De très nombreux adolescents et adolescentes arpentent les allées du salon de l’auto à Genève actuellement en cours à Palexpo, et, selon les responsables des stands des marques, ils posent des questions étonnamment pointues. L’étude sur la mobilité menée par des chercheurs de l’EPFL et financée par Toyota, arrive à point nommé pour révéler que les moins de 18 ans gardent une image très positive de la voiture.
Une enquête qualitative menée dans cinq pays : France, Italie, Allemagne, Espagne et Grande-Bretagne
La voiture? «Rapide, pratique, confortable, sécurisante». C’est ce qu’en pensent les jeunes – surtout les filles – selon l’enquête révélée le 17 mars. Ces résultats viendraient contredire d’autres études qui soulignent un désamour croissant pour l’automobile, illustré par le passage de plus en plus tard du permis de conduire. «C’est plus complexe», corrigent les sociologues qui, pour la première fois, se sont intéressés à la tranche des 14-17 ans.
Aujourd’hui, qui dit ados dit réseaux sociaux. De façon inédite, des chercheurs du Social Media Lab, intégrés au Digital Humanities Institute (DHI), ont commencé par défricher le terrain sur Twitter. Ils ont écouté les gazouillis des moins de 18 ans afin d’identifier les thématiques qui les occupent, en lien avec les transports et la mobilité. Près de 3 millions de tweets ont été analysés avec des outils statistiques capables de détecter les mots et expressions le plus souvent utilisés chez les ados. Ils ont ensuite été classés en cinq catégories: voiture, deux-roues, permis de conduire, transports publics et mobilité partagée. Ce travail exploratoire a permis de nourrir les études quantitative et qualitative menées par le Laboratoire de sociologie urbaine (LASUR).
Ce sont surtout les filles qui soulignent les aspects positifs de la voiture
C’est sur Facebook que s’est par la suite déroulée l’enquête quantitative dans cinq grands pays européens: France, Italie, Allemagne, Espagne et Grande-Bretagne. Près de 8000 questionnaires ont ainsi été remplis. Les chercheurs du LASUR ont pondéré les résultats et corrigé les biais possibles afin que les résultats soient significatifs. «L’intérêt de ce travail est de voir comment se positionne une population largement dépendante qui n’est pas encore confrontée à un choix de mobilité», souligne Emmanuel Ravalet, collaborateur scientifique au LASUR.
«Le premier constat est que, dans les cinq pays, la voiture est toujours très valorisée», avance son collègue Guillaume Drevon. Même si les trois quarts des jeunes estiment que les enjeux écologiques sont importants, entre 84 et 92% considèrent que passer le permis reste une priorité. «Cela fait partie du CV, aux côtés du diplôme d’études secondaires. Il reste un gage d’indépendance, d’autonomie et de liberté», ajoute le chercheur.
Autre surprise: les filles pointent plus que les garçons les aspects positifs de la voiture. «Pour les adolescentes, elle renvoie à une image sécurisante. Or, chez les filles, la sécurité dans les transports publics et les déplacements à pied constitue un véritable enjeu. Elles utilisent par exemple beaucoup le smartphone pour créer une bulle autour d’elle», affirme Guillaume Drevon. Plus généralement, les nouvelles technologies font partie de la mobilité des jeunes que ce soit pour la protection de soi, l’organisation du transport ou l’occupation du temps de déplacement.
Les transports publics, de leur côté, n’ont pas la cote. «Pour les jeunes, ils sont essentiellement liés au déplacement scolaire, qui s’effectue souvent dans de mauvaises conditions et à un moment défavorable», précise Emmanuel Ravalet. A part en Italie et dans une moindre mesure en Espagne, la motocyclette ne suscite pas grand enthousiasme et est surtout vue comme rapide, mais dangereuse. Quant au vélo, il remporte une image positive chez 33% (Grande-Bretagne) à 46% (France) des mineurs et est à la fois considéré comme fatigant et sain.
La culture de la mobilité se forme durant l’adolescence
Pas de désamour de la voiture donc, mais pas de passion aveugle non plus. Selon les chercheurs, quand les ados atteignent l’âge adulte, cette position est remise en question. «Ils entament des études, la conscience écologique se renforce, beaucoup s’installent dans des zones très bien desservies par les transports en commun et parallèlement, la gestion de leur propre budget les restreint. Ces éléments concourent à repousser le passage du permis de conduire, rappellent les chercheurs. Finiront-ils par le passer? Il faut attendre que ces jeunes aient 30 ou 35 ans pour voir si c’est un effet de génération.
«Finalement, on voit que c’est à l’adolescence que se forme la culture de la mobilité et que celle-ci est très liée au contexte familial: les horaires, les fréquentations, les lieux à éviter, la permissivité, l’image de la voiture, insiste Guillaume Drevon. Les efforts de promotion des modes de transports alternatifs devraient donc aussi concerner cette population».