Du bitume au grenier. © Julien K. 2010. (détail)
Une communauté engagée a réussi à créer et pérenniser un mode d’habitat différent dans le quartier de Saint-Gervais. Issus du mouvement squat des années 80, ces pionniers ont présenté progressivement des projets concrets à des interlocuteurs politiques genevois ouverts au dialogue tandis que d’autres régions suisses avaient choisi les modes de répression les plus violents. Les premiers contrats de préusage furent élaborés avant d’être suivis de baux associatifs. Retour sur l’expérience avec un important protagoniste…
Perçue au départ comme une assemblée de profiteurs, cette communauté a progressivement conquis les habitants des immeubles voisins gérés traditionnellement, Ces derniers disent aujourd’hui bravo et participent aux activités.
Vingt ans plus tard, le système facteur de sociabilisation a fait ses preuves et inspire de nouveaux projets (Ilôt 13, rue de l’Industrie) en cours de réalisation.
Entretien avec Roberto Broggini, député au Grand Conseil et habitant du Lissignol 8.
Propos recueillis par Jacques Magnol et Muriel Becerra, septembre 2010.
Première partie : [audio:https://www.geneveactive.ch/2010/09/r.broggini1.mp3]
Deuxième partie : [audio:https://www.geneveactive.ch/2010/09/r.broggini2.mp3]
Un débat sur le thème “Bail associatif, quel avenir à Genève?” se tiendra le mardi 21 septembre 2010 à 19h à la
Bibliothèque municipale de la Cité. Détails en bas de page.
Du bitume au grenier. © Aloys et ses assistant(e)s
Histoire récente
“Au début des années 90, un commando installe un espace de verdure de façon impromptue contre le trottoir du n° 10. Trois grosses poutres de bois délimitent un lopin de terre grand comme une place de parking. Bien évidemment. l’Autorité s’en émeut. surtout qu’une plante grimpante est tombée amoureuse d’un horodateur. Mais, une fois de plus, la Ville de Genève se heurte au règlement. de la Confédération cette fois, qui protège la variété de rhododendrons semée dans le jardin. L’affaire est alors renvoyée dans quelque coin sombre de l’administration, dont elle ne sortira jamais. Ainsi commence la mise au vert de la rue Lissignol. Les années suivantes verront l’installation d’une demi-douzaine de gros bacs à fleurs sur tout le parcours de la rue.
A la fin des années 90, le trottoir en face du 1/3 Lissignol ressemble à une décharge. Jour après jour s’y accumulent des vieux frigos, des matelas pourris, des ordinateurs et appareils électroménagers démodés; le vendredi soir, des camionnettes y ajoutent encore leurs déchets de chantier, le tout étant copieusement arrosé par les fêtards du Madone Bar, la salle de concert sauvage sise à la même adresse. Un jour, n’y tenant plus, un commando s’en va dévisser un banc public dans un quartier voisin, puis reboulonne le meuble sur le bitume souillé. La stratégie n’étant pas suffisamment dissuasive, une nouvelle expédition ramène un deuxième banc, auquel s’ajoute un contrefort de tuyaux en ciment remplis de terre. Cette fois, la décharge disparaît. La voirie finit même par avaliser l’installation en venant un jour – et de façon intempestive – y fixer deux poubelles.
La bataille des relations humaines – ou plutôt de leur absence.
Lorsque les jeunes squatters débarquent à Lissignol, la rue fonctionne selon le modèle habituel du chacun chez soi. Pour casser la glace, les nouveaux résidents lancent la Fête à Théo, un rassemblement de voisins printanier. Chacun y apporte de quoi manger, de quoi boire, de quoi danser et s’amuser. On y invente une foule de jeux inédits, une course de poissons rouees, un concours d’arrosage de plantes vertes en rotation sur un tourne-disque, un train fantôme dont la seule description (cf. les souvenirs plus loin) donne encore des frissons. La journée commence traditionnellement par un bal musette et finit sur des rifts de punk à tendance trash. De plus en plus fréquentée par le Tout Genève alternatif, débordée par son succès, la Fête à Théo échappe tinalement à ses organisateurs, qui la mettent en veilleuse au début des années 2000. Mais, pendant une dizaine d’années, cette kermesse lissignolaise a joué son rôle.
Les habitants d’avant 1990 ne voyaient pas forcément d’un très bon à“il ces jeunes squatters débarqués en masse. La Fête à Théo a rapproché les deux familles de riverains, tissé de nouveaux liens entre habitants et commerçants. D’autres réunions en plein air s’y sont ajoutées, spontanées ou programmées. Dès les beaux jours, un apéro s’organise quotidiennement dans la cour, parfois suivi d’un repas auquel chacun peut Se joindre. Dès son ouverture, le Phare”, estampillé LGBT friendly, apporte un lot de vie et de rencontres supplémentaires. Sans parler du Madone Bar, ouvert de 1997 à 2004.
Au moment d’aborder sa troisième décennie, la nouvelle Lissignol peut se vanter d’avoir déjà beaucoup accompli. Les instigateurs de ce renouveau ne se reposent pourtant pas sur leurs lauriers. Au no 8, l’association du Conseil-Général travaille avec la Ville de Genève sur une nouvelle mouture du bail associatif. Les habitants du 1/3 songent aussi à changer le statut de leur gestion. Et en attendant que la Fête à Théo reprenne du poil de la bête, Lissignol lance le Bazar de Saint-Gervais, micro festival de musique, arts plastiques, art éditorial, perlos et installations à tous les étages. A l’évidence, l’aventure ne fait encore que commencer.”
Voir l’ouvrage : Du bitume au grenier. 2010. Editions Lissignol. Lissi b.d. lissibede@yahoo.fr
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Bail associatif, quel avenir à Genève? Débat : Mardi 21 septembre 2010 à 19h.
Bibliothèque municipale de la Cité
du bitume au grenier
histoire d’une rue singulière à Genève
Sorti en juillet 2010, ce livre est le fruit de la collaboration des habitants de la rue Lissignol et des dessinateurs-trices ayant participé à cette édition.
L’ouvraqe pérennise 20 ans d’habitats collectifs, et d’investissement dans l’urbanisation et la vie de cette rue singulière. Un tissu social très fort s’y est développé au fil des ans.
Autour de cette présentation, sera proposée une rencontre autour du thème: Bail associatif, quel avenir à Genève?
Avec Luca Pattaroni, sociologue, Guillaume Kaeser, viceprésident de la CODHA et CIGUE,
Roberto Broggini, député et habitant de la rue Lissignol,
Maria Watzlawick, participante au projet et habitante de la rue Lissignol,
Sandrine Salerno, maire de Genève, accompagnée de son adjointe, Valentina Wenger, de Valérie Garbani (juriste) et de Marozia Carmona-Fisher (responsable de l’Unité sociale à la Gérance Immobilière municipale),
Claude Haegi, président de la FEDRE
Modérateur: Jacques Magnol, journaliste, fondateur de GenèveActive.ch
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