La Ville de Genève revoit son soutien à l’art contemporain

Le 1er février 2018, sur le stand du FMAC à artgenève, Sami Kanaan a salué la publication recensant 13 années d’acquisition du FMAC. A cette date, les soutiens à certains projets d’art dans l’espace public étaient déjà suspendus au vote du budget 2018 par le Conseil municipal.

Le 1er février 2018, Sami Kanaan saluait la publication recensant 10 ans d’acquisition du Fonds municipal d’art contemporain (FMAC) et regrettait de voir certains projets d’art dans l’espace public suspendus au vote du budget 2018 par le Conseil municipal. L’introduction de nouvelles normes comptables concernant les soutiens à la création et les acquisitions dans le domaine de l’art contemporain ajoute aux craintes des artistes.

Au début du mois de février, les artistes désireux de présenter une demande de soutien ont eu la surprise de découvrir un avis particulièrement sec sur le site du FMAC : «En raison de l’introduction de nouvelles normes comptables et dans l’attente du vote du budget 2018 par le Conseil municipal de la Ville de Genève, la commission d’octroi du 22 février concernant les soutiens à la création et les acquisitions dans le domaine de l’art contemporain est annulée.»

C’est par eux-mêmes que les artistes ont appris que “le principe de dotation du Fonds d’art contemporain de la Ville de Genève était abandonné au profit de ces susdites nouvelles normes. Que le soutien à la création serait remplacé par l’inscription d’une ligne au budget annuel de la ville de Genève et que les acquisitions et le financement d’œuvres pérennes dans l’espace public ferait l’objet d’une autre votation en principe tous les cinq ans.”

Les artistes de l’association Le Vélodrome s’en sont inquiétés par courrier, précisant que ” le système de soutien aux artistes et aux acteurs culturels par le FMAC, issu du prélèvement du pourcentage sur les crédits d’investissement, a très bien fonctionné jusqu’à présent et qu’il est largement admis depuis 1950,les artistes s’interrogent sur l’opportunité de ces changements qui risquent de prétériter fortement l’engagement de la Ville de Genève dans le soutien à l’art contemporain et menacer l’indépendance des commissions et des experts dans leurs choix. C’est donc l’ensemble des plasticiens qui “s’inquiète des raisons et conséquences de ces décisions et qui s’étonne non seulement de ne pas avoir été informés, mais aussi qu’aucune solution n’ait été anticipée”.

Le magistrat détaille l’objet de la réforme

Le 13 mars dernier, suite à mon interrogation, Félicien Mazzola, conseiller de Sami Kanaan m’a adressé les précisions suivantes :
“Sami Kanaan confirme que les soutiens à l’art contemporain font actuellement l’objet d’une réforme complexe qui suspend temporairement en partie l’action de la Ville de Genève dans ce domaine.

Pour comprendre la situation actuelle, il faut tout d’abord revenir sur le fait que la commission des finances du Conseil municipal a traité cet automne du projet de délibération (PRD-85) déposé par le PLR, le MCG et l’UDC, intitulé « Suppression de l’automaticité du prélèvement de 2% des crédits d’investissement à destination du FMAC ». Le DCS été auditionnés à plusieurs reprises par la commission des finances à ce sujet afin de sensibiliser les Conseillers municipaux aux spécificités de la politique du soutien à l’art contemporain.

Parallèlement à ces débats, la Ville de Genève a dû se préparer à une réforme comptable importante entrant en vigueur dès 2018 suite à l’introduction de nouvelles normes au niveau fédéral (MCH2), rendues obligatoires pour les communes genevoises par le Canton. Le Canton de Genève ayant décidé d’appliquer les recommandations fédérales à la lettre, y compris celles concernant les comptes de bilan, nous avons dû élaborer un projet de nouveau règlement (annexe 1) pour le Fonds municipal d’art contemporain (FMAC). Cette réforme exige dorénavant que toutes les dépenses liées au compte de bilan fassent l’objet d’une décision du Conseil municipal soit par le biais d’une proposition (PR) de crédit cadre d’investissements pluriannuel (pour les acquisitions et les projets d’art dans l’espace public) soit par le biais de lignes de subventions (pour le soutien à la création et aux manifestations). Ce projet de règlement, validé par le Conseil administratif le 22 novembre 2017, a été adopté à une large majorité par la Commission des finances et est en attente de son traitement en séance plénière du Conseil municipal. Nous espérons qu’il pourra être voté par le Conseil municipal lors de la session des 20 et 21 mars 2018.

Dans un même temps, le Service culturel a réalisé un travail considérable afin de faire valider par la Direction financière de la Ville de Genève les provisions nécessaires à la poursuite des projets entamés avant 2018 qui étaient menacés d’être interrompus, repoussés, voire supprimés, en raison du délai entre la fin des normes en vigueur jusqu’à fin 2017 et l’entrée en vigueur effective des nouveaux mécanismes formels et financiers. Mais en raison de cette période de transition, plusieurs projets d’art dans l’espace public sont aujourd’hui fragilisés : reportés, réduits ou en suspens. Les décisions d’acquisitions prises en 2017 seront concrétisées. En revanche, nous sommes contraints d’attendre le vote du crédit cadre susmentionné pour reprendre le processus ordinaire d’acquisitions.

Afin d’anticiper ces réformes, le DCS a inscrit au budget 2018 des lignes de subventions pour le soutien aux projets d’artistes et a entamé la réalisation du crédit cadre d’investissements. Toutefois, comme vous le savez, le budget 2018 de la Ville de Genève n’a malheureusement pas encore été voté par le Conseil municipal. Comme ces lignes sont nouvelles au budget 2018, nous ne pouvons pas nous appuyer sur les douzièmes de l’année précédente.Enfin, nous sommes en train de finaliser la PR pour le crédit cadre d’investissements qui sera déposée au Conseil administratif en mars afin qu’elle puisse être traitée en avril au Conseil municipal si celui-ci lui accorde l’urgence qu’il nécessite.

Dans ce contexte, vous conviendrez qu’il n’est pas possible de certifier quand aura lieu la prochaine commission pour les acquisitions du FMAC. Le DCS met toute son énergie pour que le Conseil municipal prenne des décisions qui nous permettront de tenir le délai de la prochaine commission prévue le 19 avril (délai de remise des dossiers le 12 mars). Par ailleurs, les soutiens à certains projets d’art dans l’espace public sont suspendus au vote du budget 2018 par le Conseil municipal.

Pour terminer et en réponse aux interrogations des artistes quant aux moyens dont disposera le Service culturel pour le soutien à la création, les acquisitions, les projets dans l’espace public et la restauration d’œuvre, nous avons rappelé les éléments de réponse dans le règlement du FMAC ainsi que la répartition des montants que nous avons inscrits dans le budget (250’000 pour le soutien aux projets d’arts visuels, 100’000 pour le soutien aux projets pluridisciplinaires et numériques et 25’000 pour la bourse pour la photographie à caractère documentaire) et que nous proposerons au Conseil municipal dans la PR pour le crédit cadre d’investissements (4’500’000 sur la durée d’une législature) correspondent aux moyens dont disposaient le Département ces cinq dernières années. L’objectif de Sami Kanaan est clairement de maintenir les moyens indispensables à une politique historique ambitieuse dans ce domaine et de convaincre le Conseil municipal d’aller dans ce sens. Il faut regretter que le cadre normatif n’ait pas prévu une réelle période transitoire afin d’éviter cette phase d’incertitude et de suspension des outils de financement.”

Historique

Les artistes de l’association Vélodrome rappellent le fonctionnement du fonds :
Jusqu’à fin 2017, le soutien aux artistes et aux acteurs culturels s’est fait par un «prélèvement du pourcentage sur les crédits d’investissement, crédits votés en 1950 par le Conseil municipal genevois pour les constructions, les restaurations et les rénovations des bâtiments, auquel se sont ajoutés par une nouvelle votation en 1989, les installations sportives et des ponts propriété de la ville de Genève». C’est un fonds variable mais automatique.

Selon les chiffres disponibles aujourd’hui dans ce catalogue, on trouve pour les 5 dernières années
2012 : 472’095.- /// 2013 : 2’729’622.- /// 2014: 574’313.- /// 2015 : 3’233’241.- /// 2016 : 1’193’538.-

Maintenant l’introduction de ces nouvelles normes signifie:

  •  la fin d’un fonds de financement automatique, et donc d’une autonomie totale (ou presque) des commissions d’octroi.
  • la fin de cette autonomie puisque maintenant ces financements sont dépendants du bon vouloir des politiciens.

D’autre part, ce ne sera pas qu’une somme globale qui devra passer en votation, mais 2 lignes de crédit avec des statuts différents:

  • Une ligne pour: Soutien à la création (réalisation de projets, d’expositions) demande de 250’000.- qui doit être voté annuellement au CM.
  • Une ligne pour : les acquisitions et les projets d’art dans l’espace publique (qui se développent dans le “temps long” et avec des budgets conséquents) demande de 900’000.- voté selon un PR cadre sur cinq ans, dont le délai de décision est encore inconnu à ce jour et pourrait prendre jusqu’à 18 mois.

Ce qui signifie pour les artistes :

  • Pas de soutien à la création, au minimum jusqu’à mi-avril 2018 (Pour ceux qui ont des projets précis dans le temps ou des expos prévues ce printemps par exemple, c’est râpé pour obtenir une aide qui ne peut évidemment pas se faire à posteriori)
  • Pas d’acquisitions pendant des mois, puisque pas de dates pour la votation sur le budget cadre sur 5 ans.
  • Arrêt des projets d’art public, et même peut-être abandon de certains projets initiés fin 2017 et qui n’ont aucune assurance pour 2018.

Une source d’informations presque incontournable pour ce qui concerne les chiffres, le fonctionnement et les tâches du FMAC est le nouveau Catalogue du Fonds d’art contemporain de la Ville de Genève FMAC, collection 2004-2016, catalogue présenté au début du mois de février.

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Publié dans politique culturelle