Dans le cadre des Rencontres théâtrales 2012/13, qui se tiendront de septembre 2012 à mars 2013, le conseiller administratif de la Ville de Genève en charge de la culture et du sport revient sur les premiers échanges entre les acteurs culturels sur les pages de ces rencontres.
“Tout d’abord je me réjouis des contributions nombreuses déjà apportées sur le site des Rencontres théâtrales. Cet échange, dont j’espère qu’il s’intensifie et s’élargisse ces prochaines semaines, est un apport stimulant en prévision des soirées prévues dès le mois de septembre prochain.
L’ouverture du site, 3 mois avant la première soirée, a pour objectif de susciter remarques, commentaires, suggestions, et d’alimenter ainsi la préparation de ces soirées. Si des thématiques générales ont déjà été identifiées, le format exact de chaque soirée (questions abordées, intervenant-e-s, etc.) laisse encore une marge de manœuvre pour tenir compte des débat sur le site. Les interventions de personnalités du domaine théâtral laisseront également une large place au débat avec la salle et pourquoi ne pas imaginer ensuite une plateforme d’échange au-delà des Rencontres ?
Plusieurs interventions ont soulevé la question de la place de la danse ou des arts de la scène dans les Rencontres théâtrales. Je comprends très bien le souci des milieux de la danse d’être également pris en compte. Il n’y a pas de doute sur le fait que les frontières entre arts de la scène sont (heureusement !) de plus en plus perméables. Mais dans ce cas il faut bien prendre en compte tous les arts de la scène, avec leur prolongement vers les arts performatifs, le conte, voire les arts musicaux. Placer d’emblée les Rencontres sous un angle aussi large risquerait de diluer le débat. Je rappelle que nous nous engageons en ce moment avec beaucoup d’énergie pour que la danse à Genève dispose enfin d’une scène reconnue, à la mesure de la richesse et la diversité de ses talents, à savoir le Pavillon de la Danse, dont le crédit d’étude a été voté à une très large majorité par le parlement municipal. Cette scène pour la danse viendra renforcer la politique de la Ville dans le domaine de la danse, les conventions, les salles de répétition et le soutien à la création. Par ailleurs, la Ville est en train de rénover l’Alhambra afin qu’elle devienne une véritable salle pour les musiques.
Il faut également rappeler que depuis quelques années, la plupart des scènes genevoises ont ouvert leurs saisons à la danse, à la musique et aux arts performatifs. La nouvelle Comédie comportera deux salles complémentaires et indépendantes, dont une dans un espace totalement modulable, ce qui offrira de belles opportunités de productions interdisciplinaires, et fera de la Nouvelle Comédie, un pôle majeur des arts de la scène à Genève. L’articulation entre le théâtre et les autres arts de la scène sera un élément de discussion du cahier des charges de cette future institution. Une des soirées des Rencontres théâtrales sera consacrée à cette question. Nous aurons certainement le plaisir d’échanger sur ces questions à cette occasion.”
Sami Kanaan, Conseiller administratif de la Ville de Genève
La question se pose en effet de manière aigue désormais et donnera visage à la vie culturelle des générations à venir : quels sont les critères et comment se donne t-on la peine de les mettre en place et en mouvement. Actuellement les compagnies indépendantes qui proposent des projets dont le volet pédagogique est concéquent, si elles ne sont pas adoubées, se voient écartées avec une condescendante politesse, au profit de compagnies ayant pignon sur rue. Or ces dernières, occupées à tourner, n’ont souvent pas le temps de proposer beaucoup plus qu’un certain nombre de « scolaires » ce qui est un peu court en matière de pédagogie. Le refus du DIP, entraîne le plus souvent le refus de la Ville qui estime ne pas avoir à « y aller à la place du canton »(sic). Décourager ainsi les forces vives, investies dans un travail de fond et de terrain est absurde.
En resterons-nous d’ailleurs, dans nos domaines humanistes, à ces lois Darwinienne : le plus fort reste et perce, l’autre décline et au mieux se recycle. Certes, ceux qui en veulent prouvent leur attachement à la matière qu’ils travaillent, ainsi que leur besoin d’exister, mais qu’en est-il de ceux qui ne parviennent pas à se battre avec autant de pugnacité, qui déploient cependant un univers rare, fragile peut-être et qui racontent justement que la vie n’est pas uniquement cette lutte du faible contre le fort. Comment inventer un système qui sorte des critères de rentabilité et de notoriété ?
Nous en sommes loin encore, car les membres des commissions n’ont, pour la plupart, pas le temps de se déplacer et vont voir d’abord ce qui doit être vu.
Mais cette question se pose également à notre milieu lui-même. Très vite des familles se forment et se conglomèrent autour d’un lieu de théâtre indépendant, celui-ci devient alors bien vite inaccessible pour celui ou celle qui n’appartiendrait pas à l’une de ces tribus. C’est vrai pour Le Loup, qui ne répond plus aux sollicitations, vrai pour le Galpon également, qui lui répond et très poliment que nous sommes trop nombreux à les solliciter, c’est vrai pour Mottatom aussi, nous faisons plus facilement de la place à ceux que nous connaissons, parfois jusqu’à l’absurde (je parle notamment de l’épisode concernant Gilles Jobin et le fait que la notoriété elle-même peut parfois faire peur.) Ainsi, même lorsque nos critères sont à l’inverse de ceux du marché, ils ne sont pas pour cela nécessairement plus pertinents. Comment interroger, ouvrir, inventer de nouveaux processus afin d’éviter que les cases ne se referment sur-elle-mêmes, invariablement ?
Nous ne sommes plus à l’époque merveilleuse et courageuse où des lieux se sont créés, avec panache parfois, nous sommes dans l’ère de la rationalisation et ce mot devrait nous faire peur si nous n’inventons pas de nouvelles manières de penser nous-même le mouvement. Je parle du mouvement intérieur et de sa vigilance, celui qui pour chaque créateur, peu importe où il se situe dans l’échelle de la reconnaissance, permet de creuser, d’avancer, d’être là.
Et cette question se pose à la fois dans notre dialogue avec les institutions mais aussi dans celui que nous devons avoir au sein même de notre milieu et de nos lieux de création. Peut-être que l’occasion est belle ?