L’esprit du haut-lieu genevois de la mécanique de précision imprègne l’exposition organisée par Benoît Billotte dans un des bâtiments de l’ancienne Société des instruments de physique (SIP). L’artiste a invité cinq autres créateurs dans l’Espace Témoin à s’approprier la notion d’unité tant dans le domaine scientifique, architectural, linguistique que conceptuel, allant même jusqu’à redéfinir des formes d’unité ou des outils de mesure. Interview
Benoît Billotte, comment avez-vous opéré la sélection des artistes autour du thème des unités de mesure ?
J’ai saisi l’occasion de pouvoir collaborer avec des artistes dont je connais le travail, et aussi personnellement, et la possibilité de se rassembler dans une exposition avec des références et des points communs sur la question des unités ou des outils de mesure, ou en tout cas les questions d’échelle pour refaire différents travaux en écho avec cette question des unités.
Le thème de cette exposition est-il naturellement en rapport avec l’esprit du lieu?
Cet esprit a joué un rôle quand j’ai développé la thématique de l’exposition. Les artistes ont questionné cette volonté de précision, comment elle a été instauré par des ingénieurs ou des outils de consommation et avec quels protocoles, avant de détourner ces outils pour créer les leurs propres dans le but de redéfinir des mesures et des unités. Il s’agissait donc de proposer une alternative à ces unités qui régissent de manière très stricte nos rapports au temps, à l’espace, à l’architecture ou aux objets qui nous entourent.
Quel lien relie ces six artistes ?
C’est plus la question des unités au pluriel qui les relie, car il n’y a pas de lien direct entre ces artistes, même eux ne se connaissaient pas avant la mise en oeuvre du projet. Nous sommes dans une communauté de pensée, une communauté de recherche dans laquelle les échos se produisent de manière inattendue. Ce sont aussi des choix esthétiques et formels qui ont aussi plu à des artistes entre eux.
De la sérigraphie à l’installation, l’exposition Les Unités accueille une pluralité de médiums.
Ce sont en général des travaux très graphiques pour l’ensemble des pratiques, avec souvent des choix simples au niveau des supports, dans un un rapport toujours très noir et blanc, et cette pluralité de médiums va de l’impression à l’encre de Chine, de la modélisation 3D à la sérigraphie ou la peinture murale. Pour l’ensemble de l’exposition, je désirais réfléchir à l’espace dans son ensemble comme une installation avec les pièces des différents artistes.
Quant à Floating City, mon installation personnelle, c’est un travail avec un aquarium qui reprend des buildings de Shanghai pour présenter une ville inversée, plongée dans l’eau, et est animée par des poissons. Les bâtiments ainsi que les poissons se déplacent à un rythme beaucoup plus tranquille, plus Zen. L’autre pièce, When the Earth meets the Sky, pièce consiste en une série de sérigraphies sur soie chinoise qui reprennent des motifs d’architecture des temples chinois ou des formes faisant référence à des techniques de divination chinoises et occidentales. (Note: Benoît Billotte revient d’une résidence Pro Helvetia en Chine).
La sérigraphie Terrain de Nicolas Muller donne à observer la trace d’un passage répété. Le crochet de porte, compas de fortune, décrit invariablement la même surface circulaire, mais le mur entaillé avec acharnement atteste quant à lui d’une vaine tentative de s’extraire d’un périmètre.
Jingfang Hao et Lingjie Wang ont mis au point un dispositif permettant de reporter sur la surface d’une feuille le déplacement journalier du soleil dans le ciel.
La perte de repère provoquée par Floating City de Benoît Billotte se retrouve dans Narrative Spaces de Mickaël Lianza. Ces impressions 3D sont réfléchies par l’artiste comme des ensembles où la sculpture et le socle constituent un tout. Cette perte d’unité des échelles crée des espaces scéniques, des décors générateurs d’imaginaire.
Le jeu sur les rapports de proportion se note également dans le travail d’Anne-Chantal Pitteloud.
« Au travers d’univers artistiques différents l’exposition Les Unités nous amène à revoir nos acquis sur les unités de mesure. Par le détournement, la décontextualisation, le jeu de nouveaux outils chaque artiste modifie notre perception et nos codes de lecture. Ils donnent accès à des mondes indé nis, non uniformes, ouvert sur l’imaginaire pour tout ceux qui veulent bien perdre leurs habitudes perceptives et leur unité de pensée. »
Les Unités
Une proposition de Benoît Billotte avec les artistes Jingfang Hao et Lingjie Wang, Mickaël Lianza, Nicolas Muller, Anne-Chantal Pitteloud.
20 avril au 20 mai 2017. Horaire : je-sam 16h – 19h
ET – Espace Témoin
203s, 2e supérieur (Bâtiment face à celui du Mamco et du Centre d’art contemporain.)
10, rue des Vieux-Grenadiers. Genève
Les jeudis à 18h30 :
4 mai : conférence de B. Frommel
11 mai : projection de films d’artistes
18 mai : nuit des bains
ET – Espace Témoin est un espace de 105 m2, neutre et flexible qui se prête autant à des événements confidentiels qu’à ceux ouverts à un large public.
Il se conçoit comme une plate-forme d’échanges, un laboratoire transdisciplinaire, qui évolue et s’organise en fonction des projets, des compétences et des intérêts, il est lieu de création et de diffusion. Espace Témoin est actuellement géré par Dominique Page.