La Mer en pointillés, ou la quête poétique d’un sans-papiers

Scène

L’outil d’émancipation humaine qu’est l’éducation politique est maintenant refusé aux jeunes par les différents systèmes pédagogiques. Il revient cependant par d’autres voies, et certaines passent par le théâtre, comme celui de Serge Boulier. Dans une ère de conformisme social, aborder sur scène les thèmes de la discrimination, de l’injustice sociale, du racisme et de l’exclusion, de plus pour un jeune public, peut paraître médiatiquement risqué, Serge Boulier n’en a pas moins été récompensé par le Molière 2007 du meilleur spectacle jeune public  pour La Mer en pointillés.
L’histoire est issue d’un fait divers : cet homme d’un lointain pays de l’Europe de l’Est n’avait jamais vu la mer. Il prend sa bicyclette pour aller à  sa rencontre, traverse plusieurs pays, croise nombre de gens… Et touche presque au but. Malheureusement, il est rattrapé par les formalités administratives : petit souci de papiers d’identité… Il est arrêté puis reconduit à  son point de départ par avion.
Les enfants comprennent dès le début que le personnage n’a pas les “bons papiers” et qu’il n’ira pas loin, mais ils le soutiennent et ne restent pas insensibles à  la représentante de la loi qui entre dans un jeu de séduction. Est-ce difficile pour un si jeune âge ? Ils sont très jeunes aussi ceux qui, dans un pays voisin, tout à  coté, voient les gendarmes débarquer dans les petites classes pour y embarquer de jeunes dont les parents n’ont pas les “bons papiers”, et là  c’est sans humour, ni poésie, ni tendresse comme dans La Mer en pointillés.

Ecouter l’entretien avec Serge Boulier. Par Jacques Magnol

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La Mer en pointillés. Théâtre des Marionnettes de Genève, du samedi 2 mai au dimanche 17 mai 2009

 

Scène

Serge Boulier et Séverine Coulon dans La Mer en pointillés.

 

Scène

Serge Boulier dans La Mer en pointillés. Photos Jean Henry.

La Poésie d’une quête. Par Serge Boulier.

“Il s’agit de faire ressortir la poésie qui se dégage de cette quête : le but du personnage était de voir la mer. Pour cela, il a utilisé le seul moyen de déplacement à  sa disposition : son vélo. A aucun moment il n’a pensé aux dangers éventuels durant ce périple, aux formalités administratives nécessaires pour traverser des pays. Cette
immédiateté des choses, la place du possible, du rêve, dans le raisonnement du personnage, lui donnent une candeur et une naïveté peu tolérables dans nos sociétés dites civilisées.

La liberté de circulation est encadrée par des règles et des lois que ne connaît pas le rêve. Pourtant, les briseurs de rêves sont les garants du respect de ces cadres et d’un ordre qu’il faut bien établir d’une façon ou d’une autre.

Alors comment faire cohabiter les envies de tout un chacun dans les cadres qu’impose la vie collective ? Nos règles de vie sociale sont-elles encore capables de préserver les libertés individuelles ?

Et puis savons-nous encore saisir l’indispensable part du hasard ? Des questions complexes, lourdes, difficiles… où la réponse serait peut-être juste. “

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