Davide Dormino, Installation, Bains des Pâquis, Genève. 26 juin 2021. Photo Jacques Magnol
Au nom de la liberté de la presse, médias et journalistes appellent à libérer Julian Assange.Invités par le Club suisse de la presse, des organisations de journalistes, d’éditeurs et des rédacteurs en chef de Suisse et de divers autres pays se sont réunis mercredi à Genève lors d’une conférence de presse pour lancer un “Appel à libérer Julian Assange au nom de la liberté de la presse”. Leur appel fait immédiatement suite à l’autorisation donnée vendredi 17 juin par la ministre de l’intérieur britannique Priti Patel d’extrader le fondateur de WikiLeaks. Les porteurs de l’Appel ont directement interpellé les autorités britanniques et américaines afin que le fondateur de WikiLeaks, soit immédiatement relâché et que les charges pesant contre lui soient abandonnées. La large coalition internationale de journalistes, de rédacteurs en chef et d’éditeurs de nombreux pays soutient Julian Assange, dont l’état de santé dans son combat, pour retrouver sa liberté et pour préserver la liberté de la presse.
Julian Assange a d‘ores et déjà annoncé faire recours contre la dernière décision. Le sort de Julian Assange revient aujourd’hui à nouveau dans les mains de la justice britannique, a-t-on rappelé au cours de la conférence de presse a une dernière occasion pour prouver son indépendance, son humanité, et son attachement aux valeurs de l’Etat de droit et de la liberté de la presse. Les autorités suisses qui ont affirmé avoir œuvré pour protéger Assange, sont appelées à faciliter sa libération en lui offrant un refuge le mettant à l’abri de toute nouvelle poursuite en Suisse ou ailleurs en collaboration avec d’autres gouvernements. La décision prise par le ministre de la justice ressert encore l’étau sur les droits humains élémentaires et sur une presse aux libertés rabotées.
En vertu de la loi américaine sur l’espionnage de 1917 (17 des 18 chefs d’inculpation s’y réfèrent), tombée en désuétude de longue date, l’Australien risque jusqu’ à 175 ans de prison. Une extradition puis condamnation de Julian Assange aurait pour conséquence d’interdire aux journalistes d’utiliser des “fuites” et de recourir à des documents dits “classifiés”, même si ces derniers contiennent des informations d’un intérêt public majeur. Les médias et journalistes présents à Genève ou par visioconférence y voient une entrave majeure pour faire leur métier et du même coup, une mise en danger du bon fonctionnement des démocraties (et à fortiori des autres régimes) seul garanti par la liberté d’investiguer et de publier.
Quinze représentants d’organisations de journalistes et d’éditeurs de six pays ainsi que 13 rédacteurs en chef suisses ont uni leur voix pour cet Appel. Les représentants d’Associations étrangères de journalistes (Australie, France, Allemagne, Espagne…) ont décrit la mobilisation et les exigences des journalistes dans leur pays et les entraves à la liberté de la presse.
Au-delà des répercussions graves du cas Assange pour la liberté d’investiguer, pour l’accès aux sources et la transparence du fonctionnement démocratique, des intervenants ont dénoncé des mesures qui fragilisent aussi la liberté de la presse en Suisse qui a est tombée de la 10e à la 14e place dans le dernier classement de la liberté de la presse de Reporters Sans Frontières. Ainsi, la Suisse a été mise en cause par la rapporteuse de l’ONU sur la liberté de la presse, Irene Khan, qui estime que la loi sur les banques qui punit la transmission ou la divulgation de données bancaires normalement non accessibles, induit une “criminalisation des journalistes”. Une loi que le parlement suisse doit impérativement revoir dans les plus brefs délais. Cette législation a empêché les médias suisses de participer à la recherche menée par des journalistes étrangers sur les fuites nommées “Suisses secrets”.
Autre exemple cité, une récente décision du parlement à Berne d’assouplir les dispositions pour interdire un article avant publication sans que le tort soit évalué sur le fond (mesures provisionnelles). Les menaces qui pèsent sur Julian Assange ainsi que les mesures du type précité renforcent la pression sur les journalistes qui risquent la prison pour le simple fait de révéler des informations vérifiées et dérangeantes. Des conditions qui poussent également à l’autocensure et vont à l’encontre de l’intérêt public.
Sur le plan humain, l’état de santé de Julian Assange, emprisonné à la prison de haute sécurité de Belmarsh depuis plus de trois ans, s’est sévèrement dégradé. Selon, Nils Melzer, rapporteur spécial de l’ONU sur la torture les conditions de la détention arbitraire de Julian Assange tombent sous le coup “de la torture psychologique ou de traitements cruels, inhumains et dégradants”. Avant son arrestation en 2019 à Londres, Julian Assange avait vécu sept ans reclus à l’ambassade d’Equateur à Londres dont il fut expulsé à la suite d’ un changement de gouvernement à Quito.
Pour rappel, l’Australien a créé WikiLeaks en 2006 et dès 2010 a rendu public, pour partie en collaboration avec des grands titres de presse, des centaines de milliers de documents classifiés révélant des scandales de corruption, d’espionnage et de violations des droits de l’homme. Il a notamment dévoilé une vidéo qui a choqué le monde entier montrant une attaque lancée depuis un hélicoptère américain contre des civils au sol dans les rues de Bagdad faisant plusieurs morts dont deux journalistes de Reuters. Aucune poursuite n’a jamais été engagée pour les manifestes crimes de guerre ou autres violations graves et flagrantes du droit international public et des droits humains révélés par WikiLeaks. Seul Assange est en prison depuis trois ans dans l’attente d’être jugé pour ses révélations embarrassantes. Julian Assange aura 51 ans le 3 juillet prochain.
Source: Club suisse de la presse
Installation, Bains des Pâquis, Genève. 26 juin 2021. Photo Jacques Magnol