Le salon artgenève s’est construit une réputation en Suisse alémanique

artgenève, la foire d’art où petits et grands font l’expérience de l’art contemporain. Photo Jacques Magnol.

Les sourires de satisfaction de nombreux galeristes à la clôture du salon artgenève signalent que l’événement s’est fait une place sur un marché déjà saturé de foires où la concurrence est extrême et que les affaires ont suivi.

La présence longuement attendue de galeries de premier plan venues de Bâle ou de Zurich – Hauser & Wirth, Eva Presenhuber, ou la Fondation Beyeler pour le non profit – est, selon la bâloise Gisèle Linder, un signe que le salon est désormais reconnu en Suisse alémanique. La remarque peut être étendue à d’autres pays avec la venue de Capitain Petzel (Allemagne), Almine Rech et Kamel Mennour (France), ShanghART (Chine), AB-Anbar (Iran), Raffaella Cortese (Italie), et Marlborough, pour ne citer qu’elles.

Les habitudes de consommation des articles de qualité, qu’ils soient des montres ou des œuvres d’art, seraient sur le point d’être bouleversées par le commerce en ligne, mais l’exposition d’art dans un lieu donné reste le principal moyen de faire connaître la majeure partie de la création artistique, le rapport 2018 d’Art Basel souligne l’importance de ces événements : « que ce soit dans une galerie, une institution ou une foire d’art, les expositions sont le lieu principal pour l’échange de biens culturels et le point central pour établir la valeur des artistes et de leurs œuvres. Les expositions représentent également le principal moyen d’introduire l’art et de le promouvoir auprès des collectionneurs. Le marché de l’art s’articule désormais autour d’un calendrier chargé des expositions, des foires d’art, des ventes aux enchères et des événements connexes ». Une remarque confortée par la fréquentation du salon genevois qui a poursuivi sa croissance avec 24’500 entrées enregistrées à deux heures de la fermeture, soit une augmentation de plus de 20% par rapport à 2018 (20’000), en se fiant aux chiffres cités par artgenève.

Une excellente année avec des présentations plus pointues des galeries

A la clôture du salon, son directeur Thomas Hug soulignait « les gros efforts de scénographie engagés par les galeries pour des présentations plus pointues, et tout le monde a très bien travaillé. » Gisèle Linder, de Bâle, y a vu une foire sympathique où les gens se rendent compte qu’il n’y a pas que les grands noms. Véronique Bacchetta, du Centre d’édition contemporaine Genève, y a rencontré un public « qui n’était pas constitué de badauds, mais des gens qui connaissent, au moins les noms, et qui s’intéressent surtout aux livres ».

Retours identiques de la part des galeries : chez Xippas – Takis, Emilie Ding, Matthew Porter, Dean Monogenis, Michael Scott, Vik Muniz – son directeur Pierre Geneston rayonnait après avoir réalisé au moins une quinzaine de ventes, dont une à une grande collection genevoise et une autre à un nouveau collectionneur étranger, l’ensemble dans une fourchette entre 3’800 et 80’000 francs. Plus grande distinction attribuée par un jury de professionnels de l’art, Laurence Bernard a reçu le “Prix Solo artgenève – F.P. Journe” pour son solo show Marion Baruch.

Pour sa première participation avec un solo show de Hessie (1936-2017), Arnaud Lefebvre, de Paris mais très introduit en Suisse romande, a trouvé « une foire dynamique, des expositions variées et de bonne façon ». Le MAMCO lui a acheté une œuvre de Hessie, Machine à écrire (voir illustration ci-dessous). Une première fois également pour la Galerie Karel Mennour, Paris, pour laquelle Cécile Brugnon a vendu, entre autres, un Rondinone à 130’000 € et un Neïl Beloufa. Nicola Senger, Zurich, a surfé sur le côté festif et invité l’artiste Beni Bischof qui a créé un bar décoré de ses propres oeuvres. Moins chanceux fut le stand de la Fondation Gandur dont un Soulages jugé de faible facture par les visiteurs a fait courir des commentaires apitoyés.

Une des particularités d’artgenève est d’associer dans un même salon les galeries, les institutions et les associations culturelles dans leur diversité en termes d’importance et de renommée tant sur les plans international que régional, à la satisfaction de toutes. Les très grandes galeries ont besoin des petites structures qui trouvent les artistes et prennent des risques pour les montrer pendant qu’elles accompagnent leurs débuts. Une galerie plus grande n’achète qu’un artiste dont le marché a déjà été créé – après ses premières expositions, les collectionneurs ont acheté, les critiques ont écrit à son sujet et les conservateurs ont commencé à l’intégrer à leur pratique. Ainsi, Anne Minazio, de la petite association genevoise HIT, s’est réjouie d’avoir suscité l’intérêt d’un éditeur parisien de jeunes designers; Lili Ningchun-Delaunay, de l’association genevoise March’Art, a offert une ouverture vers le terrain moins connu de l’art contemporain chinois dont elle est spécialiste, et a recueilli un réel succès d’estime, preuve que les collectionneurs sont à l’affut de nouveaux talents et se déplacent.

L’artiste Beni Bischof a créé le Nici’s Bar, un lieu décoré de ses propres oeuvres pour la galerie Nicola von Senger. Confronter art et divertissement offre une possibilité finalement assez nouvelle de vivre l’art différemment. Photo : Nicola von Senger.

 

Une foule dense a suivi la performance de Gianni Motti sur le stand de la galerie andata/ritorno de Genève. Photo Jacques Magnol.

Voir l’article : L’intervention magique de Gianni Motti.

Devant les oeuvres de Peter Roesch et Nina Childress, M. Thierry Apothéloz, conseiller d’État chargé du département de la cohésion sociale, présente l’ouvrage “101 œuvres”. Acquisitions récentes et œuvres phares sur le stand du fonds cantonal d’art contemporain. Photo Jacques Magnol.

 

Le prix solo-show 2019 est décerné à la Galerie Laurence Bernard pour son show Marion Baruch. De g. à d.: Andrea Bellini, directeur du Centre d’art contemporain Genève, Beatrix Ruf, conservatrice, Laurence Bernard, galeriste, Noah Stolz, commissaire d’exposition indépendant et responsable des archives Marion Baruch. Une exposition rétrospective de Marion Baruch se tiendra au Kunstmuseum Luzern en 2020. Photo Jacques Magnol.

 

Andrea Bellini, directeur du Centre d’art contemporain Genève, présente l’espace d’exposition virtuel du Centre – le 5e étage – au public.

Sur le site internet du Centre d’Art Contemporain Genève, le 5e étage se présente sous la forme d’une vitrine, un espace virtuel qui vient prolonger et compléter la programmation accueillie dans les étages physiques du Centre. Conçu comme une nouvelle plateforme numérique, le 5e étage rassemble un espace de production digitale, une station de radio et un nouvel outil de diffusion des voix et idées d’artistes.

Galerie Xippas Genève, Matthew Porter, Sunset Blvd, 2016, et Emilie Ding, Untitled (Truth & Compensation), 2016. Photo Jacques Magnol.

 

Galerie Joy de Rouvre, Genève. Solo show Frédéric Gabioud. Photo Jacques Magnol.

 

Gianni Motti, Success Failure, 2015. Galerie Perrotin. Photo Jacques Magnol

 

JIANG Zhi, Page 366, 2018, photography/ archival inkjet print, 176x132cm, Ed. 3/5 +2P. Courtesy March’Art.

 

Hessie (1936-2017), artiste liée à la poésie concrète, Machine à écrire, 1978. Machine à écrire sur tissu de coton, encre noire. 75 x 42 cm. Courtesy Galerie Arnaud Lefebvre.

 

Espace-Hit : Real Madrid, Rush, 2017, Silver Lurex / Frédéric Gros-Gaudenier, Table & chaises « Super Berger », Treillis, prototype, 2019 / Konstantin Sgouridis & Anne Minazio, céramiques. Photo Anne Minazio.

L’Espace-HIT a reçu le “Prix de la programmation en art contemporain 2018” décerné par le Fonds cantonal d’art contemporain, un prix que le Fonds, par principe, n’annonce pas.

A la Villa Sarasin, sous le titre Get A Nerve, des espaces d’art alternatifs ont proposé d’offrir un alter ego non-commercial à artgenève, l’exercice difficile a surtout reproduit le modèle “décalé” d’accumulation d’oeuvres trop courant au Commun. Ill.: Le crabe gonflable du collectif Amulette Haine . Photo Jacques Magnol.

artmonte-carlo est la prochaine étape du salon genevois, elle aura lieu pour la quatrième fois du 26 au 28 avril 2019 au Grimaldi Forum Monaco.

Marché de l’art

La particularité de la Suisse sur le marché de l’art est certainement un atout pour les marchands, ainsi, l’étude du marché de l’art global publié par Art Basel et UBS, The Art Market 2018, indique que 11% des 200 plus importants collectionneurs du monde y habitent, devant l’Allemagne (10%), la France (7%), mais derrière la Grande-Bretagne (13%), les collectionneurs européens comptant pour 29% du marché global.

Le même document rapporte que les galeries et les marchands ont réalisé, en 2017, 46% de leurs ventes dans les foires, un chiffre en augmentation de 5% par rapport à 2016. Dans leur ensemble, les foires d’art continuent de représenter une part essentielle du marché mondial de l’art, les ventes totales étant estimées à 15,5 milliards de dollars en 2017, en hausse de 17% sur un an. Les marchands ont participé en moyenne à cinq foires en 2017, soit le même nombre qu’en 2016.

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