Le pèlerinage des Trente-trois temples de l’Ouest du Japon. Photo Jean Eracle, mission 1981.Â
La dernière exposition du MEG avant le début des travaux d’agrandissement, prévus en juin 2010, est consacrée à Kannon, la divinité la plus vénérée en Asie. En Europe, la bouddhamania ne faiblit pas, elle n’accompagne plus aucune utopie mais aide, selon Taslima Nasreen, à supporter “la vacuité de la vie dans la société capitaliste”.
Le Dalaï lama est une incarnation de Kannon (pour les Japonais), ou Guanyin (pour les Chinois). L’attachement à Kannon tient à sa compassion car, né d’une larme d’un bouddha, il observe et écoute les misères du monde.
Entretien avec Jérôme Ducor, conservateur du département Asie au MEG,.
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 Le bouddhisme est aujourd’hui la seule religion non monothéiste qui progresse en Europe, il plaît aux Occidentaux pour sa tolérance. Plus qu’une religion, c’est un mode de vie, une interprétation du monde du point de vue d’une société agricole très proche de la nature. C’est là , dans les philosophies orientales, que les Occidentaux vont chercher les solutions aux problèmes de la vie dans la société capitaliste. Parmi nombre d’intellectuels, l’ethnologue Claude Levi-Strauss les a guidés sur cette voie : «Il est important de s’ouvrir maintenant aux modes de penser et de sentir des autres peuples … De plus, l’Occident étant incapable par lui-même de s’harmoniser avec la nature, il lui faut l’apprendre d’une autre civilisation. » Universel donc, ou presque.
C’est à l’environnement asiatique de Kannon que se limite l’exposition du MEG sous forme d’une expérience initiatique qui débute par une immersion dans la variété des représentations du Bouddha et se termine par une invitation à mettre dans ceux des pélerins et effectuer leurs gestes quotidiens, en actionnant par exemple un moulin à prières. Cet exercice « touristique » clôt l’exposé historique auquel manque l’apport de Kannon, sinon du bouddhisme, à la société contemporaine occidentale qui imagine que les philosophies orientales vont résoudre les problèmes endurés sous le règne du machinisme du monde moderne. L’exposition se déploie dans un espace restreint, elle a été réalisée en un temps record, Jérôme Ducor parle de trois mois, et la série japonaise Leroi-Gourhan résonne plus comme un hommage obligé au collectionneur, mais le catalogue soutient et prolonge l’intérêt.
Jacques Magnol
Le chat invitant (Maneki neko). Japon, XXe siècle. Plâtre, H. 14 cm. Mission Jean Eracle 1988. MEG. Photo: J. Watts.
Kannon balaye l’univers de sa lumière de compassion
« Kannon est vénéré dans tous les pays du «Grand Véhicule», forme du bouddhisme qui met l’accent sur l’idéal de la compassion. Il y est considéré comme un «grand bodhisattva», un être qui a fait le và“u de devenir bouddha pour aider les autres à réaliser l’éveil. Kannon a même pris la résolution de faire passer tous les autres avant lui. Il est donc perçu comme le sommet de l’altruisme désintéressé. Les différents noms de Kannon signifient que sa compassion lui fait scruter les cris des êtres plongés dans la souffrance, afin d’intervenir pour les soulager de leurs peines.
En Asie, le regard suppose que les yeux projettent de la lumière sur l’objet observé. Ainsi, lorsque Kannon scrute de son regard les voix du monde, il balaye l’univers de sa lumière de compassion, tel un phare sur la mer. On peut donc rendre son nom par «Vigie des voix du monde». Kannon serait né d’un rayon de lumière émis par le Bouddha «Lumière-Infinie» (Amitàbha), qui prêche actuellement en sa terre pure située à l’ouest de notre univers.
C’est pourquoi, Kannon porte presque toujours une image de ce bouddha sur sa tête. Dès le IIIe siècle de notre ère, son nom apparaît en Chine dans les textes liés à Amitàbha. Kannon est l’un de ses principaux assistants pour venir accueillir les mourants et les conduire dans la terre pure de ce bouddha.»
Le regard de Kannon. Exposition. Musée d’ethnographie de Genève.
Du 29 janvier au 20 juin 2010.
Visite commentée. Publique. Chaque 1er dimanche du mois à 11h. Entrée libre.
Un livre richement illustré et fondé sur les sources originales accompagne l’exposition.
Voir ou écouter également :
– Les thangkas tibétain du MEG. Avec Jérôme Ducor. 5 juillet 2007. (vidéo)
– L‘Association d’Amitié Genève-Shinagawa. Avec Anne-Claire Schumacher, Présidente de l’Association, conservatrice au Musée de l’Ariana, André Walther, vice-président du MEG et président du Comité d’organisation du 15e anniversaire et Jérôme Ducor, conservateur au Musée d’ethnographie. émission du 13 septembre 2006.
bravo jerome ducor ! la vigie qui ecoute tous les sons du monde , c est vraiment merveilleux ! c est exactement comme kannon guan yin ! si seulement les etres le savaient , ils ne seraient jamais decus. merci.