Rémy Pagani tente de prévenir la mort du centre-ville

vitrine de café

En 2007, l’Etat de Genève a liquidé le Cristallina, dernier café de la rue du Rhône. Photo J.M.

Le 3 avril, Rémy Pagani, chargé de l’aménagement et des constructions à  la Ville de Genève, a présenté un Plan d’utilisation des sols (PUS) en cours d’adoption au Conseil municipal. L’enjeu est d’enrayer la désertification de l’hyper-centre.

« Il n’y a plus d’artisan boulanger sur les Champs Elysées » titrait le quotidien Le Monde en septembre 2003. En 2011, le bureau de poste de l’avenue la plus chère du monde a aussi fermé ses portes, laissant ses 500 clients quotidiens victimes de la spéculation immobilière, le loyer devait être multiplié par cinq. Genève suit le mouvement avec application, cherchez une boulangerie, un commerce de proximité, un bistrot qui ne soit pas un lounge prétentieux, ou même un cinéma. Le Radar, La Crémière, le Cristallina, le cinéma Hollywood, tous ont disparu et la ville n’est qu’une enfilade de boutiques franchisées et de commerces de luxe.

Un café ne pourra être remplacé que par un autre

Le projet d’arrêté (PA-78A) du Municipal étend la portée du PUS. L’alinéa 3 du nouvel article 9 définit pour la première fois les activités considérées comme indispensables. Cela concerne en particulier les magasins d’alimentation, les cafés et restaurants, et les salles à  vocation culturelle ou festive. Selon les alinéas 6 et 7, tout changement d’affectation devra faire l’objet dune autorisation de construire. Pour rappel, le PUS appliqué depuis 2009 se borne à  exiger des locaux ouverts au public en cas de changement d’affectation, sans plus de précision.

Le PUS soumis à  l’enquête protégera le coeur de la ville (secteur A), mais aussi les grandes artères commerçantes des quartiers ; rues de Carouge, des Eaux-Vives, de la Servette, etc (secteur B). Dans ces deux secteurs, l’enseigne d’un commerce pourra changer, mais sa catégorie devra être maintenue. Un magasin d’alimentation ne pourra en principe être remplacé que par un autre magasin d’alimentation, un café par un autre, etc. Le but est bien de protéger la vocation « sociale » de ces lieux ainsi que leurs exploitants.
Un changement de destination ne sera possible que si la nouvelle affectation apporte plus d’animation, ou plus d’offre commerciale de proximité. Une bijouterie qui fermerait dans un quartier accueillant déjà  de nombreuses échoppes de ce type, pourrait laisser la place à  une activité de proximité differente. Le secteur B est lui caractérisé par une mixité de commerces spécialisés (habillement par exemple) et de commerces de proximité (alimentaire, kiosques, coiffeurs, etc). Cette diversité doit être maintenue.
Sur proposition de la Ville de Genève, une enquête publique est ouverte, le projet de modification du règlement relatif aux plans d’utilisation du sol de la Ville de Genève est déposé au département des constructions et des technologies de l’information, office de l’urbanisme, 5, rue David-Dufour, du 1er avril au 2 mai 2011 et sur le site de l’Etat de Genève.

Une ville si épouvantablement triste…

Le projet d’amendement du PUS a été adressé au Conseil d’Etat, sitôt après le vote du Conseil municipal. Ce dernier a procédé à  l’ouverture d’une enquête publique. Le Conseil municipal devra ensuite répondre aux observations, avec l’aide de l’administration. Le législatif communal se prononcera en séance plénière sur un texte définitif qui, s’il est accepté, sera soumis pour approbation au Conseil d’Etat.

Si Genève perd « chaque jour en beauté, propreté et sécurité» selon la candidate libérale aux élections d’avril prochain, la ville perd aussi en convivialité et en attractivité. Les adversaires politiques de Rémy Pagani, chantres des autoroutes urbaines et des enfilades de centres commerciaux, estiment que le nouveau PUS est le reflet d’une politique passéiste. C’est cependant un de leurs alliés, Jean-Pierre Jobin, président de Genève Tourisme, qui regrettait l’an passé que l’on s’ennuie à  Genève.

La Ville de Genève tente cependant d’éviter que plus tard un conteur narre ainsi son histoire: « Il était une fois, dans le pays d’Alifbay, une ville triste, la plus triste des villes, une ville si épouvantablement triste qu’elle en avait oublié son propre nom. Elle se trouvait près d’une mer lugubre remplie de poissons-chagrin, si désagréables à  manger que les gens rotaient mélancoliquement malgré le ciel bleu*. »

Jacques Magnol

 

* Salman Rushdie. Haroun et la mer des histoires. 1990.

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Publié dans architecture et urbanisme, économie, société