Le burlesque et ses coulisses

scène

Conçu à  partir de l’univers décalé signé Plonk & Replonk, Dernier thé à  Baden-Baden. Les Monologues d’un agent double est un thriller d’espionnage versant dans le non sens échevelé. Entretien.

Entretien avec Andrea Novicov

Otto Selzer (Didier Chiffelle) est l’anti-héros malgré lui d’un siècle qui défile jusqu’à  la chute du berlinois « Mur du son » en serpentant par les tranchées de 14-18, ses charniers colorisés à  ciel ouvert, dont les gisants sont décrits tels des fêtards se reposant après une suprise party ayant mobilisé nombre d’Etats. Otto est le rejeton d’un « savant mou », qui l’a dupliqué en double fraternel et maléfique. Il revit sa vie d’espion en service commandé pour l’Helvétie, sa patrie, depuis un « asile de flous », où il est interné.

Montage surréaliste
Les images du tandem de graphistes chaux-de-fonniers faites de montages rétro futuristes et dadaïstes partent d’une iconographie de cartes postales vieillies et aux teintes sépias avec des hybridations entre humain et animal notamment. Un panel iconographique qui n’est pas sans évoquer sur un mode burlesque les cartes postales du début du XXe siècle représentant des faits divers ou des événements historiques. Sans oublier le monde du photographe britannique Martin Parr à  l’imagerie kitsch, tournant en dérision le corps devenu marchandise, où les personnes semblent être réduites à  leur caricature, qui a innervé la préparation de cette création. Et ce jusqu’aux personnages transportés comme des réclames et à  l’ultime carte postale projetée de vacances au Mexique.
« L’espace compose une sorte d’atelier, souligne le metteur en scène Andréa Novicov. Au centre, la carte postale est un écran évoluant autour de la brèche, la faille dessinée dans le réel. Endroit autour duquel agissent scéniquement les protagonistes. » Le procédé n’est pas sans évoquer Zelig de Woody Allen qui s’interroge sur comment le cinéma construit une fausse réalité. On remarque à  la fois la précision des parodies, les coupures de registres stylistiques, et le ton neutre, objectif, de la démonstration, qui contraste avec le caractère invraisemblable des situations.

Bordé de deux bruiteuses réalisant les sons en direct à  l’aide notamment de jouets enfantins et d’un bidouilleur d’effets vidéo, la création révèle les composantes de l’illusion spectaculaire, la dimension foraine et artisanale propre à  la fabrique de la mécanique théâtrale en train de se faire.

Bertrand Tappolet
TPR
La Chaux-de-fonds. Jusqu’au 6 février 2010.

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