Le petit monde de Solotareff

portrait

L’auteur et illustrateur Grégoire Solotareff ne cesse d’interroger et d’illustrer le monde de l’enfance à  travers fables, contes et récits illustrés. En ce mois d’octobre, Genève lui consacre une exposition gravitant autour de son album “Adam et Eve”. Et une adaptation pour marionnettes d’un récit pour enfants “Ne m’appelez plus jamais mon petit lapin”. Entretien avec Grégoire Solotareff. Par Bertrand Tappolet.

 

 

livre

Avoir cette capacité de replier la réalité qui l’attend comme un mouchoir, Jean Carotte, antihéros par excellence, la pratique. Il refuse le carcan d’archétypes sociétaux qui le diminue encore. L’image de couverture de “Ne m’appelez plus jamais mon petit lapin” est traversée de significations paradoxales. Il voit le minuscule lapinou versant une larme. Riche symbolique, car le juvénile lapin est revêtu d’un manteau à  la chaperon rouge, marque de la victime émissaire, mais nanti d’un carquois et d’un arc justicier.

Réalités contradictoires

Construite sur des couples antithétiques, dérivant à  partir de récits traditionnels de contes et surtout du vécu intime, relationnel et quotidien de l’enfant, l’à“uvre de Solotareff arpente des sujets difficiles. La méchanceté, la volonté de faire mal à  autrui en toute lucidité, de faire souffrir avec volupté ceux qui sont plus faibles, est un thème omniprésent dans l’enfance notamment. C’est un thème que Solotareff ose aborder de face, tout en l’accompagnant de celui de l’amitié développée au-delà  et grâce aux différences. L’acceptation des différences ne conduit pas nécessairement à  une incompatibilité, certains trouvant du plaisir à  fréquenter qui ne lui ressemble pas.

L’incomplétude traverse toute l’oeuvre de Grégoire Solotareff, qui est loin d’être close comme la morale du conte. Le dramaturge Armand Gatti avance qu’un texte fini est un texte mort. A l’instar de l’écrivain japonais Murakami, les récits imaginés par Solotareff bivouaquent à  la croisée de nombreux univers possibles. Dans ses histoires, il y a souvent un éloge de la fuite qui mène les protagonistes jusque dans un terrier inconnu et inaccessible, forme de re-naissance et désir de dissimulation très présents chez l’enfant. Henri Laborit n’écrivait-il pas dans son “Eloge de la fuite”, que le comportement de fuite « est le seul à  permettre de demeurer normal par rapport à  soi-même »?

Bertrand Tappolet

Solotareff « un monde, un livre ».
Bibliothèque de la Cité, Genève. Jusqu’au 21 octobre 2009.
Les Bibliothèques municipales genevoises possèdent une grande partie de l’oeuvre de Solotareff consultable au sein notamment de leur section Jeunes. www.ville-ge.ch/bmu

Ne m’appelez plus jamais mon petit lapin, TMG, du 28 octobre au 11 novembre 2009

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