Photo Isabelle Meister, avril 2008, La Comédie.
Par Bertrand Tappolet.
Aux États-Unis, dans une ville du sud dominée par un politicien affairiste au pouvoir absolu, un jeune homme originaire de l’endroit, Chance, revient à la recherche de son premier amour, accompagné d’une star de cinéma vieillissante, Princesse, qui tente de fuir les critiques violentes qu’elle craint de recevoir après la sortie de son dernier film.
Le metteur en scène russo-italien et futur directeur du Théâtre populaire romand, Andrea Novicov, resserre la tragédie et le drame intime et social imaginé par Tennessee Williams autour d’un huis clos en chambre. Une pièce divisée en trois mouvements : la chambre, la ville et l’incendie. Le théâtre du dramaturge américain, ce sont avant tout ces hommes et ces femmes qui se désirent et se haïssent, parfois sans le savoir, toujours sans le vouloir.
Entretien avec Andrea Novicov
Duel
Entre la star décatie (Yvette Théraulaz) et son gigolo maître-chanteur (Frank Semelet), c’est l’affrontement, mais aussi une connivence certaine qui relient deux monstres à leurs rêves de gloire cinématographique s’effilochant ici, n’advenant jamais là. L’ex-légende hollywoodienne a ainsi pris la fuite, éperdue, lors de la première de son dernier film. Mais elle ne se résigne pas pour autant à une retraite oisive sur fond de palaces sans faire retour, par bouffées, à l’oxygène du grand écran et de sa surface. à€ la recherche d’un amour naufragé dans le passé, l’autre tente de retrouver sa jeunesse et de renouer les fils d’une reconnaissance publique qu’il n’a jamais connu. Il est question de pouvoir, de manipulation et, à ce jeu-là, Princesse Kosmonopolis, de son vrai nom Alexandra del Lago, se croit la plus forte : « Quand un monstre rencontre un autre monstre, l’un d’eux doit capituler et ça ne sera jamais moi », lâche-t-elle.
Images
Une image est ainsi souvent le point de départ d’une pièce comme dans « Doux oiseau de jeunesse » qui a le cinéma pour toile de fond. Le jeu dramatique consiste ici en des correspondances entre la narration et l’image scénique ; comme si Williams repris par Novicov procédait à la mise en drame d’un récit proprement romanesque, d’une projection de son imagination. Le metteur en scène y adjoint une véritable mise en abyme de la pièce en train de se faire cheminant par des styles de jeu différents (drame, tragédie, sitcom, influences cinéma de Kazan à Lynch) dénué de tout naturalisme façon Actor’s Studio.
Voulue fidèle au style cynique et pessimiste du dramaturge américain, la mise en scène s’essaye à restituer plusieurs registres de présence scénique alternant ou tuilant subtilement des séquences déjà filmées impressionnées sur un cyclo gris perle et optant souvent pour le très gros plan. A travers tous les personnages de cette longue chute des corps et des rêves, dans un mélange de réalisme et de rêve, dans le désastre ou la fantaisie, Williams mène une profonde exploration de la solitude, qui fut la constante de sa vie.
Bertrand Tappolet
Doux oiseau de jeunesse, de Tennessee Williams, mise en scène de Andrea Novicov. La Comédie, Genève. Du 8 au 27 avril 2008.