Typhoon, de Pan Lei. 1962. Taiwan.
La Cinémathèque suisse présente une sélection de films taïwanais inédits des années 1960 qui revendiquent une esthétique souvent excentrique et une transgression permanente s’opposant au diktat du modèle chinois.
En ouverture de ce cycle de films, la Cinémathèque suisse a souhaité programmer le 4 novembre à 19h au Cinématographe le long métrage de fiction Typhoon, une œuvre qui détonne dans la production taiwanaise des années 1960 et qui reste inclassable jusqu’à nos jours. Cycle jusqu’à fin novembre.
Après sa prise pouvoir en 1945 à Taïwan, le gouvernement nationaliste chinois (KMT) s’empare du cinéma pour effacer toute trace de colonisation japonaise (1895-1945), mais aussi pour (dé)montrer que la République de Chine, réfugiée sur l’île en 1949 après sa défaite contre les communistes, reste le légitime pouvoir de la Chine entière. L’industrie, d’abord dominée par les studios d’État, produit des films en mandarin réalisés par des cinéastes fidèles au KMT. Ces films s’adressent surtout aux exilés chinois et parlent peu – au sens propre- à la population locale. Mais à partir de la moitié des années 1950, se développe un cinéma indépendant en hoklo, la langue la plus parlée sur l’île qui
va s’ingénier à détruire le mythe du renouveau chinois sous l’égide du KMT.
Si tout semble opposer la production indépendante et la production des studios nationaux, elles sont en fait complémentaires: d’un côté, les moyens techniques des studios nationaux sont sollicités ainsi que leurs techniciens sous-employés, et, de l’autre, les acteurs et réalisateurs du cinéma en hoklo sont un vivier de talents pour le cinéma officiel.
Le cinéma indépendant fait feu de tout genre, de la comédie «animalière» (The Fantasy of the Deer Warrior), au film d’épouvante. Les comédies, souvent corrosives, détruisent les fables méritocratiques et édifiantes du cinéma officiel. C’est aussi un cinéma de la jeunesse, loin de celle, compassée, du cinéma officiel et soumis à la morale confucéenne. Foolish Bride, Naive Bridegroom (1968) inverse les rôles traditionnels: le garçon est cloîtré par son père, et la fille monte des stratagèmes pour l’enlever. De façon générale, le cinéma populaire fait la part belle aux héroïnes fortes face à des héros falots.
Encore plus marginaux, certains produisent un cinéma indépendant censé mieux refléter leur réalité. Robert Chen Yao-qi filme ainsi ses camarades dans The Mountain (1966) où ceux-ci rêvent d’ailleurs et de liberté dans ce pays autoritaire. L’un d’eux, Mou Tun-fei tentera de faire quelques films personnels comme le très sombre The End of the Track (1970) avant de se perdre à Hong Kong dans les productions de catégorie 3 (classées ainsi en raison de leur violence et/ou de leur érotisme).
Au début des années 1970, le cinéma en hoklo disparaît: l’interdiction de l’utilisation de la langue et le succès grandissant de la télévision auront raison de lui. Si la production de films populaires à petit budget – en mandarin – continue dans les années 1970, il faut attendre la fin de la décennie pour qu’elle connaisse un dernier éclat. Et la Nouvelle Vague taïwanaise des années 1980 qui rejette le cinéma populaire, tout en replongeant dans la nostalgie des années 1960, n’en est pas moins son héritière inconsciente et paradoxale.
Wafa Ghermani, curatrice de la rétrospective TAIWAN CINEMA
Salles de projection:
Salle du Cinématographe (CIN) et salle Paderewski (PAD) Casino de Montbenon
. Allée Ernest-Ansermet 3. 1003 Lausanne
Cinéma Capitole (CAP) . Avenue du Théâtre 6 1005 Lausanne
Site de la Cinémathèque suisse.
Focus Taiwan au GIFF
« Taïwan est aussi la nouvelle Mecque du cinéma et des technologies immersives. Pour rendre hommage à la débordante créativité de XXX, le GIFF vous propose de découvrir un corpus d’oeuvres numériques inédites en Suisse, dont le sublime The Deserted de Tsai Ming-liang, la série 5×1 produite par Hou Hsia-hsien, ainsi que Nina Wu, le tout dernier film de l’étoile montante du cinéma d’art et d’essai taïwanais, Midi Z. » Voir : https://2019.giff.ch/focus-taiwan/