Only kid’s Play » pour réaliser actions de médiation et expositions. Ce collectif qui prouve que pratique artistique exigeante, enseignement et médiation peuvent s’allier, s’est vu attribuer un atelier à l’Usine. C’est là, qu’elles sont passées à des formats plus grands tout en gardant et en affirmant leur manière de peindre.
Les tarots qu’elles exposent au Centre d’art contemporain et qui leur valent la bourse de la ville de Genève relèvent toujours d’une grande variété de motifs qui s’articulent avec force. Sous couvert de représenter des cartes elles marient l’incompatible. Bordures, marges et cartouches s’emboîtent et encadrent de rayures, damiers, soles ou requins qui fument, un Saint Expedit, dont le titre Dare-Dare rappelle qu’il est voué aux causes rapides.
Extrêmement variées, plus ou moins chargées, ces cartes jouent sur la symétrie, parfois juste apparente, sur la profusion de l’ornement, sur les effets d’illusion et d’optique. L’ensemble foisonnant reste étonnamment lisible, aussi décoratif qu’incisif, organisé que déstructuré. Plus qu’un jeu divinatoire, c’est un jeu du voir jubilatoire et plein d’humour fait à quatre mains et avec brio.
Claude-Hubert Tatot
Dans le cadre des Bourses de la Ville de Genève 2015, Laura Thiong-Toye (Genève, 1986) et Isabelle Racine (Genève, 1984) peinture, dessin (arts plastiques) se sont vues décerner la Bourse du Fonds Berthoud destinée à un-e artiste dans le domaine des arts plastiques.
Avis du jury : « L’installation Tarot est composée de 26 tableaux, peints à quatre mains, réinventant les cartes du tarot de Marseille. Non sans humour, ces peintures sur bois, reprennent une accumulation de détails inspirés du quotidien et de références à l’histoire de l’art. Très bien réalisée et mise en valeur, la série de tableaux dégage une ironie et une fraîcheur réjouissante. »
Exposition au Centre d’art contemporain Genève du 11 décembre au 10 janvier 2016.
Lire : Sami Kanaan remet les Bourses 2015 de la Ville de Genève.