Marc-Olivier Wahler dort au MAH près de Ramsès II afin d’habiter un lieu d’art

Statue colossale de Ramsès II (1290-1224 av. J.C.), Marc-Olivier Wahler, au MAH. © Michel Juvet. NOW Village

Dormir dans un musée est sinon un fantasme un privilège rare que s’accordera le Marc-Olivier Wahler au Musée d’art et d’histoire. Lors du concours lancé par le Musée du Louvre pour offrir à deux personnes une occasion unique de passer une nuit dans le musée, plus de 182’000 candidatures sont parvenues du monde entier. A Genève, le directeur dormira seul dans son musée.Le 23 juin, Marc-Olivier Wahler réunira des artistes et amis du milieu de la culture et du commerce lors d’une soirée privée au Musée d’art et d’histoire pour engager « une réflexion sur le statut et le rôle du musée dans notre société », avant de s’isoler pour dormir près de Ramsès II dans une Loft story intime… à suivre en direct en ligne.

Le programme annoncé par le MAH se révèle aussi ambitieux que serré : « A 20h, des invités du monde de la culture et des artistes se retrouveront pour un dîner avec le directeur : les artistes Sylvie Fleury et Gianni Motti, le comédien Yann Marguet, le directeur d’artgenève Thomas Hug et la directrice du GIFF Anaïs Emery. Dès 21h15, Yann Marguet entreprendra une visite insolite du musée vide, des catacombes jusqu’au toit. Puis Marc-Olivier Wahler refermera les portes du MAH pour réaliser un souhait : dormir au musée aux côtés de Ramsès.» La « performance » nocturne du directeur devenu artiste sera filmée par une caméra infrarouge et diffusée en direct sur les inévitables réseaux sociaux.

Mise en scène dans l’exposition “Marcher sur l’eau” confiée à Jakob Lena Knebl. Photo JM.

Le bal se veut cependant plus qu’une occasion de célébrer la fin provisoire du confinement, ainsi l’ambition affichée d’aborder dans la même séance, à travers les regards décalés de rigueur, les questions qui taraudent le directeur « depuis plus de 25 ans : comment habiter un lieu d’art ? Comment intégrer le musée à son quotidien ? » Les réponses tiendraient-elles dans la tenue d’une rencontre dans l’entre-soi et sa médiatisation narcissique ? MOW dépassera-t-il les160 millions de vues sur YouTube du clip tourné la nuit au Louvre par Béyoncé et Jay-Z ?

Aller au contact des œuvres dans ce climat si particulier est en soi une immersion telle que les musées tentent de plus en plus de la développer. Pourquoi ne pas généraliser davantage ces expériences, s’interrogeaient les journalistes de France-Culture ? Faire des visiteurs les Jay Z et Beyoncé d’un soir.

Un exemple récent montre que le thème peut se voir traité dans un contexte plus artistique qu’au MAH. Ainsi lorsque Philippe Macasdar, directeur du théâtre Saint-Gervais, crée Grand Hôtel et laisse le champ libre à des artistes pour organiser, de novembre 2017 à juin 2018, des événements nocturnes dans les espaces du théâtre Saint-Gervais. Des groupes de 30 personnes ont passé la nuit au 7e étage au fil d’un programme concocté par un artiste invité pendant que d’autres, au 5e profitaient d’une expérience théâtrale inédite : un tête à tête avec un comédien dans un spectacle sur-mesure. Bien plus basique, mais interrompu par le Covid-19, le Grand-Théâtre proposait d’y passer une nuit au mois de mai dernier.

Des musées plus responsables socialement

Durant les vingt-cinq ans de questionnement vécus par le directeur de l’institution genevoise, le débat a évolué vers une redéfinition du rôle du musée qui n’est plus seulement une institution au service du patrimoine. L’AMS, l’association des musées suisses, a dressé ce constat à l’issue de son congrès en 2019 : « Les musées se transforment en source de réflexion au sein d’une société qui s’interroge fortement sur les enjeux environnementaux, sociaux et politiques. Désormais, il leur est demandé également d’agir en faveur de la dignité humaine, de la justice sociale, de l’égalité. Cette ambition nouvelle constitue un véritable défi pour les musées suisses. »
L’ambition est-elle partagée au bout du lac ? La réponse décevante s’étale dans les programmes des expositions et événements.

L’exposition médiatique de Marc-Olivier Wahler,  aussitôt critiquée par des artistes pour son rôle de performer, surgit alors qu’une campagne sournoise de dénigrement organisée dans le milieu institutionnel le vise depuis plusieurs mois. L’arrivée de ce spécialiste de l’art contemporain, seul et unique en Suisse romande à justifier d’une carrière internationale – co-créateur du CAN Centre d’art Neuchâtel, puis directeur, entre autres, des Swiss Institute New York, Palais de Tokyo et Broad Art Museum à l’Université du Michigan – fait de l’ombre au clan local « propriétaire » de l’art contemporain.
Nombre d’artistes et de galeristes déplorent l’abandon estimé de l’art contemporain au secteur privé par le département de la Culture, abandon illustré par la nomination au poste de directeur du MAH d’un spécialiste reconnu de l’art contemporain à qui est refusée la possibilité d’exercer ce volet de ses compétences.

L’événement Une nuit avec Ramsès est à suivre en direct sur:
Facebook: https://www.facebook.com/mahgeneve (voir rubrique événement)
Youbube: https://youtu.be/VfsdtQO6Eyk

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Publié dans archéologie, arts, musées-centres