Du Minimalisme au Post-minimalisme; un changement dans la continuité

Eva Hesse Right After

Eva Hesse, Right After, 1969 © The Estate of Eva Hesse. Hauser & Wirth. (détails en bas de page)

Dans les années 70, une nouvelle tendance que l’on a qualifiée de post-minimalisme s’est dégagée du mouvement minimaliste, Eva Hesse, Richard Serra, Keith Sonnier, Robert Smithson, Bruce Nauman en sont les éléments les plus représentatifs. Ces artistes se distinguent de leurs prédécesseurs minimalistes tels Donald Judd, Frank Stella, et Carl Andre. 

La désignation «post» ne dénote pas seulement une postérité chronologique, mais aussi un changement de signification des réalisations artistiques. Le post-minimalisme rejette la rigueur formelle, la limitation imposée par la rigueur géométrique ou la neutralité du matériau, ces éléments chers au dogme minimaliste. Il a représenté ensuite une rupture, de nature historique. Ce mouvement a capté l’héritage du minimalisme et l’a doté d’une dialectique caractérisée par de nouvelles sensibilités psychologiques et physiques, ainsi que l’utilisation d’un éventail plus large de matériaux.

Quand la féminité apporte de la chaleur dans le minimalisme

Les oeuvres de Eva Hesse conjuguent les apports du minimalisme, et une nouvelle orientation de la sculpture, dans une nouvelle «sensibilité». Ainsi, Eva Hesse a rejeté les attributs de la sculpture monumentale – volume, masse et verticalité – pour privilégier des formes moins conventionnelles grâce à  l’usage de matériaux qui se décomposent avec le temps comme la corde, le latex et la gaze. Cette opération de glissement a permis à  Eva Hesse de continuer à  utiliser des modes de pensée et des processus issus du minimalisme tout en les enrichissant d’une sensibilité féminine.
Eva Hesse a trouvé son inspiration dans le corps humain, les actions aléatoires, et les matériaux non traditionnels comme le feutre, le plomb en fusion, la cire et le caoutchouc. Ces matériaux lui ont permis de prendre de nouvelles libertés qui ont favorisé l’apparition d’une nouvelle sensibilité esthétique que l’on a nommée post-minimalisme (1). Bien qu’elle ait recouru à  la modularité minimaliste, Eva Hesse a introduit une dimension corporelle et sensuelle dans ses oeuvres, puisqu’elle en a fabriqué les composants à  la main. Le corps est le fondement pré-objectif de toute relation à  l’objet et de toute expérience de l’interrelation des objets entre eux. C’est ainsi qu’elle a détourné le minimalisme de sa froideur.

Addendum, Eva Hesse

Addendum, 1967, papier mâché peint, bois et corde, 12.4 x 302.9 x 20.6 cm, Tate Gallery, London.

Avec la forme dans sa contextualité, le post-minimalisme a hérité du cadre formel du minimalisme, et en même temps il s’est libéré du formalisme , du strict registre des formes pures et géométriques. Le sens de cette contextualité historique n’a subi ni la «forme» ni le «contenu» mais une opération dans laquelle ni l’un ni l’autre ne sont plus à  leur place.
Yves-Alain Bois et Rosalind Krauss reprenaient une idée de George Bataille «L’informe» (2) pour désigner le post-minimalisme. Comme une contre-histoire, ce contexte historique lui-même représenta une valeur esthétique rebelle à  la sémiotique du fétiche dans le système de production de l’art. Selon Georges Bataille, l’art n’a pas besoin d’un strict carcan, mais Informe est un adjectif qui sert à  déclasser, exigeant que chaque chose ait sa forme, mais “affirmer que l’univers ne ressemble à  rien et n’est qu’informe, revient à  dire que l’univers est quelque chose comme une araignée ou un crachat”.

Yi-hua Wu

Notes

1. Le terme de Post-minimalisme, également appelé Process Art, est apparu pour la première fois en 1968 sous la plume de Robert Pincus-Witten. Le Process Art  fut exposé en 1970 à  la John Gibson Gallery de New York sous le nom de Anti-Form. Le Process Art marque surtout un changement de sensibilité et la manifestation d’une continuité.
2. Yves-Alain Bois & Rosalind Krauss : L’Informe. Mode d’Emploi. Paris: Centre Georges Pompidou, 1996.

Mise à jour : En 2015, l’artiste allemande fait enfin l’objet d’un documentaire par Marcie Begleiter.

Détails de Right After, d’Eva Hesse, en haut de page :
Eva Hesse
Right After, 1969
Fiberglass, polyester resin, wire
548.6 x 121.9 cm / 60 x 214 x 48 inches, 3 sections
exhibition view at Yale University Art Gallery, New Haven, CT 1992
Milwaukee Art Museum, gift of Friends of Art, 1970
© The Estate of Eva Hesse. Hauser & Wirth

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