Botiza, film de Frédéric Gonseth
Qu’on trompe le consommateur occidental de plats préparés industriels et voilà qu’on découvre que la Roumanie, de tous les pays européens, est le pays du cheval par excellence. Du cheval de travail, s’entend.
Même si en entrant dans l’Europe la Roumanie doit interdire, par esprit de conformité réglementaire et volonté d’accélérer le trafic, la présence des chevaux sur les grandes routes, il s’en faut et de beaucoup que les équidés disparaissent des villages perdus dans les Carpates, comme celui de Botiza, où notre film documentaire suisse a été tourné tout au long d’une année. Le paysage vallonné y ressemble à certaines régions de Suisse et l’absence de routes carrossables y décourage l’usage du tracteur. Les paysans dépendent donc de leur cheval de trait pour descendre leurs récoltes de foin et pour retourner la terre de leurs champs de patates et de betteraves.
Les paysans roumains ne mangent pas de viande de cheval et à la mort de leur équidé, ils donnent sa chair en pâture aux ours, ou, plus prosaïquement, ils vont la vendre au marché. Des exportateurs leur en donnent trois francs six sous, et embarquent l’animal pour revendre sa carcasse sur le marché européen. C’est ainsi que finissent ces compagnons qui ont trimé dix, parfois quinze, vingt ans pour nourrir une famille de paysans de montagne qui ne reçoit aucune aide ni de l’Etat roumain, ni de l’Europe. Mais pour une fois, leur destin ne passe pas inaperçu…
Frédéric Gonseth
Botiza, documentaire de 99 minutes, réalisé par Frédéric Gonseth et Catherine Azad, coproduit par la RTS, aidé par l’OFC, Suissimage et Regio Films, distribué par JMH Distributions dans les salles dès le 27 mars (avant-première le 26 mars avec la Cinémathèque au Capitole de Lausanne).
Nous avons été très troublés de découvrir qu’au cœur des Carpates roumaines, on vit comme en Suisse dans les Alpes, le Jura ou l’Emmental, il y a un siècle. Cet étrange voyage dans le passé, nous avons pris le temps qu’il fallait pour le réaliser avec quatre familles. Au plus près de leurs gestes et de leurs émotions, nous avons ressenti tout ce que signifiait vivre autrefois sans le confort moderne: la dureté du travail, mais aussi le plaisir de se retrouver dans la rue pour parler, jouer aux cartes, faire sonner un violon ou une flûte endiablée sous des doigts noueux.
Frédéric Gonseth