Le cinéma intime de Gabriel Mariño

Gabriel Mariño

Né à Puebla, au Mexique en 1978, Gabriel Mariño étudie l’histoire à la UNAM avant de sortir diplômé en Réalisation de l’école de cinéma CCC de Mexico. Après avoir tourné des courts-métrages (fictions et documentaires), son premier long-métrage, Un Mundo secreto (Un Monde secret), a été sélectionné aux festivals de San Sebastián en 2011 et de Berlin en 2012. Entretien.

 

Quels types d’acteurs jouent dans votre film ?

Gabriel Mariño : Des comédiens non professionnels à l’image de Lucia Uribe qui joue le rôle titre de Maria, Cette ancienne étudiante en philosophie fait désormais une école de cinéma comme actrice. Olivia Laguna qui joue le rôle d’une mère est une actrice bien connue au théâtre, mais c’est son premier rôle dans un film au Mexique. Juan l’un des garçons est très jeune, mais a néanmoins plusieurs films comme interprète à son actif.

Comment s’est réalisé le tournage ?

Nous avons œuvré avec une petite équipe de tournage de quinze personnes pour les scènes à Mexico et réduite à  neuf au fil du road-movie. Les scènes sont filmées sans répétition particulière des acteurs. Le processus d’acting se concentre principalement au plan de la mise en jeu sur une suite d’exercices et d’improvisations. Ainsi, par exemple, au fil de l’après-midi nous discutons amplement autour des personnages, la manière dont je souhaite réaliser le film, les plans. Nous avons aussi visionné plusieurs films afin de transmettre l’atmosphère, la présence-absence des protagonistes dans l’espace, le cadre et le déroulement temporel. Du coup, les comédiens pouvaient se rendre compte du genre d’opus  réalisé. Que l’on songe à Carlos Raygades (Japon, l’étonnant Lumière silencieuse), Lars Von Trier (Breaking The Waves), Ken Loach (Ladybird Ladybird), Pedro Costa (Casa del Lava), ou des réalisations signées Robert Bresson.

Voyez-vous des liens entre l’héroïne du film Un monde secret, Maria et Alejandra, celle d’Après Lucia ?

Il s’agit de deux personnages féminins juvéniles et mystérieux, souvent silencieuse plongées dans un monde intérieur troublé et intense. Pour la protagoniste principale du film Après Lucia, la situation est fort différente que celle de mon film. Ainsi à la suite d’un drame familial, le décès de la mère, Lucia, et désireux d’initier  une nouvelle vie, une jeune fille, Alejandra et son père Roberto, déménagent dans une nouvelle ville. Ils s’installent à Mexico et tentent de se reconstruire après une forme de traumatisme initial qui reste hors-champ. Il ne s’agit pas d’une situation où le quotidien charrie la reconduction d’habitudes acquises ou apprises. Il y a un twist initial dont résulte un deuil impossible. Le film est une forme de rappel de ce à quoi peut nous enjoindre l’épreuve de l’absence de l’autre et celle de la perte. A mon sens, Alejandra est en était de choc, quasi paralysée, ankylosée pour le moins.

Un Monde secret, Lucia Uribe joue le rôle titre de Maria.

Dans le cas de Maria au fil d’Un Monde secret, aucun événement dramatique ou épisode douloureux ne vient induire un comportement spécifique ou une attitude au monde particulière. IL s’agit bien plutôt d’une sorte de paralysie, d’engourdissement de soi quasi hypnotique qui est reconduit jour après jour. Il existe sans doute une forme de chaos qu’elle garde en soi, une forme de dispute, au sens philosophique du terme, entre plusieurs mouvements ou aspirations inabouties qui se déroulent in petto dans le for intérieur de l’adolescente. Tant Maria qu’Alejandra sont libres d’exprimer leur sexualité. Sans songer nécessairement à échanger sentiments et émotions. Ce n’est pas une vision désespérée ou jubilatoire de la sexualité, mais une forme de quête de soi sur laquelle elles ne semblent pouvoir mettre de nom.

Propos recueillis et traduits de l’anglais par Bertrand Tappolet. 23 novembre 2012.

Filmar en America Latina. Genève.

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