Après Mai 68, peut-on s’engager politiquement seulement un peu ?

simonsgg_605
©Mathilde Chamoux

« Tout ce qui est raisonnable m’est désagréable » résume Judith face à Simon soixante-huitard attardé dont le temps a bien calmé les aspirations révolutionnaires. Il a fort à faire avec ces trois jeunes femmes trentenaires – Judith Davis, Mélanie Bestel, Claire Dumas) qui alternent entre groupies du personnage engagé, franches rebelles ou bien calées dans le système.

Le collectif L’Avantage du doute s’est constitué suite à l’attirance commune développée par les futurs partenaires pour la manière de jouer du collectif tg Stan dont ils sont suivi les stages en 2003 et en 2005. De la géniale troupe d’Anvers ils ont gardé cette capacité à teindre d’humour leurs réflexions sur les comportements sociaux dans une pratique théâtrale qui établit une proximité avec le public sans jamais l’indisposer. Les rires qui fusent de l’assistance montrent que la distance est abolie dès le début de la représentation et que les observations sont non seulement pertinentes mais amplement partagées.

simonsgg_605
©Mathilde Chamoux

C’est Judith Davis qui nous résume le point de départ d’une aventure dont la gestation se déroule lors de deux ans de travail : « Nous sommes toutes issues de milieux différents et nous nous sommes rendus compte que nous ne pouvions adresser un message identique. Chacune est alors partie d’elle-même pour écrire son texte, partir du singulier pour parler aux autres et toucher tout le monde. Dans le collectif il n’y a pas de nous mais des identités et le théâtre qui est par essence le lieu du désaccord est le cadre pour l’exprimer. »

Si « Tout ce qui nous reste de la révolution, c’est Simon », il n’en reste pas grand-chose et la pièce interroge plus notre époque que l’héritage de Mai 68. Quel impact a laissé ce mouvement culturel qui aurait aimé être comparé à la Révolution française ? Et qui s’en soucie près de cinquante ans après ?
A priori le sujet semble appartenir à l’histoire, et une rapide consultation de quelques jeunes artistes trentenaires effectuée avant la représentation le confirme. Blessés par la découverte que le changement ne s’instaure pas si facilement quelle que soit la validité des revendications, les héritiers de 68 partagent plus d’une des questions lancées par le Collectif : « Est-ce qu’on peut s’engager un peu ? » Les problèmes de logement et le travail précaire ont eu raison des utopies. D’autres, rencontrés à l’issue de la représentation, avouaient avoir eu la même hésitation, mais séduits par la justesse du jeu et la vivacité des dialogues présentés sous la forme de l’improvisation repartaient avec l’intention d’y convier leurs amis.
L’Avantage du doute est parti dans le monde questionner l’engagement et en a fait du théâtre aussi profond que drôle.

Tout ce qui nous reste de la révolution, c’est Simon
Collectif L’avantage du doute
Théâtre St-Gervais
24 au 29 mars

Tagués avec : ,
Publié dans théâtre