April se prostitue à Tbilissi . Une nuit elle aborde un nouveau client, Dije, jeune réfugié Nigérian arrivé en Georgie par erreur. Petit à petit se tisse entre-eux une mystérieuse relation. Se dessine ainsi le portrait de deux âmes errantes et celui d’une ville d’aujourd’hui.
Il est rare de voir des œuvres d’art qui ne sont pas bonifiées par un peu de contextualisation. Que ce soit la biographie du réalisateur, un bout d’entretien, les thématiques récurrentes de son travail, ou tout simplement une analyse globale de l’œuvre à partir de travaux passés ou récents. Cette toile de fond enlève les doutes et rapproche le public d’une perception complète du travail, souvent celle de son créateur. Pour autant que le public arrive à voir l’œuvre avec les yeux de son créateur, il peut se projeter dedans et faire sa propre expérience de ce qui lui est proposé.
Pourtant, I am truly a drop of sun on earth fait partie de ces œuvres qui ne peuvent pas profiter d’un peu de contexte parce que cela ne ferrait que nous rappeler qu’il s’agit d’une construction, chose que l’on oublie pendant le film. Dû a son réalisme, celui-ci nous laisse avec l’impression d’avoir été véritablement témoin de certains événements touchants et perturbants. Au moment où les lumières s’allument dans la salle, on se rend compte qu’il s’agissait d’une fiction.
Géorgie (pays) où Géorgie (États-Unis)? Dije, jeune immigré Nigérien opte pour le deuxième, mais il se fait arnaquer et finit par atterrir au premier. À Tbilissi il n’est pas le bienvenu mais il est trop tard pour faire quoi que ce soit. Il reste avec ses frères Africains. April sort d’une nuit en prison pour prostitution illégale, elle reprend son quotidien au sein d’un petit clan de travailleuses du sexe actives dans l’étage souterrain d’un grand hôtel de luxe. Dans ce même lieu morne et décrépit deux minorités marginales se croissent à maintes reprises, elles se méprisent réciproquement. Cela n’empêche pas qu’une amitié particulière naisse entre April et Dije. I am truly a drop of sun on earth est un film plus grand que ses circonstances, plus grand que son budget, plus grand que son format de 61 minutes. Le premier long métrage de la géorgienne Elene Naveriani, originaire de ce même Tbilissi, montre la violence implacable des politiques raciales ainsi que l’invisibilité des minorités en Géorgie. Mais surtout, le film arrive à capter l’isolement d’une vie sans espoir et la quête de la douceur qui fait de nous tous des vivants. Les particularités de la société Georgienne en ce qui concerne le racisme et l’immigration sont très visibles mais elles ne manquent pas de nous rappeler comment ce questionnement est actuel aujourd’hui que la montée de l’extrême droite menace plusieurs minorités ethniques en Europe et ailleurs. Des questions réelles et tout à fait urgentes.
Effectivement, le réalisme semble être un des grands enjeux du film, à la fois comme style cinématographique et comme engagement politique. Entre fiction et documentaire, les personnages de I am truly a drop of sun on earth ne sont pas des acteurs professionnels mais des amateurs qui ne jouent personne d’autre qu’eux-mêmes. Les habits qu’ils portent sont les leurs et leurs dialogues sont largement issus de discussions et de sessions d’écriture collective. Comme le souligne Elene Naveriani et Agnesh Pakodzi, elles ne voulaient pas représenter les personnages comme bon leur semblaient mais plutôt coécrire les scènes avec les acteurs de sorte que celles-ci correspondent à la réalité de ces derniers. Une grande partie du travail pour Naveriani et Pakodzi était justement de choisir la bonne distance entre eux et le sujet afin de donner une autre perspective à la représentation. Le choix du noir et blanc qui donne un aspect atemporel au film fait aussi partie de cette démarche.
Malgré son caractère mélancolique et sobre, le film finit en musique avec le chanson This bitter earth interprétée par Dinah Washington, choix qui en dit long sur la notion de réalisme et l’espoir que l’on peut se permettre au sein de ce dernier :
Oh, this bitter earth
Yes, can it be so cold?
Today you’re young
Too soon you’re old
But while a voice
Within me cries
I’m sure someone
May answer my call
And this bitter earth, ooh
May not, oh be so bitter after all
I am Truly a Drop of Sun on Earth
Suisse, 2017, 61’. Réalisatrice : Elene Naveriani. Avec Khatia Nozadze, Bianka Shigurova, Daniel Anthony, Mariam Chachia, Nino Giorgobiani.
Cinéma Spoutnik.
mer. 21 mars 2018 19h
jeu. 22 mars 2018 20h30
sam. 24 mars 2018 20h30
dim. 25 mars 2018 20h30
lun. 26 mars 2018 20h30
mar. 27 mars 2018 20h30
mer. 28 mars 2018 20h30
sam. 31 mars 2018 17h30
lun. 2 avril 2018 19h
mar. 3 avril 2018 19h
mer. 4 avril 2018 19h