Les délicates installations poétiques de Min Kim à andata.ritorno

Min Kim, the sea close by 0 (la mer au plus près), 2018 (revisited). Lumière, eau, ventilateur, polyester, farine. Courtesy andata.ritorno.

Avec les installations de Min Kim à andata.ritorno, l’air, l’eau et la farine sont les éléments éthérés mis en oeuvre pour donner l’invisible à percevoir. L’artiste privilégie les matériaux fragiles, voire éphémères : ” Ce qui est fragile et difficile à voir, indique-t-elle, est souvent négligé. Mais je pense que ce qui fait vraiment partie de notre vie, ce qui est au coeur, est en réalité invisible.” Et ce que Min Kim ne peut traduire par la parole se voit exprimé entre matériel et immatériel, physique et mental, tangible et intangible; l’art comme expérience.

A propos de Min Kim, par Joseph Farine

De l’instance de la patience à mesurer l’état d’être

« Tout ce qui a une valeur dans la poésie orientale traite de l’universel. » Antonin Artaud

“Il ne s’agit pas de voir avec ses yeux mais à travers. La grâce ne s’invente pas, elle se travaille. Elle est le style de l’âme et son élégance. « L’âme est l’essence même de la dignité humaine» disait Camus. La grâce est le fruit d’une conscience et sa réflexion, un état de création sans fard et profond de vertige. Elle est à son comble quand rien ne transparaît de son labeur et que le résultat final tient alors de l’évidence.
Min Kim est une artiste venant de la Corée du Sud, ayant fait des études artistiques à Londres et vivant aujourd’hui à Amsterdam, mais qui ne cesse de regarder le monde comme si elle avait quelque part un point d’ancrage lunaire.
Il en est aujourd’hui d’un truisme en soi que de parler du compromis de l’utilisation du mot poésie. Dans l’œuvre de Min Kim ce mot est renvoyé à sa pure pureté sensible. Les œuvres de cette artiste lui donnent une large place, la poésie les habite et les habille, elle les intègre et leur insuffle une entité de la contemplation et de son processus d’éveil.

Min Kim, the sea close by 0 (la mer au plus près), 2018 (revisited). Lumière, eau, ventilateur, polyester, farine. A l’arrière-plan : gouaches et aquarelles de Min Kim.

Les dispositifs d’installation de la première salle tiennent également d’une efficacité matérielle essentielle: structures de métal au carré, ventilateurs fonctionnant comme moteurs à la mobilité de l’eau contenue dans des bâches de plastique, comme pour nous suggérer l’océan « ce grand célibataire» que saluait Lautréamont. Dispositifs efficaces, aériens, nous renvoyant le regard verticalement entre l’installation technique plafonnière et son résultat au sol d’ombres mouvantes. Comme on se plait à regarder les vagues finissantes et le ressac des eaux, longtemps de préférence face à la mer. Et peut-être même jusqu’à une forme d’ébahissement quand le temps ne compte plus et que les secondes se mesurent à la seule conscience de vivre et son émerveillement toujours recommencé.

Min Kim, Orphan promise, 2018, papier calque, lettres décalcomania, 15 x 25 cm, 882 pages. Photo Jacques Magnol.

La deuxième salle de cette exposition donne une large part au vide, domaine qui tient une place importante dans l’art de la Corée du Sud. Espace nécessaire à l’imprégnation des deux livres présents, ceux-ci faits de déclinaisons de mots invitant à la pensée perceptive, d’un côté la lumière et l’invitation à l’ouverture au monde, de l’autre le recueillement de la solitude. Une invitation comme une litanie dont on aurait oublié même le mot prière parce que ce mot pèse encore de sa matérialité. Les livres de Min Kim sont une sollicitation à l’état d’humilité et au temps gagné de la recherche de l’intériorité. Les moyens mis en œuvre en sont l’exemplarité, livres faits de feuilles de calque, reliure sommaire, calligraphie de taille minimaliste, less is more.”

Joseph Charles Farine
janvier 2019

 

Min Kim, promise I – XXII, 2018, gouache et aquarelle sur papier, 21 x 28 cm. Courtesy andata.ritorno.

 

Min Kim – Waiting

Exposition du 17 janvier au 8 février 2019
du mercredi au samedi de 14h à 18h

andata.ritorno
laboratoire d’art contemporain
37, rue du Stand – Genève

Min Kim est originaire de Corée du Sud, elle a suivi ses études d’art à Séoul et à Londres. Min Kim vit et travaille à Amsterdam (Pays-Bas).

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