Utopiana engage un projet artistique de décontamination du Commun

Ateliers de mycologie radicale, avec Peter McCoy. Photo USA.

L’échafaudage passionnant érigé par Utopiana au Bâtiment d’art contemporain (BAC) se présente comme une “biosphère relationnelle” qui tente de tisser des trames entre les sciences humaines et les arts, d’une part, et les sciences naturelles et techniques de l’autre, au gré de nombreux ateliers et conférences.

“Plastes”, Cultivés dans des photo-bioréacteurs, des micro-organismes purifient l’air au fur et à mesure de leur croissance. Valentin Kunik et Guillaume de Morsier, Kunik de Morsier architectes. 21 février au 11 mars.

Le BAC, appelé à devenir le phare culturel de la rue des Bains, est imprégné de dangereux polluants, métaux lourds, hydrocarbures, amiante et autres témoins persistants du passé industriel de l’édifice dédié à l’art contemporain depuis 1989. Une étude réalisée en 2006 a montré que « Ce type de pollution est sans danger tant qu’aucune intervention n’est effectuée sur le sol. »

Si la Ville, forte de constat, a repoussé les travaux de décontamination aux calendes grecques, la situation a suscité l’intérêt de l’artiste Anna Barseghian, co-créatrice de l’association Utopiana, pour les questions de pollution et les méthodes alternatives de décontamination. Ainsi est né le projet La Sémiosphère du Commun, érigé à partir de la spécificité de l’histoire du lieu d’exposition, comme une invitation à prendre en charge la dépollution des espaces publics de manière démocratique, dans un geste artistique interventionniste en relation avec les autres formes de vie, en particulier les champignons. Depuis le 11 février La Sémiosphère du Commun partage avec le public des réflexions et des pratiques qui échafaudent une biosphère relationnelle et commune au fil de workshops ouverts à tous. Ce projet tenterait-il d’allier arts et sciences ? Anna Barseghian préfère parler d’explorer avec une vision artistique des territoires que travaillent les scientifiques, tout en se gardant d’une limitation à une culture unique. « Il nous faut sortir d’une certaine approche convenue des deux domaines, il y a une terra incognita faite de territoires non domestiqués entre les formes artistiques et les disciplines scientifiques, et ce sont ces espaces qui se mêlent qui font l’objet des expérimentations menées avec les artistes en résidence à Utopiana. Le projet en cours de développement au Commun est conçu comme un échafaudage, nous créons des escaliers entre, par exemple, des architectes à la recherche d’une autre matière et des artistes qui considèrent l’écologie selon des angles différents : social, spirituel, voire psychique. Nous construisons un échafaudage entre toutes ces écologies.»

Atelier 1/Garden Fungi, avec Peter McCoy, le 11 février à Utopiana : Apprendre à installer un potager comestible de champignons dans votre propre jardin ou appartement. Photo USA.

Pratiquement, les actions de remédiation grâce aux champignons et au phytomining se déroulent lors d’ateliers de réflexion dans l’espace du Commun. Ainsi, Echafauder le Commun, 18 février au 11 mars, consistera en une « simulation d’une possible décontamination des plots en bois du sol du Commun qui peuvent disparaître en laissant dans les trames tissées par le mycélium une mémoire lourde d’un passé hanté par le progrès ». Ce projet d’Anna Barseghian a été mis en place en collaboration avec Geoffroy Grignon, Peter McCoy et Marion Neumann. Un autre atelier, Chaos Fungorum, 18 février au 11 mars, étudiera la possibilité d’atténuer la nocivité de nos mégots, qui sont l’une des formes les plus courantes de pollution dans le monde. On apprendra dans cet atelier de Marion Neumann que la pleurote est capable de briser et de recycler les filtres de cigarettes en deux mois alors qu’il faut vingt ans pour que la nature puisse les faire disparaître. Guérir un bâtiment entier avec cinq petits morceaux de bois, est-ce possible ? Clarissa Alcantara et Ive Luna tenteront de mettre en mouvement un processus de guérison, du 21 février au 11 mars. Emanuela Ascari montrera ses « paysages chromatographiques » qui sont des expressions visibles de la qualité et de la vitalité des sols. Ces exemples ne représentent qu’une partie des projets déployés  au premier étage du Commun.

D’ateliers de mycologie radicale et de réflexion, et de conférences en exposition, ce sont de multiples expériences de démocratisation – sensibilisation à la manière de travailler avec la mycologie qui visent à favoriser une appropriation par le public et le conduire à acquérir une certaine autonomie.

La Sémiosphère du Commun
« Le Commun ».
Bâtiment d’art contemporain (BAC). 34 rue des Bains, Genève.
Du 11 février au 11 mars. Vernissage le 21 février à 18h, suivi d’un concert d’ouverture à 19h. Programme sur le site.

L’association Utopiana a été fondée en 2001 par Anna Barseghian et Stefan Kristensen. Elle a organisé des projets et mis en place une structure en 2003 en Arménie. Depuis 2010, l’association occupe une maison mise à disposition par la Ville de Genève dans laquelle elle développe ses activités et accueille des artistes en résidence.

Le Commun est un espace de liberté, sans direction artistique, accessible à une diversité de propositions et permettant une visibilité. Ces espaces accueillent des pratiques artistiques émergentes et novatrices et des projets d’espaces indépendants.

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