La psychiatre, l’activiste politique et les otages

Braquage. Théâtre du Grütli. Photo Andrea Marioni

Sous le regard silencieux, et pour cause ce n’est qu’un masque et une blouse blanche, d’une psychiatre, Andrea Marioni se met en scène dans un personnage désireux d’action politique et enfermé dans sa folie : celle de transformer le monde. Il nous explique qu’il faut de l’argent pour acheter des armes et nourrir la cause alors avec la complicité d’un spectateur il va braquer un kiosque, puis avec un autre complice une poste. L’argent est vrai, les théories révolutionnaires et les figures politiques qu’il convoque aussi. Mais tout cela n’est qu’un jeu. Les énergies et le degré de réussite des actions se tirent au dé, gros ballon mou et vert, alors il arrive aussi que tout se termine en prison, château gonflable aux tours en forme de girafe. Il s’agit de faire semblant, comme toujours au théâtre comme dans les jeux d’enfants alors les situations de blocage peuvent encore se rattraper par des cartes bonus, le quiz ou la conférence, occasion de dire un peu d’une histoire révolutionnaire. L’ambiance est à la fois grotesque, enfantine et savante. Le propos et sérieux et drôle.

Tout bascule quand Marioni décide que ces actions ne servent à rien s’il n’est pas entendu qu’il ne veut pas tuer mais être écouté. Il nous prend alors en otages. Reste à régler le délicat aspect de la communication pour nous faire adhérer à sa cause. Le parler vrai, le dévoilement des convictions, le moment de vérité, comme en politique doit opérer ce reversement mais les dés lui sont contraires, il s’emporte. Il nous prend à parti : Dire que nous regrettons nos privilèges n’est qu’une façon de les conforter, nos incessantes plaintes pour si peu ne sont que complaisances … qui de lui révolté par l’injustice et de nous qui en sommes complices sont les plus fous ? Ce moment à charge extrêmement bien écrit et incarné est surement l’un des temps les plus fort de la pièce. Il est assez puissant pour porter un véritable message politique et réveiller les consciences, assez court pour ne pas devenir moralisant. Le fou redevient la figure historique de la vérité.

Comme si la crise était passée Marioni revient vers nous, vise le cynodrome de Stockholm nous propose de nous vendre des hot-dogs pour financer la cause avant finalement de nous les offrir.

Né de la rencontre avec l’activiste-braqueur Jacques Fasel, qu’il a interviewe, Braquage est nourri de lectures, livres dont il cite des passages, qu’il jette et empile faisant sur scène son doctorat. Braquage subtile jeu qui dit aussi ce qu’est le théâtre donne vie aux contradictions entre pensée et action, violence et justice, idéal et réalité. C’est un spectacle politique particulièrement réussi stimulant et salutaire en ces temps troublés.

Vendredi 12 janvier à 18h30, représentation gratuite dans le cadre du festival Go Go Go.
Théâtre du Grütli.
Genève

Du 11 au 13 janvier, venez fêter l’art vivant sous toutes ses coutures ! Performances en tout genres, lectures, mises en espaces, premiers essais, les artistes de cette 5e édition font feu de tout bois.
https://grutli.ch/spectacle/go-go-go-24/

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