Un thé « biscuit », Laura Thiong-Toye à la Salle Crosnier

Laura Thiong-Toye, “Jaqueline Marie Paule”, triptyque, 2023. 3 formats 180 x 115 cm. Photos Jacques Magnol.

Le Bouquet

Claude-Hubert Tatot, 10 mai 2023.

Laura Thiong-Toye donne vie à de grandes natures mortes, essentiellement des vases avec des fleurs ou des plantes. C’est un sujet choisi qui s’inscrit dans l’histoire de la peinture et qui en associe deux tropismes, l’un décoratif, l’autre symbolique. Laura Thiong-Toye lui ajoute encore, frises décoratives en damier ou en pois, ondulations de lignes, faux jaspe et animaux fantastiques et naïfs qu’elle décline et fait tenir ensemble. Tableaux dans le tableau, de petits paysages en camaïeu se développent dans des formes de nuages et décorent la panse de ses vases. Comme dans les marges des enluminures d’étranges scénettes renvoient aux peintures médiévales ou naïves.

Laura Thiong-Toye, “Après la pluie”, 2021; “Le bruit du vent”, 2022; “Le promeneur fatigué”, 2021. Salle Crosnier.

En virtuose, elle assemble en grand, réalisant même des triptyques, met en lien et unifie le disparate sans en effacer les singularités, développe une multitude de détails tout en gardant l’harmonie générale. Luxuriantes et généreuses chaque partie est aussi crédible pour l’œil que le tout.
Cette peinture de décalque de rêves s’adosse à différents registres savant et populaire, profane et sacré et mêle les genres et en premier lieu ceux de la peinture.

Laura Thiong-Toye, “NB1 – NB10,” 2022, (détail). Encre de chine et stylo. Photo : C.-H. Tatot.

A la salle Crosnier, Laura Thiong-Toye redouble l’effet d’incrustation en tapissant le vestibule et la petite salle d’un papier peint réalisé avec ses motifs. Trois des étranges bestioles qui décorent un de ses pots se retrouvent pris dans un jeu de losanges et de rayures en dégradés. De grandes palmes aux bords rouges sur fond bleu sortent d’une des toiles pour couvrir un mur ou sont accrochés des dessins.
L’abondance des motifs, la puissance des couleurs donnent un effet de wax, les fleurs et les plantes aux tiges déliées renvoient au japonisme, la tulipe rouge et blanche est plus hollandaise, le papier peint est un rappel aussi bien à Morris que Armleder et nombre de ses contemporains. Des bougies aussi molles que les montres de Dali sont surréalisantes. Des étoiles et des encadrements en vichy orangé redoublé de bandes colorées font penser aux cartes divinatoires. Certains morceaux sont aussi comme pixélisés. Ces grandes compositions construites sans esquisses ni copie directe de modèle sont nourries de références et d’images de mémoire mixées et samplées. Ces références sont fondues, comme créolisées au profit d’un vocabulaire plastique joyeux et singulier.

Toute cette magie semblerait tenir par la puissance de la couleur si des petits dessins en noir et blanc, à l’encre de chine n’étaient pas tout aussi somptueux et vivants que les grandes natures mortes colorées.

Claude-Hubert Tatot

Laura Thiong-Toye, Un thé « biscuit »
Du 5 mai au 3 juin 2023.
Salle Crosnier,
Genève.
Mardi–Vendredi 15:00 –19:00 et Samedi 14:00 –18:00

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Publié dans art contemporain, arts, expositions