^Hodler^, LiveInYourHead

Karin Deluz et Damien Juillard, Les assouplis, 2018. Acrylique, peinture aérosol, tapis de yoga. Photos : Jacques Magnol.

Hodler est mort il y a 100 ans. En marge des hommages muséaux, la Head-Genève a invité des étudiants de Bachelor en arts visuels à faire avec Hodler. Ni pastiches, ni exercices d’admiration, parfois un brin ironiques, les choix de ces artistes en formation disent notre époque et leurs préoccupations.

Le paysage est là, classique sur toile, accroché au mur mais aussi plus fragmentaire, reprises de détails peints sur des tapis de yogas disposés au sol. Des nuages descendent du plafond en casques qui diffusent écrits d’Hodler et lettres d’intimes mêlant vie et oeuvre.

Plus énigmatique, un distributeur donne pour un franc de petites terres cuites émaillées de blanc. Ces fragiles objets dérivés, montagnes, figurines de danseuses ou roses qu’Hodler aimait autant que les femmes, se brisent souvent dans leur chute et n’arrivent pas toutes entières dans les mains des acquéreurs.

Un franc c’est la somme que de nombreux Genevois curieux ont donné juste pour voir « La nuit ». Ce n’était alors pas tout à fait rien et le pécule permit au peintre de montrer à Paris l’œuvre censurée à Genève qui fût alors saluée par le célèbre Puvis de Chavannes. Hodler n’a jamais fait de sculptures et celles vendues en 2015 par un véreux galeriste Vaudois étaient des faux.

De g à d. : Sophie Crous, Henry Drake, Pablo Rezzonico Bongcam, À pas feutrés, 2018. Céramique émaillée, dispositif sonore. Yann Biscaut, La ripisylve, 2018. Gouache, acrylique, terre, miroir.

De « La nuit » est encore extraite une grande figure noire, celle qui dans le tableau chevauche l’artiste. Cette belle ombre en terre vernissée diffuse souffles orgasmiques coupés de rires sardoniques et derniers soupirs, petite musique de nuit, Éros et Thanatos, grande et petite mort.

Une vidéo montre une marionnette à fil, effigie de Valentine manipulée dans un décor Hodlerien projeté sur fond de miroir. Dans une autre, tournée au musée de Berne, une jeune femme prend des poses un rien provocante à demi vulgaires devant « Die Heilige Stunde » (l’heure sainte). Sur « Remove mental blokages subconscious negativity dissolve negative patterns », musique de relaxation, une voix monocorde détendue énonce des considérations sur les femmes. Ces phrases reprises de Jay-Z, Kanye West ou Bouba, mais aussi de l’histoire de la peinture de Charles Blanc ou de propos d’historiens d’art sur les muses, s’inscrivent simultanément à l’écran en d’insistants sous-titres.

Maria Fernandez Ordoñez, Aquién no le gusta ballar con Marieta ?, 2018, Vidéo HD en boucle. (détail).

Maitresses, égéries ou modèles, les femmes très présentes dans la vie et l’œuvre de Hodler autant que dans l’actualité post « me-too » questionnent ici les relations de genres, celles de la peinture et de la partition hommes-femmes. Aucun héro ne ressort vainqueur de cette relecture contemporaine. Ni le bucheron des billets de banques, ni Guillaume Tell figure tutélaire de la nation, ni les plus anonymes hallebardiers ne sont de la revue.

Ainsi rien ne transparait du très officiel peintre d’histoire et tout ce qui fît de Hodler le premier grand peintre Suisse.

Jeux de miroir et jeux d’écho rejouent le parallélisme dont Hodler à beaucoup parlé. Panthéisme, associations des contraires rendant compte de l’harmonie et de la globalité de l’univers, intrigantes mises en scène de nus dans la nature, « Dialogue intime avec la Nature » – 1884, Regard dans l’infini III, 1903-1904 et toiles plus ésotériques trouvent en sourdine une résonance amusée dans les tapis de yoga et dans les musiques de relaxation et les bancs rembourrés de moelleuses étoffes blanches où le regardeur pose ses fesses pour voir celle d’une poseuse.

Claude-Hubert Tatot

 

HEAD, Bâtiment Général-Dufour
Espace d’exposition | Cinéma Salle Robert Kramer
Rue de Hesse 5, 1204 Genève
Du mercredi au samedi, 14h – 19h
Jusqu’au samedi 22 décembre 2018

Etudiants : Robin Belluard, Anaïs Bouvet, Lynn Briggs, Lucie Cellier, Sophie Conus, Karine Deluz, Araya De Rossi, Henry Drake, Simone Nicola Filippo, Alexander Fritz, Annabelle Galland, Damien, Juillard, Danaé Meynet, Maria Fernanda Ordoñez, Pablo Rezzonico

Enseignants : Chloé Delarue, Vidya Gastaldon, Didier Rittener, Niels Trannois, Claude-Hubert Tatot.

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Publié dans art contemporain, arts, expositions