Charles Darwin et le langage des émotions

salle du muséeum

On connaît l’histoire :  Charles Darwin ( dont on commémore au Museum de Genève le bi-centenaire de la naissance ) a théorisé qu’une succession d’accidents génétiques a donné à  certaines espèces, pour leur survie dans leur milieu naturel, certains avantages que les autres n’avaient pas. D’où une graduelle prédominance de ces espèces favorisées par le hasard génétique, quitte à  être elles-mêmes supplantées à  leur tour par d’autres, mieux adaptées à  un biotope qui est lui-même en constante évolution. Arbre généalogique, parenté génétique des espèces avec les fameux 98% de patrimoine génétique commun aux chimpanzés, aux singes bonobos et aux humains.  Ah. Mais que vient faire l’expression des émotions dans tout ça  ?

Souriez, vous avez évolué

Darwin avait compris que l’expression des émotions joue un rôle capital dans la survie d’une espèce, et que ce répertoire d’attitudes corporelles et de mimiques tenait autant de la génétique que de la tradition transmise de génération en génération au sein de chaque espèce. Sont en jeu la structure sociale des groupes, et surtout la reproduction des individus les mieux aptes à  assurer la continuation d’une espèce qui reste concurrentielle et adaptée à  son milieu.

Faute de pouvoir physiquement émettre des sons structurés dans une langue de type humain, les espèces vivantes ont à  leur disposition – suivant leur degré d’évolution – d’autres langages.  Les odeurs et les phéromones,  postures et attitudes réelles ou … feintes.  Faire semblant d’être mort dégoûte bien des prédateurs (comme l’autour) qui ne se nourrissent que de chair fraîche; ouf.

Sur l’arbre généalogique du vivant terrestre, plus une espèce est évoluée et plus elle dispose de moyens sophistiqués pour manifester ses émotions. Sur la branche la plus élevée,  Homo Sapiens dispose de multiples langages très structurés et qu’il sait parfaitement moduler, plus l’outil de communication exclusif qu’est … le sourire sous toutes ses formes. Séduction ou mépris, provocation ou soumission, embarras ou triomphe, bien plus que le rire c’est le sourire qui est le propre de l’homme.

muséum

Photographies: Philippe Wagneur ©Muséum de Genève

Descendance et expressions communes

A Londres en 1872, Charles Darwin publie son livre ”  L’expression des émotions chez l’homme et les animaux ” .  Il y avance que, puisque nous avons tous un ancêtre commun datant d’il y a quelques millions d’années, il est logique que nous partagions avec les animaux bon nombre de réactions ou comportements émotionnels, et donc également la manière de les exprimer.  Cet héritage commun se retrouve parmi les humains, parmi les animaux, et dans les relations homme-animal.

Chez l’homme, regardez les spectateurs d’un match de football retransmis à  la TV : sur quelque continent que se déroule la partie se manifesteront les mêmes émotions ( exultation, rage, encouragements, désespoir, etc… )  exprimées de manière quasi identique.  Chez les animaux, la soumission, la domination, la séduction , la peur, s’expriment de manières très semblables.

Quant aux animaux de compagnie,  entre l’homme et l’animal on apprend vite à  lire et comprendre le vocabulaire émotionnel de l’autre – dans les deux sens.  Darwin a donc postulé que les animaux ont des émotions et savent les exprimer;  la question a fâché certains cercles religieux pour qui avoir des sentiments signifie avoir une âme, alors que ”les animaux n’ont pas d’âme” …  Alors que les signaux vocaux et les messages visuels émis par les attitudes corporelles des humains et des animaux sont souvent d’évidentes parallèles. Descendance commune, dit Darwin.

Il est donc hautement logique de ne pas réduire Darwin à  une collection de fossiles, surtout en l’année où l’on célèbre le 200e anniversaire de sa naissance, et de présenter une autre facette de sa vision de l’évolution.

Jean-Jacques Kurz

Exposition : « Charles Darwin (1809 – 1882). Jusqu’au 7 février 2010, horaire du Muséum

Très recommandée, une animation intitulée pertinemment  ” Est-ce que c’est si bête de faire le singe ? ” .  Les mercredis après-midi, en novembre et décembre 2009.

A voir au 2e étage du MHN,  entrée libre, de 10h.00 à  17h.00,  du mardi au dimanche.

Informations :    http://www.ville-ge.ch/mhng

Et

Lectures en public : « Retour à  l’origine »
Les jeudis 29 octobre, 5, 12, 19 et 26 novembre 2009 à  20h
Des personnalités du monde académique et politique lisent des extraits de l’ouvrage de Charles Darwin L’Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la lutte pour l’existence dans la nature. Chaque lecture, conduite dans les galeries d’exposition du Muséum, est commentée selon la sensibilité du lecteur, puis discutée avec le public.
Programme :
– 29.10.09: Ruth Dreifuss (ancienne Conseillère fédérale): La beauté est-elle utile ?
– 05.11.09: Denis Duboule (Professeur de biologie à  l’Université de Genève et à  l’EPFL): L’impossible origine de l’oeil ?
– 12.11.09: Charles Kleiber (ancien Secrétaire d’Etat à  la Science et à  la Recherche): L’évolution, un progrès ?
– 19.11.09: André Langaney (Professeur honoraire au Département d’anthropologie et d’écologie à  l’Université de Genève): La sélection des races
– 26.11.09: Randal Keynes (défenseur de la nature, arrière-arrière-petit fils de Charles Darwin): Darwin and the de Candolles (attention: lecture en anglais).
En collaboration avec Frontiers in Genetics

Visites guidées : « Darwin et l’arbre du vivant »
Les 29 octobre, 4 & 12 novembre et 2 décembre 2009 à  11h

 

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