Sami Kanaan: Diffuser, exporter, rayonner ? Coopérer !

La 7ème Rencontre théâtrale sur le thème de la diffusion du théâtre romand aura lieu mercredi 27 février à la Manufacture, Haute école de théâtre de Suisse romande. Nous serons accueillis par la Ville de Lausanne avec qui plusieurs projets de coopération culturelle sont en cours. De nombreux et nombreuses intervenant-e-s sont attendu-e-s pour une thématique qui recouvre une réalité complexe et difficile.

La diffusion du travail des artistes de la région doit être soutenue. Tout le monde s’accorde à le dire. Et cette diffusion peut répondre à divers enjeux. Comme celui du rayonnement des artistes suisses romands sur le plan national et international. Toutefois la diffusion ne doit pas être réduite à une simple action de communication visant à renforcer l’attractivité de la Suisse à l’étranger. Il ne s’agit pas uniquement de soutenir l’exportation mais bien de soutenir l’accès à la culture et les rencontres artistiques.

La ligne budgétaire du Département de la culture et du sport de la Ville de Genève affectée à ces soutiens se nomme « soutien aux échanges et aux tournées » soulignant ainsi la volonté de la Ville d’être sensible à la dimension interactive de la diffusion.

Lorsque les artistes d’ici vont travailler ailleurs, ils évoluent, échangent, partagent, reviennent avec d’autres artistes qui à leur tour enrichissent notre vie artistique. C’est pour ces raisons que nous soutenons des tournées également dans des pays ou des régions qui ont peu de moyens pour accueillir des artistes ou dans des lieux ayant des budgets parfois modestes.

La diffusion ne concerne pas que les tournées à l’étranger ou dans des lieux prestigieux. Elle couvre également l’important enjeu de la décentralisation de l’offre culturelle. La décentralisation doit redevenir un objectif particulier des politiques publiques. Le développement des institutions culturelles dans les villes centres et la multiplication des lieux artistiques ne suffisent pas à résoudre les inégalités en matière d’accès à la culture. Il faut encourager les projets qui sortent des institutions et vont à la rencontre de la population dans les quartiers, dans les communes, dans les régions sous-équipées en infrastructures. La Corodis, outil précieux des collectivités publiques et des acteurs culturels, doit prendre en compte, non seulement la nécessité de diffuser les créations dans les lieux phares mais également favoriser l’accès à ces œuvres pour le plus grand nombre.

Nous avons également un effort particulier à faire au niveau national. Les artistes restent trop souvent cantonnés dans leur région linguistique. A un moment où les régions menacent de ne plus favoriser l’apprentissage des langues nationales les collectivités publiques ont un rôle à jouer pour affirmer une volonté d’échanges et de partenariats. Favoriser les traductions, les sur-titrages, les projets communs permettraient aux artistes de travailler sur l’ensemble du territoire.

Le soutien à la diffusion et à l’échange doit également être renforcé dans le cadre de notre région valdo-franco-genevoise. La coopération culturelle favorise la construction de nouveaux territoires citoyens. Les expériences menées dans le cadre du Comité Régional Franco Genevois (CRFG) le montrent, les artistes et leurs publics sont d’excellents ambassadeurs du « vivre ensemble ». A Genève les villes et les communes motivées par le développement d’une politique culturelle et regroupées au sein du Groupe de concertation culturelle inviteront cette année les mairies françaises de l’Agglomération à échanger sur des projets transfrontaliers. Le festival Antigel nous démontre chaque année en janvier que l’expérience artistique partagée nous enrichit toutes et tous.

Dans un monde où la crise financière a déclenché une grave crise économique, la tendance peut être au repli et à l’austérité. Nous savons que les tournées des artistes sont touchées de plein fouet par les restrictions budgétaires. Les cachets suisses sont chers pour le reste du monde. Les co-productions sont en baisse, les créations suisses font face à une rude concurrence et aux politiques volontaristes de nos voisins européens en matière culturelle.

En Suisse romande, le soutien de Pro Helvetia, le développement de la Corodis, des initiatives comme les Journées du théâtre suisse contemporain et celles consacrées à la danse ainsi que les multiples mesures des villes, des communes et des cantons sont essentielles pour soutenir la diffusion des œuvres, leur accès pour le public et la durée de vie des créations.

La diffusion est l’affaire de tous les partenaires du « dialogue culturel » voulu par la Confédération. Les conventions de soutien conjoint en sont une concrétisation possible. La Corodis propose de nouvelles pistes concernant le soutien, par exemple, à des structures de diffusion. Les cantons ont récemment développé le projet Label+ théatre romand. Pro Helvetia, en partenariat avec des théâtres, initie un nouveau projet avec le Festival d’Avignon. Le Groupe de concertation culturelle des communes genevoises favorise des projets qui sont diffusés dans plusieurs communes.

La coopération est la meilleure réponse à la crise et la plus belle façon de permettre à la création et au travail artistique de rencontrer le public d’ici et d’ailleurs.

Je vous remercie de votre intérêt pour les débats proposés par les Rencontres théâtrales et vous retrouve mercredi à la Manufacture ou sur le Site de Genèveactive pour continuer la discussion.

Sami Kanaan

Voir le programme de la septième rencontre: Rayonnement du théâtre romand, ainsi que les commentaires, et participez au débat.

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