Andrea Bellini présente les films socio-politiques de Seemab Gul au Centre d’art contemporain.
Seemab Gul n’accuse ni ne défend, la charge subversive de ses films est justement dans la mesure dont elle fait preuve pour tester les capacités de l’engagement politique artistique. A l’heure où la narration reste peu prisée dans les écoles d’art, la cinéaste use d’une technique narrative subtile qui se révèle être une stratégie particulièrement efficace pour retenir l’attention dans un environnement saturé de sollicitations multiples et rappeler la puissance politique de l’art.
Passionnée par l’image en mouvement, Seemab Gul a choisi le cinéma, art narratif par excellence, pour illustrer les tensions socio-politiques contemporaines. Ainsi One day in Whitechapel (2015, 3 min.) montre une jeune asiatique harcelée de propos racistes par un groupe de jeunes hommes. Peu après, elle se retrouve par hasard face à un de ses tourmenteurs qui vient d’être blessé dans une rixe. Une prise de conscience et une forme de compassion se développent alors. Towards a Militant Conceptualism (2013, 13 min) est un court-métrage hybride, proche du documentaire, traitant de la capacité politique de l’art dans le monde contemporain. Metaphysiques (2015, 3 min.) évoque la performance lors d’un combat dans la boue où les protagonistes nous renvoient aux notions préconçues de féminité, de pouvoir, de force ou encore d’érotisme héroïque.
Seemab Gul. Metaphysiques. Film d’art en couleurs, 3 min, 2015.
Originaire du Pakistan, la famille Gul a d’abord émigré aux Etats-Unis, lorsque Seemab avait huit ans, avant de revenir au pays. Après une brève période durant laquelle elle a été confrontée aux coutumes locales qui laissent peu d’espace de liberté à la femme, elle a alors fui sa famille pour échapper à un mariage arrangé. Seemab Gul s’est finalement établie en Grande-Bretagne pour y mener « la vie qu’elle désirait choisir par elle-même » comme elle l’a indiqué lors de sa présentation au Centre d’art contemporains le 1er décembre et développé dans Price of Freedom (2013). Désormais, sa soeur Mina est la seule personne de sa famille avec laquelle elle est restée en contact. La cinéaste est une activiste politique engagée sur les fronts social et anti-guerre. Ses travaux multi-média traitent des thèmes de la migration, l’identité, la culture et la politique.
Ses films en 16mm et ses vidéos ont été projetés et exposés lors d’évènements collatéraux de la 55e Biennale de Venise, au festival de film d’Oberhausen et dans diverses galeries et festivals internationaux.
Bande annonce de One day in Whitechapel. Seemab Gul.
La présentation des films de Seemab Gul revêt une importance particulière par ses tentatives de rappeler l’importance de l’art à une époque où, remarque Giorgio Agamben, « Ceux qui s’engagent activement contre la façon (en tout point de vue discutable) dont les problèmes économiques et sociaux sont gérés sont considérés comme des terroristes potentiels ». L’art reste l’ultime champ d’expression possible défendait l’activiste égyptien connu sous le pseudonyme de Ganzeer : « Si vous avez déjà rencontré un artiste, vous devriez savoir que ceux-ci s’estiment seulement responsables vis à vis de leur conscience. Au contraire des journalistes qui peuvent craindre de perdre leur emploi, ou des ONGs qui peuvent redouter d’être fermées, ou des partis politiques qui peuvent voir leur activité interdite, moi je ne crains que de produire de l’art qui serait sans importance. »
Seemab Gul
Trois courts-métrages socio-politiques.
Cinéma Dynamo.
Centre d’art contemporain. Genève.
Projection en boucle du 2 décembre 2015 au 28 janvier 2016.
Site de Seemab Gul : http://www.seemabgul.co.uk/