Le Centre d’art contemporain élabore une scénographie exceptionnelle au service de la jeune création

Vernissage des Bourses, 1er septembre. Bourse arts plastiques à Marilou Bal. Photo Jacques Magnol.

Chaque année, la Ville de Genève attribue deux bourses à des artistes au titre du soutien à la jeune création contemporaine, l’une pour les arts appliqués et l’autre pour les arts plastiques. L’exposition des travaux des nominé-e-s et des lauréat-e-s se tient au Centre d’art contemporain de Genève jusqu’au 2 octobre.

 

Une performance avec des mannequins défilant s’est déroulée lors de la soirée de vernissage. Photo Julien Girard.

Le 1er septembre, Andrea Bellini, directeur du Centre d’art contemporain, et Michèle Freiburghaus, responsable du Fonds municipal d’art contemporain de la Ville de Genève, ont dévoilé les noms des artistes lauréates des deux bourses octroyées sur les Fonds Berthoud, Lissignol-Chevalier et Galland, chacune d’une valeur de CHF 10’000.

La Bourse arts plastiques est allée à Marilou Bal dont les tableaux traitent des questions qui s’imposent actuellement dans les débats, tels l’adolescence, la culture pop des années 1990 et 2000, la culture de la féminité et une critique envers les réseaux sociaux.
Du côté des arts appliqués, c’est Virginie Jemmely qui est récompensée pour un travail qui questionne le rôle du vêtement et celui du fantasme dans la constitution de nos identités. Les deux lauréates sont diplômées de la HEAD, comme sept autres artistes des quinze nominée-e-s.

La scénographie initialement créée par Andea Bellini pour la Biennale de l’image en mouvement offre des conditions exceptionnelles de présentation en ce qu’elle engage le public dans une déambulation dans une suite de salles dans lesquelles les artistes ont eu tout loisir de créer leur propre environnement. Cette articulation de la visite rompt avec les années précédentes lorsque les oeuvres se trouvaient en concurrence dans les immenses salles du Centre d’art contemporain.

Un regain d’intérêt pour la peinture

L’attribution de la bourse arts plastiques à une artiste adepte de la peinture signale un nouvel intérêt pour une pratique peu soutenue, tant pas les galeries que par les institutions, de la fin des années 1980 jusqu’en 2008-2010. « Trop peu de peintres trouvent aujourd’hui la reconnaissance muséale qui leur est due » regrette le galeriste français Daniel Templon dans son pavé de 2016, Une histoire d’art contemporain.
Aucune bourse BLCG n’a concerné la peinture entre 2001 et 2009, et seulement cinq – Gaël Grivet, Henry Deletra Hanna, le Collectif Thiong-Toye/Racine, Mathieu Dafflon et Marilou Bal – entre 2010 et 2022. L’artiste Nina Childress dit “s’être sentie has been à faire de la peinture”, tandis qu’elle remarque un changement en cours avec une « autorisation nouvelle à faire du figuratif, (précisant) les avant-gardes j’ai connu, on a poussé le bouchon aussi loin qu’on a pu » (V. Libération, 8 août 2022). Une opinion confirmée par un enseignant spécialisé genevois : « Nina Childress a raison, non seulement on peut en peindre, mais aussi en voir ce qui n’était pas le cas il y encore 20 ans. Depuis dix ans, c’est presque une inversion qui a lieu ». En 2022 quatre artistes nominés au Bourses BLCG, dont la lauréate, l’on représentée.

Bourses arts plastiques
Marilou Bal, Fanny Balmer, James Bantone, Gustave Didelot, Rémi Dufay, Camille Dumond, Nagi Gianni, Sébastien Schnyder, Jonathan Vidal, Ilana Winderickx.

  • Rémi Dufay. Arts plastiques. Photo Jacques Magnol
  • Gustave Didelot. Arts plastiques. Photo Jacques Magnol
  • Jonathan Vidal. Arts plastiques. Photo Jacques Magnol
  • Ilana Winderickx. Arts plastiques. Photo Jacques Magnol
  • Nagi Gianni. Arts plastiques. Inauguration au Centre d'art contemporain Photo Jacques Magnol
  • Camille Dumond. Arts plastiques. © Centre d’Art Contemporain Genève. Photo : Julien Girard
  • James Bantone. Arts plastiques. © Centre d’Art Contemporain Genève. Photo : Julien Girard
  • Sebastien Schnyder. Arts plastiques. Photo Jacques Magnol
  • Marilou Bal. Arts plastiques. Photo Jacques Magnol
  • Fanny Balmer. Arts plastiques. © Centre d’Art Contemporain Genève. Photo : Julien Girard

 

Bourses arts appliqués
Agapornis (Louise Jarrige – Le Berre & Zoé Marmier) – lauréates, Tristan Bartolini, Virginie Jemmely, Yasmine Nabli, Louise Leï Wang

  • Virginie Jemmely. Arts appliqués. Photo © Centre d’Art Contemporain Genève. Photo : Julien Girard
  • Tristan Bartolini. Arts appliqués. © Centre d’Art Contemporain Genève. Photo : Julien Girard
  • Louise Leï Wang. Arts appliqués. © Centre d’Art Contemporain Genève. Photo : Julien Girard
  • Agapornis - Louise Jarrige, Le Serre, Zoé Marmier. Arts appliqués. © Centre d’Art Contemporain Genève. Photo : Julien Girard
  • Yasmine nabli. Arts appliqués. © Centre d’Art Contemporain Genève. Photo : Julien Girard
  • Une performance avec des mannequins défilant s'est déroulée tout au long de la soirée de vernissage. Photo Julien Girard.

 

Comment ça fonctionne

Depuis 1955, la Ville de Genève attribue deux Bourses octroyées sur les Fonds Berthoud, Lissignol-Chevalier et Galland (BLCG) d’une valeur de CHF 10’000.- chacune, l’une pour les arts appliqués et l’autre pour les arts plastiques. Destinées à soutenir la jeune création contemporaine, elles offrent aux lauréat-e-s l’opportunité de développer une recherche personnelle ou de poursuivre des études, par exemple à l’étranger.

Les artistes déposent des dossiers pour cette bourse, et un premier tour au printemps permet de choisir une quinzaine de candidat-e-s.  Les deux lauréat-e-s des bourses seront finalement désigné-e-s après délibération du jury sur examen des oeuvres exposées. Ces candidat-e-s sélectionné-e-s sont invité-e-s à participer à une exposition collective au Centre d’Art Contemporain Genève.
Pour les Bourses BLCG, le jury est composé d’au moins cinq personnalités, professionnel-le-s et expert-e-s issu-e-s des milieux artistiques concernés. Il est constitué pour cinq ans et présidé par le Conseiller administratif chargé du Département de la culture ou par son représentant.

Des frais de production gagnés de haute lutte

Bourses BLCG 2017, exposition au Centre d’art contemporain. Photo Jacques Magnol.

La question des frais de reproduction qui couvait depuis plusieurs années s’est posée à l’entrée de l’exposition des Bourses 2017 avant de faire son chemin jusqu’au au département de la culture du magistrat Sami Kanann. Puis, en septembre 2018, dans le cadre de l’exposition Essayer encore. Rater encore. Rater mieux, le collectif d’artistes Rosa Brux, porté par Clovis Duran, Jeanne Gillard et Nicolas Rivet, l’a remise sur le tapis lors d’une table-ronde en présence de nombreux intervenants du secteur culturel, artistes, institutionnels et politiques.

Jusqu’en 2020, les artistes venaient, installaient leur pièce et les murs étaient mis à disposition pour l’exposition. Petit à petit se sont ajoutées l’assistance technique, la communication et l’augmentation progressive de 3’000 aux 10’000 francs actuels, mais pour les lauréat-e-s seulement.
Le sujet a poursuivi son chemin jusqu’au Département de la culture du magistrat Sami Kanaan qui a estimé légitime de se poser la question d’exposer des artistes confirmés sans leur donner un forfait pour le travail effectué puisque seuls deux ou trois d’entre eux reçoivent la bourse. Ainsi, depuis 2020, la Ville octroie à chaque nominé-e un montant forfaitaire de CHF 2’000.- pour sa participation à l’exposition qui prend place dans les trois étages du Centre d’Art Contemporain Genève.

Et la place des femmes ?

La question récurrente de la place réservée aux artistes femmes est maintenant examinée à chaque exposition. Elle reçoit ici une réponse positive puisqu’elles remportent la totalité des quatre bourses distribuées, en même temps qu’elles sont majoritaires parmi les artistes nominé-e-s (9/15). Une recherche menée par swissinfo.ch (SWI) et la Radio-télévision Suisse (RTS) révèle que les choses se compliquent après : « Les musées suisses montrent plus souvent le travail des hommes que celui des femmes. 26% seulement des artistes exposés entre 2008 et 2018 étaient des femmes ».
Une situation qui devrait évoluer si l’on en croît la fondatrice de la revue d’art contemporain artpress : « Le milieu de l’art est depuis longtemps largement féminin et compte de grandes figures de conservatrices, de critiques d’art, de marchandes. » (Transfuge, septembre 2022.) Dans le cas contraire, les artistes pourront réactiver le processus engagé pour obtenir une participation aux frais de production cité plus haut.

Deux autres bourses sont décernées en marge de l’événement

L’artiste confirmée Emilie Ding reçoit la Bourse de recherche pour artiste de plus de 35 ans, également dotée de CHF 25’000, pour son projet The Day After.

La Bourse photo à caractère documentaire 2022, dotée de CHF 25’000, échoit à Léonie Marion. Le projet de l’artiste Léonie Marion consiste en une réflexion environnementale autour de la pollution lumineuse, par le biais de la photographie. Une exposition de ses oeuvres sera probablement présentée au Centre pour la photographie Genève.

Emilie Ding, Untitled, 2016. À la galerie Xippas en 2016. Photo : Annik Wetter.

Une vitrine d’exception

L’exposition de la sélection d’artistes opérée pour les Bourses BLCG au Centre d’art contemporain est l’occasion importante, sinon unique, de rencontrer un large public, non seulement des étudiants des différentes filières artistiques, mais aussi du milieu institutionnel et des galeries.
Les efforts d’Andrea Bellini pour développer la renommée du Centre par des collaborations avec des collaborations sur le plan international qui bénéficient aux artistes de la scène locale.

Artistes nominé-e-s des bourses de la Ville de Genève 2022
du 2 septembre au 2 octobre 2022
Centre d’art contemporain Genève
Rue des Vieux-Grenadiers 10
Genève

Voir aussi : Le soleil ne se couche jamais sur la Biennale de l’image en mouvement. GenèveActive, septembre 2022.

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