Un élément du projet d’art public Neons Parallax de la Ville de Genève et du Canton de Genève. Inauguration le soir du 19 octobre 2012. Photo JM.
A Genève, les néons disposés sur les toits autour de la plaine Plainpalais produisent-ils un quelconque effet sur le public quand il les distingue parmi d’autres enseignes lumineuses publicitaires ?
Faut-il reconnaître que ce genre de non-lieu artistique ne remplit pas le rôle qui lui est attribué ? Dans l’affirmative, faut-il s’avouer déçu ou trompé par une idéologie esthétique chargée de tant d’ambition ? L’art public qui est actuellement la propriété des arts plastiques doit s’ouvrir à d’autres modes de production et, pourquoi pas, aussi à un autre système économique indépendant de l’Etat. L’art public est aujourd’hui installé pour imposer une conception de l’art comme produit.
Art public, un exemple de création de « communitas » : « Les Perses », theatercombinat de Claudia Bosse, au Théâtre du Grütli, Genève, le 13 novembre 2006, photo Régis Golay.
Art pour le public ou complot?
C’est un vieux rêve que d’imaginer que la force de l’art pourrait unir la société dans une dynamique communautaire qui permettrait à chaque individu, vivant dans sa singularité dans le quotidien, de développer un sentiment d’appartenance à une communauté, de s’identifier à un groupe. Cette constatation nous rappelle qu’il existe un genre d’art nommé « Art public » et qui s’inscrit dans la politique culturelle de nombreux états grâce à un certain pourcentage prélevé sur les budgets de construction de bâtiments publics. L’allocation signe une reconnaissance importante de la force artistique que l’art peut déployer et créer avec la société et les citoyens en dehors de l’institution artistique.
L’art public est-il dépassé ?
La persistance de cette idéologie nous force à douter de la légitimité de cette forme d’art public. Ainsi aménagé, l’espace public devient-il plus esthétique, plus beau, plus attrayant ? Cet espace est-il occupé par l’artiste ou aménagé dans l’intérêt du public ? Toutes ces interrogations se fondent dans la question : l’art public est-il dépassé ?
Au-delà de cette critique, un art peut-il revêtir un caractère engagé avec la société dans le sens où il serait source d’intérêt autant pour l’artiste que le public ? Peut-il se dégager du complot tel que l’a décrit Jean Baudrillard (Libération le 20 mai 1996) : « « L’art est entré (non seulement du point de vue financier du marché de l’art, mais dans la gestion même des valeurs esthétiques) dans le processus général de délit d’initié. Il n’est pas seul en cause : la politique, l’économie, l’information jouissent de la même complicité et de la même résignation ironique du côté des « consommateurs ». (…) La seule question, c’est : comment une telle machine peut-elle continuer de fonctionner dans la désillusion critique et dans la frénésie commerciale ? Et si oui, combien de temps va durer cet illusionnisme – cent ans, deux cents ans?»
L’art public : Un art totalitaire ?
Dans les années 80, le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique a engagé une politique d’aide aux artistes plasticiens via des commandes qui permettaient de surcroît d’embellir le paysage urbain. L’influence de cette initiative s’est ensuite développée dans le monde entier et l’art public est devenu un genre très intégré dans les institutions de l’État pour esthétiser l’espace urbain.
Le célèbre projet de Richard Serra « Titled Arc » tient une place particulière dans cette histoire de l’art public. Il s’agissait (car il n’a pas survécu aux critiques) d’un mur métallique de 36 mètres de long et de près de quatre mètres de haut qui fut dressé à New York, sur la Federal Plaza, en 1981. L’installation provoqua d’intenses réactions de rejet qui conduisirent à son retrait par commission d’art public de NY en 1989.
L’intention de l’artiste était de composer avec les spécificités de l’espace urbain : « Dans un site urbain, je tiens compte de la circulation, des rues, de l’architecture. Je construis une sorte de disjonction, quelque chose qui situe ce lieu et dans lequel on pénètre au milieu de l’architecture environnante. » La barre de métal fut cependant perçue différemment par les habitants du quartier: elle dérangeait leurs habitudes, les piétons devaient faire un détour pour la contourner et l’apparition de graffitis était source de nuisances visuelle.
A l’époque, Richard Serra exposa sa vision de l’art : « Je ne crois pas que la fonction de l’art soit de faire plaisir. L’art n’est pas démocratique. Ce n’est pas pour le peuple » .
Une démarche au nom de l’autonomie de l’art
Selon l’idéologie moderniste le « Site » doit répondre à trois conditions pour refléter l’harmonie: l’endroit idéal se définit par l’harmonie entre le lieu (incluant la géographie territoriale et les attributs culturels de l’identité), l’espace (un consensus culturel référencé par la coordination perceptive) et l’échelle (le corps humain en tant que standard de mesures). Néanmoins, les artistes de Land Art considéraient le « Site » comme un lieu de liberté absolue pour développer leurs projets sculpturaux et transformer des lieux de production en artefacts à l’échelle de la nature. Les artistes de cette tendance désiraient alors « faire ce qu’ils voulaient, où ils voulaient et quand ils voulaient ». C’est au nom de cette autonomie que des sculptures modernistes, dont l’art ne prend aucun autre critère en considération que son objet propre, furent installées dans l’espace public. .. Suite page 2
Les artistes qui reçoivent des commandes d’art public sont généralement des artistes officiels pistonnés. Il faudrait faire la différence entre ces artistes soutenus seulement parce qu’ils sont bien en cour et les vrais qui vivent de leurs ventes sur le marché. Le sujet de l’art public divise les artistes eux-mêmes qui établissent une hiérarchie entre art de prestige et art populaire. Voir La Distinction, de Pierre Bourdieu.
Pour poser la question de l’art public il faut savoir que l’artiste est toujours convoqué en dernier pour poser un objet au milieu d’un rond-point ou au bord d’une place.
Pour les pouvoirs publics l’art public c’est une sculpture à poser parce qu’il faut bien utiliser le % culturel, point. Qui a dit qu’on pourrait créer une société qui refuserait l’art? C’est Marcel Duchamp.
Comme le dirait Raymond,
Les néons c’est bonbon
Et ça doit coûter bonbon
Personne ne sait que c’est fait par des artistes
C’est moins bonbon pour le contribuable
Les néons c’est pas bon