Le cabinet de curiosité de Gregory Bourrilly est foisonnant et jubilatoire

En ces temps difficiles, surtout pour les artistes, surtout pour les plus jeunes, saluons l’engagement de qui œuvre presque à contre-courant pour une Genève culturelle. Henry Drake, Yassine Gheribi, Pablo Rezzonico Bongcam et Sophie Conus sont de ceux-là. Elles et ils ont fondé, en janvier 2020, un Artist-run space : LIMBO dans une ancienne carrosserie, non loin de la gare des Eaux-Vives quartier en pleine mutation et totale gentrification.

C’est un contrat de confiance, c’est en attendant, mais c’est toujours mieux que rien. C’est grand, c’est atypique dirait le promoteur, c’est vintage avec son espace de lavage carrelé, sa fosse et la cabine de peinture qui ressemble à l’intérieur d’un vaisseau spatial façon film de science-fiction.

LIMBO pour la première fois offre tous ses espaces à un seul artiste récemment diplômé d’un master en art à la HEAD. C’est risqué de s’attaquer à pareil espace et pourtant Gregory Bourrilly l’investit totalement pour une gigantesque installation in situ. Il faut dire qu’il aurait voulu être architecte ou décorateur et qu’il a l’habitude d’arpenter les lieux désaffectés. Démolitions, chantiers, maisons abandonnées, il puise là tout un bric-à-brac, roue de vélo, chambre à air, néons d’enseignes. C’est tout cela qu’il déploie et assemble dans des sculptures comme autant de stations qui ponctuent un cheminement.

On entre par les toilettes, comme dans l’expo Dada Paris. Ces sanitaires dont un urinoir, mais d’enfant, sont savamment émaillés de giclures, c’est assez négligé, très gestuel et jubilatoire. Un carré blanc, de moquette, sur lequel il essuyait ses pinceaux, des résilles anciennes tissées pour être accrochées aux cornes des vaches et protéger leurs yeux des mouches, cloués à un châssis font peinture. Des structures métalliques qui lui ont servi de socles sont combinées en une archi-sculpture. Un distributeur de granulé et des peluches de plume de poulet accrochés à ces cages font grincer l’esthétique modulaire minimaliste.
Gregory Bourrilly aime les animaux, transforme un vélo posé sur des chambres à air et couvert d’une peau de mouton en une improbable bestiole. Suspendue au-dessus de cet hybride, une magnifique corne de narval en céramique menace autant qu’elle ré-enchante l’image bien écornée de la licorne.

Le cabinet de curiosité de Gregory Bourrilly est foisonnant et jubilatoire. Il est savant sans être pédant. Les références viennent en clin d’œil, Malevitch pour ses architectons et son carré blanc sur fond blanc, Joan Mitchell ou Monet pour la touche sur un urinoir duchampien, mais en plus petit, Cattelan pour le scotch noir et une banane, mais en plastique, Rauschenberg et Tinguely pour les machines sculptures bricolées.
Ces allusions sont aussi légères que sérieuses, aucune leçon mais de l’humour. L’ensemble est tout aussi négligé qu’élégant. C’est la ruine, pas la misère, le remploie un rien décadent très dandy et avec brio.

Claude-Hubert Tatot

Gregory Bourrilly
17 décembre 2020 au 8 janvier 2021

Limbo space
Avenue de Rosemont 14
1208 Genève.

https://www.instagram.com/limbo.space.ch/
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contact@limbospace.ch

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Publié dans art contemporain, expositions