La vie quotidienne revue et simplifiée par François Boisrond

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“Monsieur ma peinture “, 195×130, 1988.

Ils sont une vingtaine, très jeunes, de modes d’expression divers, mais proches d’une certaine idée de la figuration, arrivés vers 1982 au moment où l’Etat français décida de pallier sur la scène internationale l’absence de sa création plastique. On redécouvrit alors l’extraordinaire outil de pénétration économique qu’est la culture pour enchaîner avec des séries d’expositions, officielles et privées, chargées littéralement de véhiculer la version officielle d’une peinture, que d’aucuns voudraient de caractère national, dans la plus grande partie du monde occidental.
Le ministère des Affaires étrangères pré­sente ainsi début 88, entre autres mouve­ments, celui de la “figuration libre” de Sydney à San Francisco en passant par Séoul, Tokyo ou Helsinki.

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“Une sombre histoire de pommes”, 195×130, 1988.

Nous n’assistons probablement pas, de l’aveu même des protagonistes, à l’avènement d’une nouvelle étape de création puisqu’il s’agirait même, en désespoir d’autre proposition, d’une période de ré­adaptation au cadre et à la forme après vingt ans de peinture théorique et austère.

Un groupe de quatre s’est ainsi taillé, depuis cinq ans, une place de choix: Boisrond, Blanchard, Di Rosa, Combas, doivent au fils de Duchamp, Ben Vautier, leur appellation d’origine “Figuration Libre” où flux de Ben oblige, la dérision règne. Anticulture, la figuration libre reflète une culture traditionnelle dont seuls les modes de communication, B.D., publicité, etc., ont changé.
François Boisrond revendique le côté futile d’une peinture assez instinctive, parfois anecdotique, parfois un peu autobiographi­que et qui, surtout, ne se veut pas trop réfléchie en réaction contre une certaine avant-garde. En fait il veut réagir par rap­port à l’art contemporain, le considérant comme un mouvement auquel il n’appartient pas vraiment: “je ne me sens pas non plus concerné par les problèmes de la manière dont ils sont posés dans l’art con­temporain. L’avant-garde actuelle vit dans un milieu clos et c’est la décadence la plus complète, pire qu’avec les Pompiers au 19e. En réalité nous assistons à une surenchère tout en restant dans le même système de pensée; voilà la décadence: surenchérir sur des concepts dépassés. Citons uniquement comme exemple les néo-géos, épigones de Malevitch.

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“Le café”, 140×140. 1988.

C’est pourquoi je m’essaie à travailler pour autre chose que des expositions, par exem­ple des affiches (Festival de Montreux 1987, Mois de la Photo à Paris, Félix-Potin), des clips TV (Orangina), des motifs pour tissus, etc. afin de sortir du contexte contempo­rain et montrer mon travail à un public plus large.
Mon style découle indéniablement des influences de l’époque actuelle mais je m’attache à exercer le moins de contrôle possible pour proposer une vision des actes simples de la vie normale, d’une manière honnête, sincère, qui me corresponde vrai­ment.
L’influence alors? parlons surtout d’une, celle de l’art brut, et encore plus précisé­ment l’art brut des gens normaux, pas celui des aliénés ou des enfants mais celui que l’on voit par exemple sur les vitrines des cafés en période de fêtes, les panneaux publicitaires des stations-service etc.; il y a chez eux une sincérité, une liberté d’expres­sion tellement indépendante des critères artistiques, et même esthétiques, qu’en res­sortent des choses nouvelles et belles. Mais j’aime aussi l’art préhistorique, le gothi­que, l’art primitif, l’impressionnisme, l’art moderne. Toutes ces périodes me touchent au coeur. Elles sont à la fois individuelles et humaines. Elles respectent l’inconnu.

J’aime moins l’art antique, la Renaissance, le Romantisme, le Symbolisme, l’art con­temporain. Toutes ces périodes finissent souvent dans la décadence. Elles sont con­trôlées cérébrales, habiles. Si on me demandait le sens général de mes tableaux, je dirais je ne sais pas. A part mes tableaux, je n’ai rien à dire”.
Jacques Magnol. L’Impact – mai 1988

François Boisrond, né en 1959 près de Paris, a opté pour la peinture en abandonnant très tôt ses études de médecine pour rentrer à l’Ecole des Arts Décoratifs. En 1977, il rencontre Di Rosa puis Combas et Blanchard, créateurs indépendants dont les similitudes d’expression furent associées dans un mouvement dénommé par Ben “Figuration Libre” en 198L Le succès fut très rapide et immédiatement repris par de nombreux suiveurs. Boisrond expose intensivement, depuis 1981, en Europe et aux Etats- Unis. Il fit partie d’une exposition officielle française présentée au Musée des Beaux-Arts de Lausanne en 1984. Il vit et travaille à Paris.

Publié dans art contemporain, arts