Mis en scène par Eric Devanthéry, « L’Inattendu » du dramaturge français Fabrice Melquiot, joue sur l’attente, celle de l’être aimé dont une jeune femme espère le retour bien que l’homme soit porté disparu.
Une attente qui effondre et donne sens à une vie en sursis. L’inattendu, « un mot pour essayer tenir debout », lâche Liane (Rachel Gordy), le personnage de ce monologue.
Entretien avec Eric Devanthéry
Liane s’est tout d’abord accrochée à l’amour. « J’avais vingt ans tout juste et le monde, le monde c’était quatre murs bien droits. Je m’en fichais je ne voulais pas bouger, rester sage à t’aimer toujours au même endroit… » Mais un soir, son amant disparaît. Liane refuse de croire à sa mort et espère son retour plusieurs années.
Une attente hantée de boissons et de flacons de verre où la vie passe du fluide à la sédimentation d’une identité en construction : « Les flacons, exactement comme des fleurs. Quand je les respire exactement comme des fleurs, j’y trouve un souvenir de nous. Un souvenir par couleur. » La pièce comporte autant de couleurs que de scènes. Le noir tisse la séquence d’ouverture et le blanc la dernière. Pour une plongée photosensible dans l’intimité de trois années de chaos avec en ligne de mire l’acceptation d’un processus de deuil. Liane s’en va photographier le monde. Clichés d’un théâtre catastrophe qui emprunte aux Anglo-saxons Crimp, Kane et Bond. La jeune femme en revient dévastée, explosée de l’histoire. « Le monde, je le vois qui brûle bon dieu mon insouciance bon dieu je ne veux rien savoir je veux croire au jour levé à l’espace insupporté entre deux baisers je veux croire à mon histoire… »
L’Inattendu a toutes les teintes d’un parcours initiatique où la musique exécutée live permet ici de suggérer plusieurs temporalités. Une trajectoire en forme de fausse odyssée épique de soi à soi en passant par le monde. Un parcours constellé de seuils, de pertes et de deuils. Entre conte et rêve, le style fait de l’image sa première sensation avec une énergie vitale très enfantine, déglinguée aussi. Pièce du déchirement pascalien entre la chambre et le monde, entre l’enfance et l’âge adulte, qui nous parle d »amour fusionnel en songeant à la phrase de Goethe : « Si je vous aime, en quoi cela devrait-il vous concerner ? » Entre la volonté qui s’exerce dans un parcours ordalique et le renoncement, la vie tente de reprendre l’ascendant surgissant par hasard comme les herbes folles entre les pierres du site Artamis. « Parce que la vie c’est ce qui nous arrive quand on fait autre chose. Peut-être bien.«
Bertrand Tappolet
Du 18 avril au 4 mai 2008, Théâtre du Galpon, du mardi au samedi 20h30, dimanche 18h.
Informations : Eric Devanthery, L’ironie du son
Spectacle saisissant. Très belle mise en scène et la musique est très belle.
A voir!